Chapitre 113 : Steve

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Ally

Je m'efforçais de ne pas paniquer, mais je n'en menais pas large. Stair me conduisait à l'hôpital, en ce petit matin de décembre. Depuis le milieu de la nuit, j'avais des contractions et de plus en plus rapprochées. Je n'étais pas tout à fait à terme, la date était fixée à dans trois jours.

Mon téléphone bipa, me sortant de mes pensées alors que je fixais le feu qui semblait ne pas vouloir passer au vert. C'était Jenna : je lui avais envoyé un message en quittant la maison.

Coucou Ally et Stair, bon courage à vous deux. On va prendre la route d'ici peu, Lynn est en train de charger la voiture. Je vais préparer Thilia. A tout à l'heure. Bisous.

Je souris : il était évident que nos amis allaient nous rejoindre. Stair avait aussi prévenu Snoog, Treddy et David. Treddy avait répondu qu'il embarquait les deux autres et qu'ils allaient partir eux aussi. Je m'attendais donc à ce que d'ici trois heures environ, il y ait dans une salle d'attente le groupe au grand complet, pour nous soutenir comme nous avions soutenu Jenna et Lynn six mois plus tôt.

Mais qui pouvait dire où nous en serions dans trois heures ? Est-ce que j'aurais perdu les eaux ? Est-ce que ce serait très douloureux ? Est-ce que j'y arriverais ? Est-ce que Stair tiendrait le coup ? Il avait toujours l'air si placide et tranquille qu'on pouvait se dire qu'il n'angoissait jamais, qu'il était toujours zen, avec ou sans les conseils de Treddy, mais je savais bien qu'au fond de lui, il se posait beaucoup de questions et qu'il oscillait entre impatience et crainte.

- Ca va aller, baby, me dit-il en posant une main chaude et réconfortante sur ma cuisse. On n'est plus très loin.

Le feu était en effet passé au vert depuis un moment, nous avions même roulé, mais je n'en avais pas eu conscience. Il avait raison : on approchait. Ce n'était pas franchement la bonne heure, bébé aurait pu donner signe un peu plus tôt ou un peu plus tard, car nous étions pile dans l'heure de pointe du matin. Heureusement que je savais que pour une première naissance, ça prenait plusieurs heures... et qu'on avait largement le temps d'atteindre l'hôpital.

A peine arrivés, je fus conduite dans une salle d'examen. Monitoring, palpations et même une petite échographie pour vérifier que tout était en place. Et surtout que bébé était dans le bon sens. Ouf, une angoisse de moins.

- C'est pour aujourd'hui, me dit la sage-femme après avoir vérifié l'ouverture de mon col. Le travail est déclenché, même si pour le moment, ça va encore lentement. Vous voulez bien une péridurale ?

- Oui, confirmai-je.

Je fus alors transférée dans une salle d'accouchement, dans laquelle l'anesthésiste m'examina. Il vérifia mon dossier, me posa quelques questions, puis il mit en place le cathéter. Stair put nous rejoindre une fois que tout fut prêt. Comme Lynn avant lui, il avait dû revêtir toute une tenue spéciale. Mais contrairement à Lynn, personne dans le groupe ne l'avait encore vu ainsi et il avait pu éviter quelques moqueries. J'en souris néanmoins.

- Ca va, baby ? me demanda-t-il en s'asseyant à mes côtés et en me prenant la main.

- Oui. C'est pour aujourd'hui, dis-je avec un sourire un peu forcé.

- J'm'en doutais un peu... s'amusa-t-il. Vu que j'ai été habillé de pied en cap. Rien à voir avec une tenue de scène...

- T'imagine si Snoog se pointait ainsi en concert, une fois ?

Il éclata de rire et moi aussi, ce qui me détendit.

- T'as déjà l'anesthésie ?

- Oui, mais le produit va se diffuser petit à petit. Pour le moment, ça va. Le col est en train de s'ouvrir tout doucement.

- T'as pas perdu les eaux pendant que j'étais pas là ?

- Non, pas encore.

- Ok.

Et l'attente commença. Grâce à l'anesthésie, la douleur était supportable. J'avais bien insisté auprès de Stair pour qu'il me laisse si c'était trop dur pour lui. Mais il tenait à être avec moi. Lynn n'avait pas flanché pour Jenna, mais Lynn était très solide. Et je doutai, soudain, que Stair soit capable de la même chose. Enfin, nous verrions bien...

Stair

Nous avions bien vu. Bébé était donc prêt à montrer le bout de son nez. Je reconnaissais une certaine impatience, de la crainte, de l'admiration aussi. Et un grand bonheur à cette idée. On avait prévenu les proches et j'imaginais déjà la famille en train d'attendre, nos sœurs rivalisant d'impatience. J'avais aussi envoyé des messages aux Dark et si Treddy m'avait fait savoir qu'il embarquait Snoog et David, Lynn m'avait juste répondu "on arrive". Je m'attendais donc à ce qu'ils se retrouvent dans la salle d'attente d'ici une poignée d'heures. Pas sûr pourtant que Snoog ait prévu de quoi tromper son mal en patience. A moins que l'expérience de Lynn et de Jenna n'ait été profitable, mais j'en doutais.

