14-5 Trahison

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  Pourtant, déjà Henry avait saisi les poignets de Xena et, d’une seule main, les maintenait fermement serrés l’un contre l’autre au-dessus de sa tête. De son autre main, il arracha la partie haute de son vêtement, dévoilant la poitrine de la guerrière.

« Mais qu’est-ce que tu fais, là ? » s’exclama Sonia, attérée par la tournure des évenements. En même-temps, elle cherchait dans son menu la façon de s’échapper, mais curieusement, aucune fonction ne lui était proposée. Xena ne lui obéissait plus. Seule sa barre de plaisir semblait réagir.

« Ne me dit pas que je suis coincée, là ? »

Henry arracha la jupe de Xena. « Toi, dis-moi si tu peux t’échapper ». Elle était entièrement nue à présent et à sa merci. Comment avait-il fait pour arracher la tunique Xena comme si c'était du papier mâché ? Sonia avait la gorge sèche. « Je ne sais pas comment tu fais, mais tu n’es pas obligé de faire ça ». L’homme frotta son bas ventre contre celui de Xena, la barre de libido montait et descendait sur le même rythme agaçant. Xena émit un petit cri. Henry lui pelotait la poitrine.

« Tu es en train de violer mon avatar, Henry ! Tu veux que je me déconnecte ?

— Attends avant de juger ! Nous ne sommes pas dans la vraie vie ici. Ce n'est pas du viol ! Je veux juste voir si nos avatars sont synchros.

— Synchros ? Tu te fous de moi ? Synchros ?

— Pas du tout. Si le désir de l’un crée le désir de l’autre et vice versa. Un peu comme des âmes sœurs qui seraient liées par un même désir.

— Et tu dois me violer pour ça ? »

  Ses propres mots furent un choc pour elle. Ce n'était pas elle qui était violée, mais un avatar dans un jeu. Elle devait garder son sang-froid. D’un mouvement brusque, Henry enfonça son sexe dans l'entre-jambe de Xena. Cette dernière poussa un cri.

« Pour savoir ce qui maximise les points de bonheur, il faut essayer toutes les méthodes. »

Médusée, Sonia revécut alors le même film qu’elle avait vu avec la princesse. Xena se laissa d’abord faire, puis peu à peu participa à l’acte, sans qu’elle-même ne puisse réagir. Au bout d’une minute, nul n’aurait pu dire que l’acte était forcé.

« Qu'est-ce que tu essaies de prouver. Tu n'avais pas besoin... »

Elle s'arrêta au milieu de sa phrase. Elle ne savait plus quoi penser.

  Les flammes continuaient leur danse macabre, consumant les restes du mobilier. Plus haut, la toiture était béante, rongée par le feu, et laissait apparaître, entre les bouffées de fumée, un ciel nocturne nuageux. La bête terrassée gisait, la gueule écrasée sur le sol, et le reste du corps en partie affalé sur le tas de pierre du mur effondré. Au crépitement du brasier se mêlaient les gémissements saccadés de Xena sous l’emprise de son désir incontrôlable. Et derrière, toujours enchainée, la princesse les regardait d’un air absent. Elle avait repris connaissance. Mais que voyait-elle ?

  Lorsque Sonia reporta son attention sur la scène, Henry avait relevé Xena et l'avait retournée contre l'autel, sa poitrine gonglée s'écrasait sur la table de pierre froide. Elle était aphorme, se laissait faire comme si elle était droguée. Sonia voulait lui dire "C'est bon, arrête, maintenant". Mais aucun son ne sortit de sa bouche. À quoi bon argumenter.

  Henry saisit le bassin de Xena et la pénétra violemment par derrière. Xena gémit. Bousculée d'avant en arrière, elle subissait les assauts de plus en plus rapides, les joues rosées de plaisir, la bouche ouverte. Elle haletait à chaque mouvement.

