Chap 45 : Courage ( ͝° ͜ʖ͡°)ᕤ
- Victor, depuis combien de temps connais-tu Samy ? m’interroge Anne en me tendant un verre.
- Depuis deux ans déjà, nous avons voyagé ensemble, répondis-je en restant évasif.
- Dès son retour parmi nous, il n’avait que ton nom sur le bout des lèvres. Je pense qu’il tient beaucoup à toi plus qu’il n’a osé me l'avouer.
- Il voulait s'assurer…
- Que j'approuverai, me coupe-t-elle en ne quittant pas des yeux le portrait accroché au-dessus de son lit.
- Je pense qu’il n’est jamais facile de dire ce que notre cœur éprouve même à sa mère.
- La tienne est-elle favorable à ce que vous puissiez être ensemble ?
- On va dire qu'il lui a fallu du temps pour l’accepter mais Samy n'y est pour rien, le problème réside plus dans la façon dont nous vivions notre relation mère-fils.
- Je peux comprendre que rien n'est aisé et que parfois on s’imagine un futur plus serein que celui que l’on peut vivre soi-même, soupire-t-elle.
- Oh ma mère a toujours fait ce qu’elle voulait, j’ai longtemps été qu’un fardeaux à ses yeux
- Comment peut-on considérer la chair de sa chair comme une épine dans le pied ?
- On va dire qu’elle voulait être libre de vivre sa vie comme bon lui chante. Je suis arrivé bien trop tôt dans ses plans. Je ne pense pas qu'elle ne désirait pas avoir un enfant, elle voulait surtout choisir le moment. Le destin en a décidé autrement.
- Et ton père ?
- Il a subi.
- Je suis désolée Victor.
- Non surtout pas, j’ai eu la chance d'avoir une grand-mère formidable qui m’a offert de l'amour pour deux.
- Victor, je peux t'avouer que j’ai peur. Pour la première fois de mon existence, je me sens démunie. Jusqu’à présent, j’ai toujours faire preuve de sang froid, même le jour où un ignoble personnage m'a arraché la plus belle partie de moi, en tuant mon âme sœur, murmure-t-elle les yeux remplis de larmes. Perdre Samy me sera fatal, je n’y survivrai pas
- Taisez-vous, m’emporté-je plus que de raison mais là silhouette dans l’embrasure de la porte ne m'en laisse pas le choix.
Je pose mon verre sur le coin du bureau, bien trop au bord, avec le mouvement des vagues qui se sont intensifiées, il s'écrase au sol. J'entends dans mon dos Anne qui me demande de rattraper Jules. Le bateau est secoué de toute part, tout autant que doit l'être Jules en attendant les mots de sa mère. La nuit s'est posée sur l’océan, les nuages ont caché la lune, le vent forci, l’orage menace de d'abattre dans les minutes à venir. Un éclair accompagné d’un roulement de tambour assourdissant résonne autour de nous, les marins s'activent pour amarrer tout ce qui peut encore l'être. La pluie fait son apparition, le pont devient glissant, je dérape et attrape juste à temps la corde qui passait par là. Je regarde si je peux apercevoir Jules, pas la moindre trace.
Puis une main se pose sur mon épaule, accompagnée d'un doux parfum de verveine. Une voix chaleureuse se blottit au creux de mon oreille, ses paroles rassurantes se mêlent au sifflement agressif du vent dans les filins.
- Victor.
Le simple fait d'entendre mon prénom me scotche sur place. Ce n'est pas possible, comment Joséphine pourrait se tenir à mes côtés, à moins que ce soit moi qui ait quitté ce monde.
- Rassure-toi tout va bien se passer, Samy n’est plus très loin et Jules se cache derrière les barils d’eau.
Je n’en reviens pas, est-ce que j'entends des voix ? Rien de surprenant quand je ne sais toujours pas comment j’ai atterri dans cette histoire de pirates. Je me retourne pour pouvoir prendre juste un instant ma grand-mère dans mes bras, j’en ai rêvé tant de fois. Sa silhouette disparaît dans la brume. Ne laissant derrière elle que la bonne odeur de verveine de mon enfance.
Je m'avance sans perdre de temps vers la cachette de Jules, la pluie couvre le bruit des ses larmes de crocodiles. Pourtant, je peux l’entendre renifler.
- Jules, tout va bien se passer. N’en veux pas à ta maman, elle a tout autant peur que toi, elle vous aime fort.
- Pourquoi a-t-elle dit ça ?
- Parce qu’elle avait besoin de se confier et c'était plus facile de le faire avec moi.
- Mais toi, tu ne dis pas de telles horreurs, tu l’aimes Samy et tu serais tout aussi malheureux que nous si nous ne le retrouvons pas.
- Tu sais, au plus profond de moi, je peux sentir les battements de son cœur comme j'entends les tiens.
- Tu discutais avec qui sur le pont ? Je ne connaissais pas ce fantôme.
- Si je te dis ma grand-mère est-ce que tu me croirais ?
- Oh que oui, affirme-t-il en se jetant dans mes bras.
Le ciel au-dessus de nos têtes se déchaînent, des seaux d'eau s’abattent sur nos crânes, le vent malmène le bateau et pourtant une bulle semble nous protéger, bercés par le chant de l'équipage.
Au coeur de la tempête
Nous ne craignons pas
Que le ciel nous tombe sur la tête
Nous sommes de bons gars.
Même si le roi nous traque
Par delà les mers
Dans nos flasques
Aucun goût amer.
Les fantômes de nos aînés
Seront toujours à nos côtés
Pour nous protéger
Nous, les fils des marais.
Auprès de notre capitaine
Au gré de nos voyages
Nous panserons sa peine
Avec force et courage.
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