En fait, si. Il avait prévu. Il était venu avec sa guitare sèche, pour gratouiller et écrire, et tromper ainsi son impatience. Et il s'était mis à écrire, notamment à partir de notes qu'il avait prises soit au cours de la tournée, soit lors de ses pérégrinations en Ecosse. Cela allait donner une véritable déclaration de guerre à l'Angleterre, un hymne à l'indépendance de l'Ecosse et, de façon sous-jacente, à la nôtre vis-à-vis de la maison de disques : Indyref2.

J'étais cependant bien loin de la création. Ou du moins pas du tout de la création musicale. J'assistai Ally le mieux possible, me sentant pourtant bien impuissant au cours des heures qui s'égrenaient lentement. Elle fut très courageuse et je m'efforçai de l'être aussi. Surtout quand la sage-femme me demanda si je voulais faire naître le bébé, m'expliquant que ce n'était pas compliqué. J'échangeai un regard avec mon Ally. Elle était fatiguée, mais je la sentais proche de la délivrance. Elle me souffla :

- Lynn l'a fait. Tu peux le faire aussi.

J'avais vraiment besoin de cet encouragement. Ouais. Mon pote avait été capable de mettre sa petite poupée au monde, je devais bien pouvoir faire pareil avec notre loustic. Après tout, ce n'était pas pire qu'affronter une horde de groupies en furie ou un stade de Wembley plein à craquer, non ?

En fait si. Mais bon. Je m'en sortis quand même bien.

Et je me retrouvai avec notre petit bonhomme ruisselant et hurlant dans les mains, à comprendre en un éclair qu'il n'y avait rien de plus fragile, de plus beau, de plus fort, de plus lumineux, de plus intense, de plus merveilleux que cet instant.

Et que lui.

Bébé Steve.

**

- Alors, montre-le !

- Qu'on voie s'il est aussi chauve que Thilia au même âge !

- Et s'il a tes cheveux ou les yeux d'Ally !

- Ca a l'air d'être un bon petit pépère...

- Il dort déjà ?

- Tu lui as joué tout le répertoire de Maiden et le nôtre en prime pour qu'il mette autant de temps à naître ?

J'eus un sourire amusé à les entendre tous. Ils n'avaient pas laissé le temps aux parents d'approcher et faisaient déjà cercle autour de moi. Seule Jenna était restée un peu en retrait.

- Vous permettez ? fis-je. Les grands-mères d'abord...

- Ah ouais, c'est vrai. Scusez-nous, Mesdames... Après vous, fit Snoog en mimant une révérence alors que les trois autres s'écartaient.

- On comprend votre enthousiasme ! rit ma mère qui ne demanda cependant pas son reste pour suivre la maman d'Ally et s'approcher de moi.

Elles regardaient déjà Steve avec adoration. Premier petit-fils d'un côté comme de l'autre, ça promettait. Avec les frangines qui voudraient le gâter, il finirait comme un coq en pâte si on n'y prenait pas garde.

- Qu'il est beau !

- Ah ça... Je dis pas le contraire, répondis-je au chœur des grands-mères énamourées.

- Comment va Ally ? me demanda ma belle-mère.

- Ca va. Fatiguée, mais ça va... Et aussi courageuse que Jenna il y a six mois, ajoutai-je en échangeant un regard avec Lynn.

Il se tenait près de Jenna, lui avait passé le bras autour de la taille. Elle me sourit et lui m'adressa un regard à la fois fier et amusé.

- Comment s'appelle-t-il ? Tu entretiens le suspens ! lança David.

- Et bien oui, fis-je. Je vais vous laisser deviner, après tout... Autant s'amuser un peu !

Ils échangèrent tous les quatre un regard interloqué. Puis Snoog s'esclaffa :

- Le pari de fou ! Il ou elle gagne quoi, celui qui trouve ?

- Le droit de le prendre en premier dans ses bras, répondis-je sans lâcher des yeux mon petit bonhomme qui dormait, indifférent à l'agitation qu'il suscitait, bien calé au creux de mes bras.

Ils levèrent tous les yeux au plafond avec un bel ensemble, puis ma mère lança les hostilités :

- Il s'appelle Roger, comme ton grand-père !

Ca aurait pu, j'aimais beaucoup mon grand-père, mais non.

- Moi, j'dis Charles, comme notre futur roi !

- Non, William ! Charles, il sera vite démodé…

- T'y es pas, Snoog, fit Treddy. C'est Robert. Comme Rob Roy ou notre poète Burns… Un prénom très à la mode en Ecosse.

- Pas du tout. Ce sera…

Et la liste continua à s'allonger, de suggestions toutes plus saugrenues et originales les unes que les autres. Je les laissai parler, bien amusé, me demandant si l'un ou l'autre aurait l'idée. Les seuls qui n'avaient pas parlé étaient Jenna et Lynn, un peu en retrait. Ils écoutaient, comme moi ; elle retenait parfois difficilement un éclat de rire, alors que Lynn demeurait sérieux.

A un moment, il se pencha vers Jenna qui lui murmura quelque chose à l'oreille, puis il s'avança en disant :

- Vous êtes au moins rendus au Pôle Nord, avec vos idées. La réponse, c'est que ce petit bonhomme s'appelle Steve. J'ai bon, non ? me dit-il en me fixant de ses billes sombres.

- Gagné, répondis-je. A toi l'honneur… Allez, mon Steve, va dans les bras de tonton Lynn. T'as une petite copine qui aime déjà s'y trouver, vous ferez la paire tous les deux…

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