Chapitre 23
La nuit était tombée depuis longtemps sur la ville, et le silence pesant enveloppait chaque ruelle, chaque coin d’ombre. Anna marchait d’un pas décidé, ses talons claquant sur le trottoir irrégulier. Elle ne portait pas de manteau, juste une robe sombre qui épousait ses formes avec une précision calculée, comme une armure fragile.
L’air frais de la nuit piquait sa peau, mais elle ne le sentait presque pas. Son esprit était en ébullition, hanté par le pacte qu’elle avait scellé avec Elina et Damien. La rancune, la douleur et la soif de revanche pulsaient dans ses veines, chaque battement du cœur lui rappelant qu’elle n’était plus seule, mais liée à eux pour une cause bien plus grande que leurs souffrances individuelles.
Elle arriva devant la maison délabrée où Elina lui avait demandé de se rendre. Les volets claquaient sous le vent, la peinture s’écaillait, et une odeur âcre flottait dans l’air — mélange de moisi et de bois brûlé. Parfait pour ce qu’elles avaient à faire.
Elle sortit de son sac une petite bouteille d’huile sombre, presque visqueuse, et une boîte contenant des objets déplacés soigneusement rassemblés : une lampe, un vase, un cadre photo. Sa main trembla à peine en préparant la scène pour la nuit à venir. Chaque geste était une danse macabre, une promesse d’accident qui scellerait la chute de la mère de Jeanne.
Sans un bruit, elle s’installa sur le haut des escaliers, déversant l’huile en un mince filet invisible sous la faible lumière lunaire. Son cœur battait fort, non pas de peur, mais d’excitation. Le plan se déroulait comme prévu, mais la tension était palpable, l’attente presque insoutenable.
Alors qu’elle s’éloignait, le téléphone vibra dans sa poche. Un message d’Elina, simple et direct : « Tout est en place. » Anna sourit, crispée, consciente que chaque pas les rapprochait d’un point de non-retour.
Plus tard, chez Luka, la maison était enveloppée d’une lumière tamisée, chaude. Une musique douce filtrait à travers les murs, presque imperceptible, mais suffisamment pour bercer l’atmosphère d’une intimité complice.
Elina était là, assise près de lui sur le canapé, son regard capturant chaque mouvement, chaque souffle. Elle s’approcha lentement, posant une main légère sur sa cuisse, ses doigts effleurant la peau avec une délicatesse calculée.
« Tu sais, Luka… » murmura-t-elle, sa voix douce comme un secret, « parfois, j’ai l’impression que tu me vois vraiment. Pas juste l’ombre d’une présence, mais moi, avec toutes mes contradictions. »
Luka la regarda, ses yeux brillants d’un mélange d’admiration et de désir. Il ne savait pas ce qui l’attirait autant chez elle, mais c’était plus fort que lui, comme un aimant dont il ne pouvait se détacher.
Elina se pencha, effleurant ses lèvres des siennes, un baiser léger qui laissait déjà présager plus. Puis, d’un geste assuré, elle glissa ses mains sous sa chemise, explorant la chaleur de son corps.
« Je veux que tu saches… » souffla-t-elle contre son oreille, « que je suis là, vraiment là. Et que je ne partirai pas. Pas tant que tu auras besoin de moi. »
Luka, troublé, serra sa taille contre lui, répondant à son étreinte. Il voulait croire ses mots, mais une part de lui restait sur ses gardes, hantée par les doutes. Pourtant, ce soir, il se laissa bercer par cette illusion.
Ils s’abandonnèrent l’un à l’autre, les gestes devenant plus pressants, plus ardents, comme une promesse silencieuse. Elina savourait ce moment, consciente qu’il façonnait leur futur, qu’il l’enchaînait doucement à elle.
Alors qu’elle glissait ses doigts dans ses cheveux, elle murmura : « Je te protégerai, Luka. Toi, et Manon. Tu peux me faire confiance. »
Luka ferma les yeux, le cœur battant, convaincu — ou peut-être simplement désireux de l’être.
Elina s’approcha doucement du berceau où Manon dormait paisiblement, ses petits doigts serrés autour d’une couverture douce. Elle posa une main légère sur la tête de l’enfant, un sourire presque maternel éclairant son visage froid.
« C’est moi ta vraie mère, » murmura-t-elle, d’une voix douce et ferme à la fois. « Je suis celle qui va te protéger, contre le monde entier, si jamais il ose te faire du mal. »
Elle ajusta la couverture, s’assurant que Manon soit bien au chaud, puis resta un moment à la contempler, comme si cet instant lui donnait une puissance qu’elle n’avait jamais eue auparavant.
Les murs de la maison étaient silencieux, enveloppés dans une nuit épaisse. Mais soudain, un son brisa ce calme : la voix étouffée de Luka, au téléphone, provenant de l’autre côté du mur. Intriguée, Elina se glissa discrètement derrière le mur, son cœur battant plus fort.
« Je suis tombé amoureux d’Elina, » entendit-elle Luka murmurer, sa voix tremblante.
Puis une autre voix, celle de Jade, brisée, sanglotante : « Tu… tu vas appeler les services sociaux ? Demander le divorce ? »
Luka répondit d’une voix ferme, mêlée d’amertume :
« Depuis que tu as fait ces fausses couches, tu n’es plus la même. Je veux juste protéger Elina, à cent pour cent. »
Elina sentit une vague de triomphe glacée l’envahir. Elle se recula doucement, reprenant sa place près du berceau, le souffle court.
Quelques minutes plus tard, Luka frappa à sa porte. Elle l’invita à entrer sans un mot. Il s’assit près d’elle, regardant Manon avec une tendresse qu’elle savait bien manipuler.
« Dès que j’aurai divorcé de Jade, » murmura-t-il, « je serai là, à chaque instant, pour toi. »
Elina esquissa un sourire qui n’atteignait pas ses yeux. Le téléphone vibra dans sa main. Elle le regarda, un message de Damien :
« Éric, tu sais, ce harceleur de la fac. Notre pacte. J’ai besoin que tu crées un faux profil, que tu le harcèles en retour. Je compte sur toi. »
Elle répondit sans hésiter, tapotant sur son écran avec une détermination froide :
« Je m’en occupe. »
Elle se lança alors dans la création du profil, choisissant le nom « Alice0009 ». Les photos qu’elle sélectionna montraient une jeune femme souriante, aux cheveux bruns tombant en cascade sur ses épaules, un regard à la fois doux et perçant.
Elle commença à écrire, ses doigts glissant sur l’écran :
« Tu crois pouvoir continuer à nuire sans être puni ? »
« Ta réputation est finie, Éric. »
« Charlene mérite mieux que tes mensonges. »
« Cette fois, c’est toi qui vas tomber. »
Chaque message était une flèche lancée avec précision, une promesse de vengeance silencieuse.
Le regard d’Elina croisa celui de Luka, qui l’attendait, la respiration lente, confiant. Ils s’embrassèrent, leurs corps s’enlaçant dans une étreinte complice, silencieuse.
Enfin, elle se laissa tomber dans ses bras, le cœur battant, pleine de cette sensation de contrôle et de pouvoir.
Commentaires
Annotations
Versions