Chapitre 14
Luka se réveilla avant Elina.
Le bras de la jeune femme était encore passé autour de lui, dans un geste d’abandon inconscient. Il la contempla longuement, son visage paisible dans le sommeil, ses cheveux éparpillés sur l’oreiller. Il se demanda, le cœur lourd, comment il avait pu lui faire autant de mal dans le passé.
Et puis, en y repensant... Tout avait commencé à cause de Jeanne.
Il fallait croire que l’histoire se répétait.
Doucement, il écarta le bras d’Elina, se leva, et se dirigea vers la salle de bain. Il ne verrouilla pas la porte. Il se déshabilla, entra dans la douche, l’eau chaude coulant sur sa nuque tendue.
Quelques minutes plus tard, Elina entra dans la salle de bain.
Elle laissa échapper un cri faussement choqué, plaquant une main sur ses yeux.
— Haaa ! Je suis désolée ! Je voulais pas ! cria-t-elle, jouant la surprise.
Luka tourna brusquement la tête.
— Oh mince… Pardon, Elina, c’est moi… j’aurais dû fermer à clé.
Elle acquiesça vivement, toujours les yeux couverts, et ressortit sans rien dire d’autre.
Il finit sa douche, le cœur tambourinant dans sa poitrine, secoué par la scène inattendue. Il se sécha, s’habilla, et descendit les escaliers, une serviette autour du cou.
Une douce odeur de crêpes flottait déjà dans l’air.
Lorsqu’il entra dans la cuisine, Elina était en train d’en cuire, concentrée, les cheveux relevés à la va-vite. Il s’approcha, surpris.
— Tu n’aurais pas dû… J’aurais pu le faire, tu sais.
— Cuisiner me détend, répondit-elle simplement, sans le regarder.
Une fois les crêpes prêtes, elle les servit avec des fraises fraîches et du chocolat fondu qu’elle avait préparé elle-même. Ils mangèrent en silence, puis Luka la félicita :
— C’est délicieux. Vraiment… Les fraises, le chocolat… t’as assuré.
Elle lui offrit un sourire radieux.
Ensuite, Elina alla prendre sa douche, tandis que Luka s’occupa de la vaisselle. Puis, sentant une pression monter, il partit à la recherche des toilettes. Ne voulant pas la déranger, il ouvrit plusieurs portes jusqu’à tomber sur une pièce sombre, sans fenêtre : un bureau.
Un ordinateur avec trois écrans trônait sur un bureau en bois foncé. Il s’avança un peu, curieux. Sur le coin, un carnet attira son attention. Il tendit la main, hésita.
Puis se ravisa.
Non, c’était sa vie privée.
Il ressortit de la pièce, et trouva enfin les toilettes. Il fit ce qu’il avait à faire, se lava les mains et ressortit.
Elina arrivait au même moment.
Ses cheveux étaient remontés en un chignon haut, elle portait une robe courte bleu roi, décolletée, avec des manches bouffantes. Un rouge à lèvres rouge habillait ses lèvres, et un trait d’eyeliner parfaitement maîtrisé soulignait ses yeux.
Luka s’arrêta, bouche entrouverte.
Elle était… magnifique.
Comme une princesse sortie tout droit d’un conte de fée.
— Quoi ? demanda-t-elle, amusée. Qu’est-ce qu’il y a ?
— T-tu es… sublime, bégaya-t-il.
Le sourire d’Elina s’élargit, puis elle s’approcha et le serra dans ses bras.
— Merci pour tout, Luka. Vraiment.
Il se ressaisit doucement, reprenant contenance.
— Bon… Il faudrait qu’on aille acheter un matelas, une couette, un oreiller, tout ça.
Ils prirent sa voiture. Alors qu’il roulait, son téléphone sonna. Il tendit l’appareil à Elina.
— Tu peux répondre, s’il te plaît ?
Elle s’exécuta, regarde l’écran, puis décroche. À peine eut-elle dit "Allô" qu’elle se mit à bégayer.
— V-votre mari conduit… Il m’a dit de répondre car il ne peut pas le faire en roulant…
Luka lui arracha doucement le téléphone.
— Arrête de faire des scènes, murmura-t-il à l’attention de sa femme. Comporte-toi mieux, s’il te plaît.
Il raccrocha.
— Pourquoi tu as fait ça ? demanda Elina, troublée.
— Elle est… jalouse. Trop. Et stricte. Je… On s’est mariés il y a trois ans. Elle a fait deux fausses couches avant d’avoir Manon. Ça l’a… changée. Elle est devenue possessive, froide. Elle ne supporte même pas le lien que j’ai avec notre fille. Elle me reproche tout, tout le temps. Elle se laisse aller. Et elle me crie dessus, souvent.
Il marqua une pause.
— Pardon… Je t’ennuie sûrement.
— Pas du tout, répondit Elina doucement. Je suis contente que tu te confies.
Un silence doux s’installa, puis Luka demanda :
— Et toi… tu as eu quelqu’un récemment ?
Elina secoua la tête.
— Je n’ai jamais eu de relation sérieuse. Jamais ressenti d’amour pour qui que ce soit. Et je ne voulais pas faire de mal aux hommes qui m’ont aimé. Je ne voulais pas leur donner de faux espoirs.
Luka fut surpris.
— C’est très honnête… et attentionné de ta part.
Ils arrivèrent au magasin. Luka gara la voiture, verrouilla, et ils entrèrent. Ils parcoururent les rayons, essayant plusieurs matelas. Elina en testa un, puis un second. Cette fois, elle attrapa Luka par le bras et le fit tomber sur le matelas au-dessus d’elle.
Il amortit la chute avec ses bras pour ne pas l’écraser.
Leurs regards se croisèrent.
Elina éclata de rire, mais son rire mourut doucement.
Son regard glissa sur les lèvres de Luka.
Le sien fit de même.
Un battement de cœur plus fort.
Il se racla la gorge, se redressa précipitamment, et l’aida à se relever.
— C-c’est ce matelas que je veux, dit-elle.
Luka acquiesça, même s’il était encore un peu perdu.
Ils choisirent une couette et un oreiller, passèrent à la caisse. Un vendeur aida Luka à transporter le matelas jusque dans la voiture.
De retour sur la route, le silence les enveloppa.
Au bout de cinq minutes, Luka souffla :
— Tu seras à l’abri chez moi. Je serai toujours là pour toi.
Elina tourna doucement la tête vers lui.
— Il existe peu d’hommes comme toi. Gentil, généreux, beau… compatissant.
Luka rougit en se garant devant chez lui. Il bégaya un merci, puis se reprit.
Ils descendirent. Luka prit le matelas à lui seul. Elina proposa de l’aide, mais il refusa.
— Non, t’en fais pas, je gère. Par contre… La clé est dans ma poche.
Elle glissa la main dans sa poche, frôlant involontairement son entrejambe. Le cœur de Luka bondit. Elina ouvrit la porte, ils entrèrent.
Il la guida jusqu’à la chambre, dans cette maison de plain-pied. Le berceau était vide. Sa femme devait encore bouder, promenant leur fille.
Il installa le lit, mit les draps, la couette, l’oreiller.
Puis il lui fit faire le tour du propriétaire.
Ils finirent assis dans le salon, chacun avec une limonade en main. Un silence s’installa.
Elina pensa alors, le regard posé sur Luka, un sourire tranquille sur les lèvres :
« Je vais t’arracher ce qui compte le plus pour toi. »
Et elle continua à lui sourire.
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