Chapitre 93 : Soulagement

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Ally

Ce fut seulement le surlendemain de son amniocentèse que Jenna accepta que je la voie. Stair m'accompagna jusqu'au studio. Comme nous étions hébergés chez Snoog, nous avions fait le chemin à pied : la neige était tombée sur Glasgow, mais des allées avaient été dégagées le long des quais de la Clyde et nous pouvions nous rendre chez nos amis assez aisément. Je me bénis d'avoir pensé à prendre nos bottes d'hiver, bien chaudes, pour pouvoir marcher plus facilement et ne pas avoir froid.

En arrivant au studio, je sonnai en bas de l'escalier desservant l'étage : je ne voulais pas monter sans les avoir prévenus de notre arrivée. Lynn descendit, nous fit la bise. Nous l'avions vu le soir de notre arrivée, chez Snoog, mais pas depuis. Il avait encore les traits tirés, mais son regard sombre avait retrouvé de la sérénité.

- On va à la salle ? fit-il à Stair. Tu peux monter, Ally. Jenna s'est allongée sur le canapé, mais elle ne dort pas.

- Elle a fait une sieste ?

- Oui, là, ça va.

- Ok. A tout à l'heure.

Et je m'engageai dans l'escalier alors que les garçons gagnaient la salle de répétition. Les instruments avaient été ramenés il y a deux jours par Andrew et Arrav et tout avait été remis en place. Le groupe allait vite repartir pour la dernière partie de la tournée, mais en attendant, Lynn le premier voulait pouvoir jouer. Et là, avec Stair présent, je sentais bien qu'il en avait besoin. Stair avait fait le trajet depuis Manchester avec sa basse, bien sûr, même s'il avait l'autre, la Fender Précision, ici. Je me doutais qu'il allait préférer jouer avec sa première.

Lorsque je débouchai à l'étage, je constatai en effet que mon amie m'attendait. Je me dirigeai droit vers elle en souriant, puis j'approchai un fauteuil pour être plus proche d'elle.

- Merci, Ally, d'être venue, me dit-elle la première.

- Comment ça va ?

- Fatiguée... Encore, très fatiguée. Ce sont les nerfs qui lâchent...

Je hochai la tête, compréhensive. Elle poursuivit :

- Mais tellement rassurée...

- Je m'en doute. On est tous soulagé aussi, on n'a pas arrêté de penser à vous, ces derniers jours.

- Merci, c'est gentil... Tu veux boire quelque chose ?

- Pas pour l'instant, mais je peux t'apporter un verre ou un thé si tu veux.

- Non, ça va. Lynn a laissé ce qu'il faut sur la table basse.

J'avais pu constater en effet qu'elle avait un verre et une bouteille d'eau à sa portée.

- Je dois rester au repos, le plus possible.

- Tu as un suivi ?

- Oui. L'infirmière passe une fois par jour pour me faire une piqûre pour éviter les phlébites. Je garde les pieds un peu surélevés, tu vois, fit-elle en désignant du doigt le coussin qu'elle avait placé sous ses pieds.

Elle laissa retomber sa main. Une petite couverture la recouvrait, Lynn avait aussi allumé le poêle. Il ne faisait pas froid dans la pièce.

- Mais c'est provisoire. Quand je serai bien remise de l'amniocentèse, je pourrai me lever à nouveau, marcher... En limitant les efforts, bien sûr, mais je pourrai presque vivre la suite de ma grossesse normalement.

- Tu as su quand, pour le risque pour le bébé ?

- Dès mon retour à Glasgow, j'ai pris rendez-vous et j'ai eu vite une première échographie et une prise de sang. C'est quand vous étiez en Australie, avant le concert à Perth, que j'ai eu les résultats.

- Et tu ne nous as rien dit à ce moment-là ? m'étonnai-je.

Elle secoua la tête :

- Je ne voulais pas que Lynn s'inquiète et que ça leur fasse manquer les derniers concerts, dont ceux du Cap. Je savais qu'il allait vite être de retour, je devais tenir...

Ce fut mon tour de hocher la tête : je comprenais son choix, même si elle avait dû porter cette inquiétude toute seule durant près de dix jours. Et sans doute que cela expliquait aussi, un petit peu, son état de fatigue et de relâchement.

- Enfin, Ally... Raconte-moi la fin de la tournée. Ca me changera un peu les idées. J'étais tellement préoccupée...

J'entamai alors mon récit, racontant notamment le concert avec Angus Young, puis la découverte du Cap.

Elle m'écouta avec plaisir, me posant différentes questions. Je sentais qu'elle regrettait un peu d'avoir manqué le concert avec le guitariste d'AC/DC, mais c'était un regret bien secondaire par rapport à la santé de son bébé. A la fin de mon récit, elle soupira et me dit :

- Je vais encore devoir vous confier de veiller sur Lynn, les prochaines semaines... Pour la fin de la tournée.

- J'imagine bien en effet qu'il n'est pas question que tu viennes avec nous... dis-je d'un ton compatissant.

- Le médecin m'a dit que je devais rester au repos complet pendant au moins un mois. Ensuite, si tout va bien, je pourrai assister à un ou deux concerts, à condition de ne pas avoir trop de route à faire. Mon but est de pouvoir les voir jouer à Glasgow et à Wembley.

- Je comprends. Tu as du temps, car ils vont quasiment terminer la tournée par l'Ecosse, avant de jouer à Londres.

