12-7 Fin de parcours

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  Elle ne put s’empêcher de jeter un œil à ses mains et bouger les doigts. Puis elle porta son regard sur l’écoutille ouverte du sous-marin, qui était à présent à l'autre bout de la lagune. Une immense porte qui les repoussait et une ouverture qui les invitait à venir se réfugier.

« Moi je vais dans le sous-marin ! annonça Sandra.

— Non ! cria Henry. On y va tous ensemble, Sandra ! Bouge ton gros cul !

— Non mais ! Tu sais ce qu’il te dit mon gros… attends, tu vas voir ! »

Piquée au vif, Sandra se mit à nager frénétiquement vers le bord entièrement inondé sous cinquante centimètres d’eau. « Allez ! encouragea Henry. On y va ! Donnez-vous la main ! »

  Mona avait réussi à pénétrer dans l’antre rugissante. Henry arriva bientôt à son tour à la porte. Il empoigna le chant du vantail de pierre et se tourna pour tendre la main à Antonio. « Allez ! Vas-y ! Entre ! ». Sonia passa derrière Laura alors que Sandra ne cessait de jurer dans son dos. Elle admira la pièce dont les murs couverts d’or et d’ivoire resplendissaient des reflets de l’eau mouvante. Là, dans un coin du plafond éventré se déversait une cascade. Au-dessus de la vasque en or pendait un magnifique cristal blanc luminescent enserré dans des doigts de métal lisses comme des lames de titane.

  Elle s’agrippa à la vasque à la suite de ses compagnons. Le cristal avait une base pointue et brillait d’un étrange éclat mouvant. Des gouttes d’humidité parcouraient sa surface et des perles d’eau se détachaient de sa pointe pour tomber dans la vasque. La scène évoquait sans équivoque possible celle de la grotte du soleil levant. Le niveau de l’eau était tel que qu’il ne restait plus que quelques centimètres avant que l’eau de mer ne se déverse dans la vasque et n'emporte son contenu.

« Allez Allez ! Buvez Buveez ! cria Henry. J’arrive ! »

Un à un tous plongèrent leurs mains et burent. Les résultats s’affichèrent en vrac au-dessus des têtes. Sonia crut voir « + 8250 points de bonheur » « + 1 point de volonté » mais dans la confusion des affichages superposés, elle n’était pas certaine d’avoir bien vu. « Allez Sandra ! Bois le liquide ! insista Joe.

— Je vous emmerde ! J’ai pas besoin de vos points de… »

  Alors qu’elle parlait, la vasque fut submergée par l’eau de mer « Merde ! la coupa Henry. Il prit la tête de Sandra et l’enfonça dans le fond de la vasque. Il pressa sur l’arrière du crâne de la jeune femme un long moment tandis qu’elle criait et l’insultait. Chose extraordinaire, le son déformé qui parvenait aux oreilles de Sonia évoquait une personne étouffant sous l’eau. Puis brusquement, un message s’afficha : « + 1 Niveau PEX » ; « MAX mana » ; « + 5250 point de bonheur » et, comme un signe du destin, « + 1 point de sensibilité à l’eau ». Plusieurs personnes pouffèrent de rire. Il relâcha sa prise et c’est une furie qui ressortit sa tête. Elle lui envoya un direct dans la figure en l’insultant de tous les noms. Henry tomba dans l’eau en riant et fut emporté vers la porte. « Allez ! On rentre avant de rester coincés ici ! ».

  Au moment de s’élancer à son tour, Sonia avait de l’eau jusqu’à la poitrine. « Tu prends la pierre ? » demanda Joe à son compagnon d’aventure en passant à côté de lui. Sonia nageait tant bien que mal vers le sous-marin. Laura, partie après elle la dépassa en deux tours de bras. Dans Autremonde aussi, il y avait nageur et… nageur. Arrivée au Cousteau, elle s’agrippa à l’échelle et monta. Debout à côté de l’écoutille, Joe l’invita à descendre. Sa tête touchait déjà le plafond. Est-ce qu’il se rend compte qu’il est courbé ? Une lumière bleue éclairait la porte. Henry revenait à la nage vers le sous-marin. Est-ce que la porte allait se refermer maintenant qu’il avait retiré le prisme ? Un grondement plus fort résonna au loin. Sonia pensa que la fermeture s’activait jusqu’à ce qu’elle vit un ronflement du courant s’élevant dans l’interstice de la porte, et elle comprit que quelque chose n’allait pas. Une vague puissante s’engouffra à la suite d’Henry dans ce qu’il restait du lagon souterrain.

« Merde…, jura Joe.

ATTENTION ! cria-t-elle avant que la vague n’emporte Henry.