  Sonia n'arrivait pas à comprendre. Il n'y avait aucune beauté dans cette scène abjecte qui se déroulait devant ses yeux. C'était un acte grotesque, vulgaire, commis par un homme en qui elle avait confiance et à qui elle devait tout ici. Il devait y avait une explication logique. Ils avaient fait l'amour ! Enfin quelque chose qui y ressemblait ! Pourquoi son avatar s'était mué en marionnette sexuelle heureuse d'être malmenée ainsi ? Rien dans l'attitude de Xena n'avait de sens. Et pourquoi agissait-elle par elle-même ?

Brusquement, elle repensa à la balade à vélo, et le fait que Xena pédalait par elle-même. Il y avait plein de choses que Xena savait faire d'elle-même sans qu'on doive le lui expliquer.

Mais là, c'est différent ! Elle ne m'écoute même plus !

  Tandis que la guerrière s'accrochait à l'autel, les coups de boutoir du chevalier s’accélérèrent et l’acte sexuel se termina sur un long râle de jouissance. Le chevalier se retira enfin laissant dans son sillage un lent filet blanc s’écouler le long des cuisses nues de Xena.

Comment ont-ils osé ! C’est dégoûtant...

Venait-elle de découvrir la vraie nature du jeu ? « Venir vivre tout ce que vous ne pouvez pas vivre dans la vraie vie » Qui avait dit ça déjà ? C’était ça qu’on proposait aux femmes ? Se faire violer sauvagement parce que dans la vraie vie, c’était pas permis ?

  Xena resta affalée sur l'autel un long moment, pantelante. Lorsqu'elle se releva, Sonia comprit que le contrôle lui était revenu. Xena était toujours nue, mais sa poitrine avait dégonflé. Elle ramassa les vêtements et rhabilla la guerrière. Son coeur battait à cent à l'heure. Quelque chose en elle venait de se déchirer. Était-ce le lien qu'elle avait tissé avec Xena ?

  • Tu veux bien... m'expliquer... amorça-t-elle tant bien que mal.

Les idées s'entrechoqaient dans sa tête. Il avait abusé d'elle. Non, il avait abusé de son avatar. Il fallait garder la tête froide. Il avait abusé de sa confiance, ça oui !

« Maintenant, nous avons la réponse à la question, observa Henry d'un ton détaché. Xena a un très grand appétit sexuel et se laisse volontiers prendre de force pour augmenter ses points de plaisir. »

Sonia ne réagit pas de suite à cette vérité sordide qu’il venait d'assener.

« Tu es en train de me dire... que si je veux éviter de me faire violer à tous les coins de rue, j’ai intérêt à changer d’avatar ?

— En réalité, tu as une chance extraordinaire. Le sexe est, comme tu le sais, le moyen le plus fort de gagner des points de bonheur. Si, comme tu me l’as dit, ton objectif n’est pas d’être une super guerrière, je crois que tu as l’avatar de rêve pour évoluer dans Autremonde.

— Un avatar qui se laisser violer par le premier venu ?

— Non, alors là, je te rassure ! Ton avatar ne s’est laissé faire que parce que c’était moi, ton premier amant, celui avec lequel elle a obtenu 5750 points de bonheur. La mémoire émotionnelle, si je puis dire, a joué en ma faveur. Elle ne se laisserait pas embobinner par le premier venu ! Mais elle aime ça !

— C’est ça, oui...

— Et d’ailleurs, je t’ai dit que les points d’expérience ne jouent pas ici car c’est une simulation. Il n’en va pas de même des points de bonheur. Notre relation sexuelle était réelle - enfin, on se comprend - et pas liés à la simulation. Les points de bonheur sont donc comptabilisés.

— Ceux que tu as gagnée avec la princesse aussi ?

— Ah… non. Pas ceux-là ! Mais j’aime assez cette variante !

— Cette variante… comme tu dis… ne fait pas vraiment partie du jeu, n'est-ce pas ? »

Henry émit un petit murmure.