- Oui, me dit-elle. Ca tombe plutôt bien pour cela.

- Je pourrais rester avec toi un peu, dis-je. Pour te tenir compagnie.

Elle sourit :

- Je ne voudrais pas te priver, Ally...

- On en reparlera, mais tu sais, me poser un peu d'ici les Fêtes ne me ferait pas de mal. Je me disais notamment que je pourrais ne pas les accompagner en Irlande. Ils ne vont donner que quatre concerts, sur à peine plus d'une semaine.

- C'est vrai. Ca ne fait pas une trop longue absence...

Stair

Pendant que les filles se retrouvaient, Lynn et moi gagnâmes la salle de répétition. Ca faisait un bail que je n'y étais pas venu, du fait de la tournée. J'avais mes deux basses pour jouer, puisque j'avais bien entendu emporté avec moi ma première. Et la Fender Précision que j'avais récemment achetée avait été soigneusement rangée au local par Aarav et Andrew. La batterie de Lynn avait aussi été remise en place.

Il s'installa directement derrière, alors que j'ouvrais l'étui et branchais ma basse, vérifiant les réglages de l'ampli. Un petit signe de tête pour faire savoir à Lynn que j'étais prêt et il attaqua par un de ses morceaux fétiches de Motörhead. Rien de surprenant, je m'attendais à ce choix, du moins à ce qu'il joue du Motörhead pour commencer notre session.

Même si le jeu de Lemmy avait été très différent de celui de Steve Harris, je devais reconnaître que j'aimais bien jouer à sa façon aussi, de temps en temps. Non seulement, ça nous rappelait de bons moments à Lynn et moi, quand nous étions ados, mais aussi parce c'était une façon très mélodique de jouer, très particulière. C'était du bon gros son et ça nous faisait du bien.

Nous jouâmes ainsi quelques morceaux, puis Lynn marqua une courte pause, attrapa la bouteille d'eau qu'il avait toujours à portée de main, même en répétition.

- Ca fait du bien d'jouer un peu, me dit-il. J'avais pas touché à la batterie depuis qu'on est rentré...

- Ah ? fis-je un peu étonné. J'pensais qu'tu te serais un peu défoulé...

- J'préférais rester avec Jenna, même quand elle se reposait. Jusqu'à ce qu'on ait les résultats, elle dormait super mal. Et moi aussi, du coup.

- J'comprends.

- Puis, même si j'ai eu une ou deux occasions de passer à la salle, ça m'disait rien de jouer tout seul. T'as bien fait de l'amener, me dit-il en désignant ma basse.

- J'aurais pris l'autre, sinon.

- Ouaip. Mais celle-là, c'est mieux, non ?

Nous échangeâmes un petit sourire, puis j'attaquai avec l'intro de The Clairvoyant, un morceau de Maiden. Le sourire de Lynn se fit plus large.

Cette petite session, juste tous les deux, avait au départ l'objectif de détendre Lynn, de lui faire du bien. Cela m'en fit aussi, bien sûr. Et mine de rien, jouer autre chose que nos morceaux nous aida également : c'était comme de marquer une petite pause dans la tournée.

Puis nous rejoignîmes les filles. Lynn avait prévu pour le repas et nous déjeunâmes tous les quatre ensemble. Jenna avait l'air moins fatigué que je ne m'y attendais, sans doute que les bonnes nouvelles l'avaient rassurée et bien réconfortée. Elle avait néanmoins encore le visage marqué et ça se voyait qu'elle avait dû beaucoup pleurer ces derniers jours.

Nous ne nous attardâmes pas, Jenna s'endormait presque à table et nous voulions la laisser se reposer. Sur le chemin du retour, j'interrogeai Ally :

- Alors, tu la trouves comment, Jenna ?

- Elle encaisse et je pense qu'elle va récupérer. Elle a besoin de repos et de tranquillité, maintenant. Stair... Je pensais rester avec elle, au moins durant les concerts en Irlande.

Je hochai la tête.

- C'est une bonne idée. Ca rassurera Lynn de savoir que quelqu'un de proche est avec elle.

- A la moindre alerte, je saurai comment réagir, on ne prendra aucun risque. Je pourrai aussi lui faire les courses, être là quand l'infirmière passera... Bref, prendre le relais.

- T'as raison.

- Ca t'embête pas que je ne vienne pas avec vous en Irlande ?

- Non, baby. On sera absent neuf jours, avec les trajets, c'est pas long. Et après, on marque une petite pause pour les Fêtes, de toute façon.

- Elle est encore très émotive, poursuivit Ally. Elle avait les larmes aux yeux quand j'ai proposé de rester avec elle.

- J'en parlerai à Lynn demain, j'pense que ça le soulagera aussi.

- Jenna va certainement le faire d'ici ce soir, tu sais.

- C'est vrai.

- C'était bien, votre séance à tous les deux, alors ?

Nous en avions un peu parlé durant le repas, et je confirmai :

- Yep. Lynn a attaqué direct avec des morceaux de Motörhead, c'était cool. Ca faisait du bien.

- Vous avez joué du Maiden aussi, j'en suis sûre, fit-elle avec un petit sourire espiègle.

- Forcément. The Clairvoyant, Can I play with Madness et puis Powerslave aussi.

- Pas The Trooper ?

- Nan... répondis-je avec un petit sourire en coin.

Car j'avais bien compris l'allusion.

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