Pourquoi parfois le temps semble si court et à d’autres moments interminables ? Pourquoi quand nous sommes bien et heureux, les minutes filent au vent ? Pourquoi quand nous nous trouvons au fond du trou, nous observons le sable dans la clepsydre tout en soupirant d'ennui ?

Je scrute l’horizon depuis le lever du soleil. Même si cet instant en solitaire m’offre un espace de liberté, il est source de questionnements. Face à un tel panorama, je pourrais laisser mon imagination vagabonder, surfer sur les vagues de l'océan ou voler sur le dos des goélands. Tout deviendra simple et léger avec Victor à mes côtés.

Une boule me serre l’estomac, le temps s'étire et son absence me pèse. Combien de fois en plaisantant nous nous sommes dit que l'un sans l’autre nous ne pourrions respirer ? Nous le faisons machinalement parce qu’en nous existe un instinct de survie que nous avons renforcé. Alors pourquoi je manque d’air ? Cette impression est bien trop lourde à porter. Ma patience est malmenée. Je vais finir par craquer et hurler au vent mon désespoir.

Je me redresse en sursaut, en équilibre au bord de l’eau. Un drapeau flotte au loin, les prémisses d’un trois mâts s'esquissent. Plonger, nager pour le rejoindre, ne serait pas l'idée du siècle. La mer prend des teintes menaçantes, un nouvel orage se profile. Grimper en haut du phare pour envoyer un signal, si je fais une erreur en n’utilisant pas les bons codes, pourrait être fatal pour chacun de nous.

Peut-être le navire, vient-il avec des intentions belliqueuses ? Je voudrais demander conseil à Morgan et à notre gardien. Ils sont partis aux aurores faire des courses au village. Au lieu de ça, je dois prendre une décision.

Je remonte le chemin de la plage au pas de course pour rejoindre le phare. Je pénètre en trombe dans la chambre où nous avons élu domicile depuis une semaine. Je cherche dans mon paletot, le foulard que m’a donné Morgan quand je suis monté à bord du Pearl. Il est le signe de ralliement pendant un abordage. Ainsi les pirates ne se trompent pas de cible au cours du combat.

Je fais donc partie de l'équipe des sang et or. Je ferai un bon arrière droit dans la ligne de défense des Lensois ou des Catalans du Barça. Enfin pour l'heure, ce morceau de tissu est le seul repère dont je peux me servir si je veux inciter le navire à se rapprocher des côtes. Dans le cas contraire, je me ferai tout petit pour ne pas finir à fond de cales et servir d'appât pour piéger le capitaine du Pearl ou celui de Anne Bony, ma mère d’adoption.

Je grimpe à la vigie. D'un coup d’un seul mes battements de cœur s’emballent, mes doigts laissent échapper la longue vue Est-ce un mirage ? Je ne peux retenir mes mots et hurle à plein poumons : VICTOR.