« Comment dire ? C’est une variante inspirée du jeu.

— Ça veut dire quoi, ça ?

— Tu vas voir. »

  Henry se rapprocha de la princesse qui le fixait dans les yeux depuis son réveil. Il ramassa son épée, la souleva au-dessus du visage de la femme. Sonia ouvrit grand les yeux. Elle s’attendait au pire. Il frappa et brisa la chaine. La femme tomba par terre. Lorsqu’elle se releva, toujours aussi nue, elle s’adressa à Henry.

« Merci, chevalier, tu m’as sauvée des griffes d’une mort atroce. Pour te montrer ma gratitude, je suis disposée à t’offrir un présent parmi trois récompenses. À toi de choisir celle qui te convient le plus. Mais je ne t’en offrirais qu’une seule. »

  Le ton de voix était neutre et la femme parlait comme si elle avait tout oublié du viol qu’elle venait de subir. Sonia comprit qu’elle avait à faire à la séquence originale. « Mon premier présent est l’anneau de Xaltag. Il porte le sceau du Roi et te donnera libre accès à tout le Royaume. Tu seras digne représentant du Roi et tu recevras tous les honneurs dus à ce rang où que tu ailles.

« Mon second présent est la carte des Terres Interdites. Comme tu le sais, nul ne peut traverser ces terres hostiles sans courir à une mort certaine. Mais cette carte magique te permettra de te déplacer à travers ces contrées oubliées à ta guise et y découvrir les secrets qu’elles renferment.

« Enfin, si c’est ce que tu souhaites, comme troisième présent, je suis disposée à partager une nuit avec toi et t’offrir les délices du corps de la princesse de Xaltia. Et sache que l’homme qui est capable de me satisfaire, est assuré d’avoir une alliée indéfectible en cas de besoin. »

Henry se tourna vers Xena. « Voilà, tu vois pourquoi je n’ai pas dû changer grand-chose au scénario de base pour le rendre plus excitant.

— Je crois que j’en ai assez vu.

— Certainement »

Ils repassèrent par la porte, laissant la princesse, nue, attendant une réponse.

De retour dans le lobby, Sonia contempla encore une fois les huit portes, chacune avec ses particularités. Avait-il ajouté une modification à caractère sexuel à chacune des scènes ? Elle était en droit de se poser la question après cette première expérience.

Sonia annonça à Henry qu’il était tard et qu’elle devait y aller. Elle travaillait le lendemain. Ce qui était tout à fait vrai.

« Tu m’en veux, dit-il.

— Oui. J’aurais aimé que tu me demandes mon autorisation avant de me violer. »

Henry ne répondit pas tout de suite. « Je suis désolé. C’est mon côté un peu cynique, je crois. Je voulais faire le test en conditions réelles. Et puis je voulais te surprendre un peu. Je ne pensais pas que tu le prendrais vraiment au sérieux. Ce n'est qu'un jeu au fond et ce n'est pas comme si on était des étrangers.

— Je ne le prends pas au sérieux ! cria-t-elle. Mais… (elle serra les lèvres pour ne pas lâcher un mot qu’elle risquait de regretter)

— Si tu trouves que je t’ai manqué de respect, je m’excuse. Sincèrement. Je ne le referai plus.

Il se fout de moi ?

« Avant que tu ne t’en ailles, poursuivit-il, je voudrais que tu saches que ce que vivent nos deux avatars, c’est très rare. C’est une sorte de symbiose qui fait que lorsqu’on est ensemble, on gagne énormément plus de points de bonheur que la moyenne. Je m’en suis encore rendu compte aujourd’hui. Il y a une alchimie et ce, quel que soit la façon dont nous… enfin… la façon qu’on a d’intéragir.

« Je ne veux pas tout casser entre nous pour avoir sous-estimer ta sensibilité, conclut-il.

