Chapitre 19

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La porte de la maison s’ouvrit lentement, et sa mère entra d’un pas lourd, fatigué. Jeanne, recroquevillée dans le salon, sentit aussitôt son cœur se contracter. Elle n’osait pas lever les yeux.

— J’espère que tu as une bonne explication, Jeanne. J’ai vu Elina aujourd’hui. Luka m’a tout raconté.

La voix de sa mère était glaciale. Chaque mot tombait comme un couperet. Jeanne se redressa d’un bond, la panique montant dans sa gorge.

— Maman, c’est pas ce que tu crois ! C’est elle, elle me pousse à bout ! Elle fait tout pour que je craque, elle retourne tout le monde contre moi !

— Assez ! s’écria sa mère. Tu veux qu’on parle de la boîte aux lettres ? De cette lettre infecte ? Des blessures qu’elle cache tant bien que mal ?

— C’est elle ! hurla Jeanne. Elle se blesse toute seule ! Elle... Elle veut me faire passer pour une folle !

Sa mère serra les poings.

— Jeanne... ton père aurait été anéanti s’il voyait ce que tu es devenue.

Un silence pétrifiant s’abattit dans la pièce.

— NE PARLE PAS DE PAPA ! IL M’AIMAIT LUI ! IL M’AURAIT... IL...

Sa voix se brisa. Des larmes jaillirent de ses yeux. La gifle partit net, sèche, cinglante. Le visage de Jeanne pivota sous l’impact.

— Arrête, Jeanne. Tu dépasses les bornes.

Jeanne tomba à genoux, secouée de sanglots incontrôlables. Son téléphone vibra dans sa poche. L’écran affichait : Lila. Les mains tremblantes, elle répondit.

— Lila ?

— T’es complètement tarée, Jeanne.

La voix de Lila était froide, tranchante, comme un couperet.

— De quoi tu parles ? bredouilla Jeanne.

— Tu sais très bien de quoi je parle. Ma maison. En feu. Eva et moi on a tout perdu. Et devine quoi ? On a dit la vérité à la police. L’enquête est en cours.

— Non... Non c’est pas moi ! C’est Elina, elle a tout orchestré ! Elle me fait passer pour une folle !

— J’étais avec Elina toute la soirée. Elle n’a rien fait. Tu veux qu’on vérifie les caméras du quartier ? C’est toi la mythomane ici, Jeanne. T’es dangereuse. Folle à lier.

— Je t’en supplie, tu me crois pas, mais...

— Tu veux que je dise à la police ce que tu as fait à ta sœur ? Tu veux ça ? Espèce de monstre.

Lila raccrocha violemment. Jeanne éclata en sanglots. Elle se mit à trembler de tout son corps.

Sa mère accourut.

— Qu’est-ce qu’il se passe encore ?!

— C’est Elina ! Elle fait croire que j’ai mis le feu à la maison de Lila ! C’est pas vrai ! C’est elle ! C’est ELLE !

Sa mère hurla, hors d’elle :

— Mais comment as-tu pu en arriver là ? Tu vas finir en prison, et franchement, tu le mérites !

— Non... Maman, pitié...

— DEHORS, Jeanne ! RENTRE CHEZ TOI !

— Maman, non, je t’en supplie...

Une deuxième gifle. Plus forte. Sa mère, tremblante, attrapa un sac et y jeta les affaires de Jeanne.

— Tu n’es plus la fille que j’ai élevée. Tu me dégoûtes. Déguerpis.

Jeanne partit. Les larmes aux yeux. L’âme brisée. Elle murmurait :

— Elina... Elina...

Elle marcha longtemps. Jusqu’à atteindre la maison calcinée. Les pompiers n’étaient plus là. Il restait des débris fumants, des cendres, des meubles noircis. Des souvenirs carbonisés. Elle se mit à hurler. Un cri de bête blessée. Une voix derrière elle :

— Elle s’est échappée de l’asile ou quoi ?

Elle courut. Le cœur en feu. Elle atteignit enfin sa maison, claqua la porte, ferma à double tour, et se laissa glisser contre le bois froid.

Elle monta, alluma son ordinateur. Son reflet dans l’écran la narguait. Le visage rougi, les traits tirés, les yeux cernés. Elle tapa : Elina complices homme femme rousse. Elle reconnut deux profils dans sa liste d’amis. L’homme au regard sombre. La femme rousse aux airs de charmeuse. Elle attrapa son téléphone, composa le numéro de la police.

— Allô ? J’ai des preuves ! Elina n’est pas seule ! Elle a des complices ! Je les ai retrouvés !

— Mademoiselle Jeanne, calmez-vous. Si vous continuez à délirer, on devra avancer la date de votre audience. Vous êtes la première suspecte de l’incendie.

— Mais je...

— Bonne journée.

On raccrocha. Jeanne resta figée. Puis serra les dents.

— Très bien, murmura-t-elle.

Elle composa un nouveau numéro. Celui d’Elina. Une sonnerie. Une deuxième. Une voix.

— C’est Luka.

Elle déglutit.

— Je veux parler à Elina.

— Tu ne parleras plus jamais à Elina. Plus jamais.

— Tu comprends pas... Elle a des complices ! Un homme ! Une femme ! Ils sont là, autour d’elle ! Ils l’aident à tout manipuler !

— Tu vas la fermer. Si tu continues comme ça, c’est pas en prison que tu vas finir. C’est à l’asile.

— Luka... tu me menaces ?!

— J’te préviens, Jeanne. J’ai plus aucune patience. T’as détruit trop de choses. Tu vas t’arrêter, ou tu vas tout perdre.

Il raccrocha.

Jeanne, les yeux remplis de larmes, regarda fixement l’écran noir. Elle vit son propre reflet : celui d’une femme désespérée, haïe, rejetée, seule.

Elle serra les poings, les ongles plantés dans sa peau.

— Il faut que je montre à tout le monde... qui est Elina. Qui elle est vraiment.

Elle ouvrit un document, y tapa ses souvenirs, chaque interaction, chaque manipulation qu’elle croyait vraie. Elle écrivit tout. TOUT. L’histoire. Les détails. Les mensonges qu’elle sentait vibrer dans les silences d’Elina.

son reflet dans l’écran, ses poings fermés, son regard dur, brûlant de rage. Et une seule pensée en tête :

Faire tomber le masque.

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