Chapitre 10
Elina observa Jeanne quitter la maison, encore tremblante, le visage blême. C’était le moment. Elle s’approcha lentement, ses pas silencieux sur le gravier, son regard fixé sur Jeanne qui venait de refermer la porte derrière elle.
— Jeanne, attends ! lança Elina d’une voix faussement douce, mais ferme.
Jeanne sursauta et se retourna, le corps crispé, les yeux écarquillés d’une peur panique.
— Qu... qu’est-ce que tu veux ? siffla-t-elle, la voix tremblante et brisée, comme si elle avait du mal à contrôler son souffle.
Elina fit quelques pas vers elle, les yeux brûlants d’un éclat glacial.
— Tu ne peux pas continuer comme ça. Tu joues à quel jeu ? Tu sais très bien que je ne te laisserai pas me détruire.
Jeanne recula d’un pas, cherchant à fuir, les mains tremblantes.
— S’il te plaît... arrête... Je… je ne veux pas de problèmes… Je… je ne veux pas que ça devienne comme avant... Ne fais pas ça… Je… je t’en supplie...
Un silence lourd s’installa, chargé de tension. Elina avança encore, réduisant la distance.
Puis, d’un geste précis, elle fit semblant de trébucher brusquement.
Dans le même instant, sa jambe droite heurta un objet pointu qu’elle avait disposé à l’avance, caché dans l’herbe basse.
Un pic en métal, tranchant et fin, transperça sa jambe avec un bruit sec.
Elina laissa échapper un cri aigu, vibrant d’authenticité.
Elle tomba à genoux, serrant la jambe blessée.
Jeanne, figée, regardait la scène avec une terreur grandissante. Son visage se décomposa, ses mains tremblaient violemment.
— Oh mon Dieu… qu’est-ce que… qu’est-ce que tu as fait ?! bredouilla-t-elle, paniquée, la voix presque étranglée par l’angoisse.
— Toi… c’est toi ! hurla Elina entre deux souffles. Tu m’as attaquée, regarde ta main !
Elle agita lentement la jambe, le sang s’écoulant doucement, répandant une marque rouge sur son pantalon.
Jeanne recula comme prise dans un cauchemar éveillé, le regard déchiré, perdue dans ses propres pensées paranoïaques.
— Mais non… non, non ! Je n’ai rien fait… Je… Je te jure… Je ne suis pas comme ça ! Je… je ne veux pas qu’on me fasse ça, je… Je veux juste qu’on me laisse tranquille… Pitié, arrête… Je… je ne veux pas que ça dégénère… Je… Je… Je suis désolée, je… je ne voulais pas, je…
— Mensonge ! cria Elina en forçant ses traits, la voix tremblante. Tu ne peux pas nier ce que tu as fait.
Jeanne paniquait de plus en plus, le souffle court, les yeux écarquillés qui cherchaient frénétiquement une issue, un moyen de s’échapper.
Sa main tremblante alla instinctivement toucher sa poche, comme pour attraper un téléphone ou un objet, même si elle ne savait plus ce qui était réel.
— Non, non, non, non, non… Je t’en supplie… arrête… Je ne veux pas me faire mal… Je ne veux pas que ça finisse comme ça… Je… Je t’en prie… arrête… Je ne veux pas que tu me détestes… Je… je suis désolée… Je suis désolée…
Elina, malgré la douleur feinte, sentait le succès de son plan. Jeanne était totalement déstabilisée, envahie par la peur et la paranoïa. Elle s’enfonçait dans son propre labyrinthe de terreurs et de doutes.
Un jeu dangereux. Mais elle y était préparée.
Elina restait au sol, respirant fort, la main pressée contre sa jambe ensanglantée. Ses yeux à demi-fermés simulaient l’épuisement et la douleur, mais son esprit était alerte, guettant l’instant décisif.
Jeanne, elle, tournait en rond à quelques mètres, totalement perdue, les mains dans les cheveux, murmurant pour elle-même, comme une incantation :
— Je… j’ai rien fait… j’ai rien fait… j’ai… j’ai pas touché à cette chose… je… j’ai pas… non… je me souviens pas…
Elle tombait dans une spirale. Ses pensées fusaient, incontrôlables. Et dans ce chaos intérieur, une peur plus grande s’imposa : Et si elle avait fait quelque chose ? Et si elle ne s’en souvenait pas ?
— Peut-être que… non… je... je perds la tête, murmura-t-elle en reculant d’un pas.
C’est à ce moment-là que la voiture de Lila et Eva se gara brusquement devant la maison.
— Jeanne ! appela Lila en sortant du véhicule.
Mais leurs yeux s’agrandirent aussitôt à la vue de la scène. Elina était allongée sur le sol, du sang coulant de sa jambe. Jeanne, debout, les traits crispés, semblait en état de choc.
— Oh mon Dieu ! ELINA !! cria Eva, se précipitant vers elle. Elle s’agenouilla immédiatement et tenta de compresser la blessure avec son foulard.
Lila appela les secours dans un réflexe immédiat, ses mains tremblant sur l’écran du téléphone.
— Une jeune femme est blessée ! Elle perd du sang, c’est à l’adresse de Jeanne Sorelli ! Dépêchez-vous, s’il vous plaît !
— Ce n’est pas moi ! hurla Jeanne en titubant. Je... je n’ai rien fait ! Elle a... elle a... c’est pas moi, je vous jure !
Mais Eva ne l’écoutait déjà plus. Son regard s’était arrêté sur une boîte posée près du mur. Méfiante, elle l’ouvrit et découvrit ce qu’elle contenait :
une poupée vaudou aux traits étrangement semblables à ceux d’Elina, une épingle enfoncée dans la jambe, une brosse à dents maculée de faux sang, un paquet d’allumettes, et une lettre, soigneusement pliée.
— C’est quoi ça… ? souffla-t-elle, avant de déplier le mot et de le lire à haute voix, le visage blême :
> Elina, je ne t’ai jamais oubliée.
Tu as toujours été la petite princesse préférée de Papa.
Avec ta bouche cousue quand je te bousculais, t’insultais ou te frappais,
tu crois que ça s’est arrêté à l’enfance ?
Bien sûr que non.
Je vais continuer à me faire passer pour la victime.
Et à te détruire à nouveau.
Prépare-toi, Elina.
Un silence glaçant s’abattit. Eva tourna lentement la tête vers Jeanne.
— T’es complètement malade, murmura-t-elle, presque dégoûtée. Complètement tordue.
— Mais… ce n’est pas moi ! Ce n’est pas MON écriture ! cria Jeanne, les larmes aux yeux, titubant à moitié.
Mais plus personne ne semblait l’écouter.
Les gyrophares bleus se mirent à t
L’ambulance se gara juste devant la maison. Les secouristes se précipitèrent vers Elina.
— Restez avec nous, mademoiselle, on va vous transporter à l’hôpital, dit l’un d’eux.
Alors qu’ils refermaient les portes de l’ambulance, Elina, allongée sur la civière, tourna lentement la tête vers Jeanne.
Elle lui offrit un sourire discret, glacial. Calculé.
Jeanne, livide, entendit l’un d’eux dire :
— C’est ici. La victime est à l’intérieur. Et la suspecte… aussi.
Elle vacilla, son corps figé, incapable de faire un pas.
Un mot lui revenait en boucle dans la tête, comme une cloche qui résonnait de plus en plus fort.
“Victime.”
Mais qui l’était vraiment ?
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