Sonia devait partir. Tout de suite. Elle voulait hurler sa colère. Elle allait ouvrir la porte, puis se ravisa. « C'est peut-être un jeu, mais c'est pas une raison pour m'humilier à travers mon avatar. Xena a peut-être adoré ça, mais moi pas du tout. C'était pas un moment de partage. Sur l'île, c'était différent. Là, j'ai l'impression que je ne contrôle plus rien.

  • Rassure-toi. Ça ne se reproduira plus sans ton consentement.
  • Qu'est-ce que tu en sais ?
  • Je le sais, sinon aucune femme ne resterait dans Autremonde. Et ça marche dans les deux sens. Figure-toi qu'il n'y pas que des hétéros ici. Entre nous, il y a un truc spécial. J'ai été un peu trop joueur. Je cherche toujours des nouvelles sensations car ici dans Autremonde, le sexe n'a rien de sacré, puisqu'il n'est pas réel. J'ai mal jugé la situation. Je me rattraperai. Je te le promets. »

  Elle devait repenser à tout cela dans le calme. Une partie d'elle-même voulait lui pardonner, un peu parce qu’il lui avait offert beaucoup depuis son arrivée sur Autremonde, un peu parce qu’elle voulait se convaincre que ce n’était qu’un jeu et qu’il ne fallait pas confondre Autremonde avec le vrai monde. Mais il était hors de question qu'il s'en sorte à bon compte.

« Je vais réfléchir, dit-elle. Tu crois que tu as gagné des points de bonheurs, là ? Mais je peux te dire qu'au contraire, tu as perdu beaucoup de points... »

  Sonia sortit de la pièce et se déconnecta. Elle déposa son casque et s’assit sur le divan. Elle avait les yeux qui piquaient. Peut-être avait-elle été trop près des flammes. Elle restait néanmoins perplexe. Les concepteurs étaient-ils des pervers sexuels ? Qu’on puisse violer un bot à la rigueur, mais une vraie joueuse ? N’y avait-il pas de règles dans ce jeu ?

  Il avait abusé d’elle. Il s’était moqué de son statut de femme. Elle venait de revivre le sempiternel poncif de l’homme se servant de l’acte sexuel pour asservir la femme. Au mieux, il voulait assouvir ses fantasmes les plus basiques sans le moindre respect pour elle ; au pire, il voulait marteler sa supériorité masculine en l’humiliant. Mais le coup de la bonne blague entre potes, elle n’y croyait pas une minute. À voir s’il rigolerait si elle lui enfonçait un pieu dans l’anus à ce connard !

  Elle respira profondément. Elle en avait presqu’oublié qu’il avait passé deux heures à lui inculquer les techniques du combat à l’épée. À partir de demain, forte de toutes ses combinaisons pré-enregistrées, elle ne serait plus aussi ridicule en combat rapproché.

  Et puis, ils n'étaient pas des étrangers l'un pour l'autre. Ils avaient déjà couché ensemble. Ce n’était pas comme si elle allait lui dire non. S’il lui avait gentiment demandé de lui faire l’amour sur l’autel, elle lui aurait sans doute dit oui. S'il lui avait demandé s'il pouvait la prendre violemment sur l'autel, elle aurait rigolé. Et elle aurait accepté. Comme récompense pour ses efforts.

Dommage.

Parce que maintenant, il pouvait toujours rêver.

Tous des pervers.

L’horloge de la cuisine indiquait 3h38. Ça allait être dur demain.

Demain ?

Non, tout à l’heure… Tout à l’heure, un nouveau combat l’attendait. Le jeu s’appelait KES, le niveau Egret et les adversaires étaient coriaces et vicieux.

Elle sentit qu'elle manquait d'air. Elle avait envie de vomir. Elle inspira longuement par le nez. Elle n'arrivait plus à desserer les dents.

Elle courut dans sa chambre, plongea sous sa couette, se plaqua l'oreiller sur la tête et hurla dans le matelas.

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