Chap 47 : Accalmie 

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Après une nuit de répit où notre sommeil n’a pas été entrecoupé de cauchemars, nous décidons avec Morgan de profiter de l'accalmie pour arpenter les lieux. Ici le paysage se fond avec le ciel, la terre se prolonge dans l'étendue d’eau, les bruyères s'étalent tel un patchwork sur la lande sauvage. Des moutons paissent en toute liberté, un cormoran vient s’ajouter au tableau en déployant ses ailes pour nous saluer.

Nous voulions poursuivre notre voyage mais devant l’insistance et l'accueil de notre hôte nous n’avons pas eu à cœur de refuser son invitation. Il nous a conseillé de rester à quai encore une journée afin de reprendre des forces. D'après cet homme sage, la patience est toujours récompensée. Après un bon petit déjeuner, il nous incite à explorer les parages.

Le soleil s’est enfin montré reléguant l’orage au loin. Je scrute l’horizon dans l'espoir de voir le pavillon du Pearl ou bien celui du bateau d’Anne Bony après tout s’il s’agit de ma mère. Elle doit écumer terre et mer pour retrouver ma carcasse. Morgan ne cesse de vanter les mérites de cette femme pirate. Pourquoi douter de sa ténacité ? Si le capitaine du Pearl se trouve être le géniteur de mon nouvel ami comme j’ai cru comprendre entre deux histoires, peut-être les deux flibustiers se sont-ils unis pour partir à notre recherche ?

Notre hôte, en haut de sa vigie, sa longue vue en main, balaie l'océan. De son point d'observation la moindre coque de noix doit apparaître dans son viseur. Du sol, il ressemble à une chouette, sa tête tourne à cent-quatre-vingt degrés.

Avec Morgan, nous nous asseyons au bord de la falaise, nos pieds se balancent dans le vide. La paroi escaladée la veille nous apparaît avec ses pièges et nous découvrons avec stupeur les risques que nous avons affrontés. Je réalise que poussé par l’adrénaline et un instinct de survie, l'expression “soulever des montagnes” prend ici tout son sens. Mon grand-père me répète souvent qu'il ne faut pas être fou pour oser un périple, il faut juste se chausser de son courage pour l’affronter.

  • Tu penses qu’ils nous retrouverons, me demande Morgan, le visage fermé.
  • Écoute si ce n’est pas eux qui viennent à nous, c'est nous qui nous nous rendrons à bon port.
  • Samy, tu as déjà imaginé ton avenir loin de ce monde ?
  • Je t’avouerai qu'à aucun moment je n'avais envisagé être le fils d’un pirate.
  • Qu’est-ce que tu racontes ? m’interroge-t-il interloqué.
  • Laisse tomber, une histoire trop longue et dont je ne sais pas comment elle a commencé.
  • Tu es étrange parfois, souffle-t-il.
  • Je suis un peu perdu, c'est sûrement pour cette raison.
  • Est-ce qu’ils te manquent ? insiste mon voisin d'aventure.
  • Qui ?
  • Ta mère ? Ton frère ? Victor.
  • Je voudrais être à leur côté évidemment, mais je ne peux me lamenter sur mon sort, sinon cela voudrait dire que je n’ai plus d’espoir.
  • Je comprends, pourtant tu sembles présent et si loin parfois.
  • C'est mon côté rêveur. Et toi, si tu me parlais de ton père ? De ta mère ? Après tout, je ne sais que peux de choses sur toi. À moins que là aussi j’ai oublié des détails de ton passé.
  • Mon père, tu l'as rencontré quand tu es monté à bord à nos côtés. Il est juste avec ses hommes et se bat sans relâche pour apporter de l'aide aux plus miséreux.
  • C’est tout à son honneur, confirmé-je. Avec un peu de recul, je me rends compte que tu lui ressembles.
  • D'après ce qu’il m’a raconté, j'ai les yeux de ma mère et sa douceur.

Je réalise qu’il y a un passé douloureux derrière ces mots murmurés.

  • Ma mère est morte en couche, avoue-t-il en serrant les poings, c'est de ma faute.
  • Ne dis pas de telles âneries, je te l’interdit, dis-je avec fermeté en lui prenant la main.
  • Pourtant comment pourrait-il en être autrement ? Mon père a dû choisir entre elle et moi.
  • C'est son choix, pas le tien.

La discussion est entrain de prendre une direction que je ne désirais pas, il est temps de virer de bord et de redonner à ses yeux gris un peu d'éclat.

  • Regarde, là bas en contrebas il y a un sentier qui mène à une crique. Ça te tente. Le premier à l’eau prépare le repas.
  • Eh pas si vite, tu vas te briser le cou.
  • Tu penses pas que depuis le temps je l’aurai déjà fait.
  • Tu ressembles tellement à ta mère, avoue-t-il avec un sourire retrouvé.
  • Si tu le dis, je veux bien te croire. Mon père serait d'accord avec toi.
  • Quoi, ton père ? Je parlais de la femme avec qui elle t’a élevée, Mary Read.

Oups, je crois que j’ai fais une bourde, pour distraire son attention quoi de mieux que de jeter ma chemise sur le sable et piquer une tête. Si Victor était là, j'aurais perdu à tous les coups et ne me serait pas embarrassé à garder mon pantalon.

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