Journal d’Esmira
Ce n’était pourtant pas faute de les avoir prévenus ! La petite, celle que nous sommes venus chercher dans les Plaines d’Azur, nous a de nouveau échappé. D’abord, son père, qui était, dans le même temps, le chef de son village, l’a vaillamment défendue contre la Récolte. Ensuite, elle est parvenue à se débarrasser des hommes partis l’intercepter. Et à présent, voici que nous l’amenons dans notre campement et que son aigle gardien vole à son secours.
Kanos s’est montré inconscient, en l’amenant ici. Cette petite est intelligente : il ne lui en a pas fallu beaucoup pour comprendre où elle se trouvait et qui nous étions, ni d’ailleurs pour s’en prendre aux nôtres avant de disparaitre. Un couteau de cuisine posé là lui a suffi à poignarder deux de nos hommes, dont un seul a survécu à mes soins, alors que son aigle s’est chargé de ceux qui la menaçaient. L’aigle fut bien plus impitoyable.
Elle paraissait pourtant adorable, la petite. Lorsqu’elle m’a été amenée, durant la nuit précédente, elle était sale et exténuée. Cela devait faire un certain temps qu’elle marchait dans la forêt. Elle a aussitôt dormi jusqu’au matin, après quoi je me suis occupé d’elle, afin de la remettre sur pied. Je déduis, d’une part du fait qu’elle refusât catégoriquement d’ôter ses gants, d’autre part de celui qu’elle s’est attaquée à nos hommes à l’aide d’un couteau, qu’elle ne parvient pas encore à maîtriser son pouvoir. Mais elle était adorable, la petite. Toute gentille, calme et polie. J’ignore cependant ce qui lui a permis de nous démasquer. Nous avons pourtant pris soin de dissimuler tout signe de reconnaissance. Là encore, ce doit être l’inexpérience de ce jeune Kanos qui nous a trahis. Je ne parviens pas à comprendre les plans de notre Seigneur : à quoi pensait-il en confiant une mission de cette importance à son si jeune fils ? C’est insensé.
Mais que fais-je là, à refaire la politique de notre Seigneur ? Lui seul décide de la manière dont il mène cette guerre. Si cela ne tenait qu’à moi, nos bons souverains seraient encore sur le trône de Rubis. Eux, au moins, … Je ne devrais pas laisser sortir ces idées de ma pensée. Si elles venaient à être découvertes par mes supérieurs, c’en serait fini de ma vie. Après tout, peut-être sera-t-il bientôt temps…
J’espère que la petite s’en sortira. Peut-être pourra-t-elle reconduire la paix sur nos contrées. Je doute qu’aucun autre ne le puisse. Heureusement, dans ce cas, que ce vêtement que j’ai assez mal dissimulé portait l’écusson du Conseil. Sans lui, la petite n’aurait sans doute pas trouvé la force de nous quitter.
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