Chap 50 : Souquons (Victor)
- Jules, tu n’as pas entendu ? interpellé-je mon compagnon en fixant l’horizon.
- Quoi ? Le vent qui se lève dans les haubans ? L’orage n’est plus très loin. Maman a dit que nous allions mouiller dans la baie, pour une fois elle ne veut pas affronter la tempête qui s’annonce.
- Non, un cri, un appel. Je suis persuadé d’avoir entendu mon nom dans le vent, ça venait de la falaise là-bas, dis-je en pointant du doigt le haut de la paroi.
Jules détale en direction du pont supérieur où sa mère à la barre est en grande conversation avec son second. J’observe le jeune mousse, tiré sur son bras pour attirer son attention. Il sautille et insiste pour qu’elle prenne compte de sa présence. La capitaine tend un objet à son fils qui rebrousse chemin pour me le confier.
- Tiens avec la longue vue tu pourras être fixé, affirme avec fierté Jules.
- Merci, je vais en prendre grand soin.
Je regarde à travers l’objectif, impatient de voir si mon rêve se tient à l'autre bout. Jules, à mes côtés, se balance sur ses pieds. Il attend un signe de ma part. Je règle la mire en direction de la plage et constate qu’elle est abandonnée. Je remonte le long de la falaise avant de grimper tout en haut du phare. Une silhouette disparaît avant que je n'aie le temps de définir ses contours. Et si je m'étais trompé, si tout n'était que le fait de mon imagination. Si mon esprit m'avait joué un mauvais tour.
- Alors, tu vois quelque chose ? m’interroge mon compère.
- J'ai vu une ombre dans la cabine du phare mais je ne peux affirmer que je la connaissais.
- Qui d’autre que mon frère pourrait crier ton nom au passage d’un navire ? me taquine-t-il.
- Peut-être des personnes malveillantes qui nous tendraient un piège.
- Tu penses que c’est un guet-apens ? soupire Jules déçu.
Je prends sa main tout en conservant un œil sur la zone . Pourrait-il y avoir un bateau en embuscade dans la seconde crique ? Un doute m'envahit mais ne laisse transparaître, le jeune homme à mes côtés n’a pas besoin de ce moment de flottement.
- T’inquiète qui que ce soit, j'ai le sentiment que nous ne craignons rien, affirmé-je.
- Comment peux-tu en être aussi convaincu ?
- Un sixième sens, soufflé-je.
- Tu as raison, regarde Victor, le nuage au-dessus du phare prend la forme d'un dragon.
Jules ne dit pas de bêtises, la masse blanche dessine bien une forme similaire à mon tatouage. Un signe du destin ou un simple hasard ?
- Victor, veux-tu te joindre à l'équipe qui se rend à terre ? me lance Anne Bony.
- Oui bien-sûr, m’empressé-je de répondre.
- Moi aussi maman je veux être du voyage, s'époumone Jules.
- Bien jeune homme, Victor, je te confie sa surveillance.
J'espère surtout que les hommes qui nous accompagnent seront à même de nous protéger. Je commence juste à maîtriser les tâches d'un marin, je n'ai pas les codes d’un pirate luttant arme à la main. Avant d’imaginer le pire ou de me lancer dans un combat en corps à corps, rien ne presse. Je suis persuadé que le moment venu, si je devais sauver la vie de Jules ou la mienne, je ferai preuve de courage et de détermination.
Pour l’heure, nous n'en sommes pas là. Le canot poursuit sa course en direction de la plage. Nous ramons en cadence au rythme d'une nouvelle chanson :
Souquons mes compagnons
Souquons vers l’horizon
Courage mes frères
Des aventures nous attendent.
Souquons mes compagnons
Souquons vers l’horizon
Avançons vers la terre
Retrouver nos amis dans les Landes.
Souquons mes compagnons
Souquons vers l’horizon
La mer est notre partenaire
Fougueuse, intrépide, truande.
Souquons mes compagnons
Souquons vers l’horizon
Sur son onde fière
Nous les joyeux drilles de sa bande.
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