  Trop concentrée sur le sort de son compagnon, elle n’entendit pas l’avertissement de Joe. « Accrochez-vous ! ». La vague frappa le sous-marin qui se souleva d’un bond et s’écrasa contre la paroi de la caverne. Xena perdit l’équilibre et tomba à l’eau. Un instant désorientée, elle remonta à la surface et émergea. L’effroi l’envahit lorsqu’elle vit qu’il ne restait qu’une tête entre le plafond de la caverne et le niveau de l’eau. Et aucune trace du sous-marin. Elle tourna la tête à gauche, à droite. Rien. Tout était sombre autour d’elle. La lumière de la porte s’était éteinte.

« Où êtes-vous ? Où êtes-vous ? » cria-t-elle en panique.

  Soudain une lueur éclaira le fond de l’eau. Quelqu’un venait d’allumer les phares principaux du sous-marin. Ils avaient dû fermer l’écoutille et allaient partir. Elle devait réagir vite. Une ombre remonta vers elle depuis les fonds. Le visage d’Henry brisa la surface de l’eau et vint se coller à quelques centimètres du sien.

« Xena ! souffla-t-il. Tu fais du tourisme ?

— Naaaaaaaaaann ! gémit-elle. Comment on rentre ?

— Suis-moi ! On va s’accrocher au sous-marin et il va nous tirer de là. Prends ta respiration. On a cinq minutes pour nous sortir d’ici. Après ça, il faudra espérer que les requins ne passent pas dans le coin.

— Tu plaisantes ?

— Mmh… » dit-il d’un air ambigu.

  Ils plongèrent. Le Cousteau lévitait trois mètres plus bas. Les pales de l’hélice tournaient au ralenti. Henry indiqua à Sonia une prise où s’agripper sur le flanc de l’appareil. Elle voyait tous ses compagnons le visage collé à la vitre panoramique et eut l’impression d’être un poisson exotique dans un aquarium touristique.

« C’est bon ? demanda Henry dans un gargarisme de poisson noyé.

— C’est bon ! répondit-elle sans oser s’imaginer à quoi devait ressembler sa voix aux oreilles de ses camarades.

  Elle entendit le moteur ronfler et vit l’eau tourbillonner autour d’elle. Le Cousteau démarrait. D’un bond, l’appareil pivota vers le bas et plongea dans l’abîme. Sonia respirait avec difficulté. C’est comme si elle sentait une pression sur ses poumons. Pourtant elle pouvait respirer. Xena, non.

  Les murs de roche défilaient à toute vitesse. Le Cousteau tournait à plein régime. Rien à voir avec leur train de sénateur de l’aller. Joe connaissait les risques. Et heureusement il savait piloter le sous-marin. Que ce serait-il passé si Sandra avait dû les sortir de là avec son calme et sa légendaire pondération ? Et sans aucune connaissance en pilotage ? Elle pouvait bien parler. Qu’est-ce qu’elle aurait fait, elle ? Déjà qu’elle était assez stupide pour tomber du sous-marin juste parce qu’elle s’inquiétait pour Henry. S’il y en avait bien un qui ne risquait rien, c’était lui.

  Lorsqu’ils émergèrent dans la salle d’entrée du temple, elle sentait qu’ils avaient gagné. Bientôt, il n’y aurait plus aucun plafond pour coincer son avatar sans vie. Une fois dehors, au pire, elle remonterait comme du bois mort jusqu’à la surface. Le Cousteau fila par l’entrée à plein régime. Une fois à l’extérieur, il releva son nez et entama son ascension.

  Sonia souffla. On ne peut pas mourir. Combien de temps lui restait-il ? Pourrait-elle s’agripper au sous-marin jusqu’au bout ? Sa réflexion s’arrêterait là. Une ombre géante fut tout ce dont elle se rappela ; une ombre géante et une explosion de métal hurlant. Elle se remémora être violemment frappée par le flanc du sous-marin et projetée vers les fonds. La poignée de métal lui fut arrachée des mains. Elle tourbillonna sans savoir où elle allait. Dans l’obscurité la plus complète… Puis, elle vit le sol une fraction de seconde avant de heurter le fonds de la mer en soulevant un nuage de sable.

« Qu’est-ce que… ? » articula-t-elle.

  Elle ne finit pas sa phrase car déjà un rayon de lumière balaya le sable autour d’elle, une fois, puis une seconde fois comme lorsque le soir les voitures se succèdent à grande vitesse le long de la route nationale. Au troisième passage, elle comprit. Elle entendit le son du métal qui vrillait dans l’eau. Elle se retourna juste à temps pour voir la carcasse du Cousteau s’abattre sur elle comme une toupie folle… Mon Dieu…

Tout devint noir.

***

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