Chapitre 28

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Le campus résonnait de rires, de brouhaha insouciant. Mais dans les couloirs de la faculté de psychologie, l’atmosphère était bien différente. Damien, assis à une table, la tête baissée sur ses cahiers, se faisait entourer par trois étudiants à la voix acérée.

— Tu crois que t’es plus malin que nous, Damien ? T’as encore répondu à la place de tout le monde en cours ! Tu te prends pour qui ?

L’un d’eux renversa son gobelet de café sur les notes du garçon. Il ne broncha pas, les yeux humides, mâchoire serrée.

À quelques mètres, Anna traversait le couloir, son sac en bandoulière contre la hanche. Elle s’arrêta en voyant la scène, les poings crispés.

— Encore toi, la pétasse à becs de poule ? lança un des gars en la voyant approcher. Dégage, on est occupés.

Anna ouvrit la bouche pour répliquer, mais une autre voix fusa derrière elle, calme, froide, presque tranchante :

— Ça suffit.

C’était Elina.

Cheveux noirs tirés en une queue de cheval impeccable, blazer sobre et regard déterminé, elle s’avança sans hésiter.

— Vous êtes sur un campus, pas dans une cour d’école. Touchez encore à l’un d’eux, et vous verrez ce que c’est, la vraie humiliation.

Les trois garçons ricanèrent… puis reculèrent en voyant les regards se tourner. Un surveillant approchait. Ils disparurent, laissant Damien tremblant, Anna furieuse, et Elina droite comme une tour.

Ce jour-là, les trois devinrent inséparables. Elina avait brisé la glace, les avait unis dans un pacte silencieux : la haine de l’injustice. Ensemble, ils passaient leurs soirées à étudier, à échanger, mais surtout à parler des autres, de ceux qui blessent impunément.

Un jour, Elina dit :

— Vous savez ce que je rêve de faire ? Leur faire sentir ce que c’est, le feu qu’on porte en soi après avoir été rabaissé.

Anna avait murmuré :

— Je rêve de ça aussi.

Damien, plus timide, avait souri.

Ils étaient jeunes, brillants, blessés. Et déjà prêts à devenir plus que des étudiants.



Elina se réveilla en sursaut. Sa chemise de nuit lui collait à la peau. Elle haletait.

— Un cauchemar, chuchota-t-elle. Juste un rêve.

Luka, réveillé, l'attira doucement contre lui.

— Chut... je suis là. C'était quoi ?

— Horrible... mais c'est passé, dit-elle, mentant sans ciller.

Ils restèrent enlacés quelques minutes, le silence comme baume. Puis, à la lumière du matin, ils prirent leur petit-déjeuner. Luka mangeait des tartines grillées, Elina sirotait son thé à la menthe.

— Je vais voir si y’a du courrier, dit-elle.

Elle ouvrit la boîte aux lettres, et une enveloppe blanche tomba. L’écriture tremblante et désordonnée l’intrigua. Elle lut le nom de Jeanne au dos.

— Luka, regarde ça.

Il lut la lettre à voix haute. Un message menaçant, froid :

> "Tu crois que t’es en sécurité ? Rien n’est oublié. La vérité revient toujours. Tu as volé mon fils, ma vie, mon avenir. Prépare-toi."



— On va au poste. Immédiatement, dit Luka, le visage pâle.

En voiture, l’ambiance était lourde. Elina fixait la route, mains posées sur ses genoux.

— Elle avait l’interdiction de quitter la ville… fit-elle remarquer.

— Elle ne respecte rien, dit Luka. Mais on va s’assurer qu’elle ne recommence pas.

Il posa une main réconfortante sur son genou. Un moment plus tard, pour alléger l’atmosphère, il ajouta :

— Tu crois que le bébé ressemblera plus à toi ou à moi ?

— Avec un peu de chance, il aura ton calme, dit Elina en souriant.

Soudain, le téléphone sonna. Elina décrocha sans réfléchir.

— Allô ?

— Putain, t’as osé décrocher, voleuse de mari, voleuse d’enfant, hurla une voix féminine. Tu paieras pour ce que tu as fait.

C'était l'ex-femme de Luka.

— Je te plains, répondit Elina, glaciale. Ton malheur, tu l’as semé toi-même. Adieu.

Elle raccrocha. Luka, les lèvres serrées, pressa doucement son genou.

Ils arrivèrent au poste. Le policier lut la lettre, fronça les sourcils.

— Jeanne n’avait pas le droit de sortir du secteur. Cette lettre est une infraction. On va la convoquer dès sa sortie.

Ils déposèrent les preuves. En sortant, Luka proposa :

— Ciné ?

— Tu lis dans mes pensées.

Ils allèrent voir un film d’horreur psychologique. Luka sursauta plusieurs fois.

— J’aurais jamais deviné que la protagoniste était la méchante ! Elle jouait trop bien la gentille !

Elina sourit intérieurement.

> "Si tu savais, mon pauvre."



Ils dînèrent ensuite dans un restaurant italien. Luka sortit un jeu de cartes de son sac.

— Allez, petite revanche ?

Ils firent sept parties. Elina gagna cinq fois.

— Tu m’écrases, admit Luka, hilare. Je suis amoureux d’une stratège.

Ils rentrèrent. Elina monta à l’étage, se regarda dans le miroir.

Elle posa ses mains sur son ventre naissant.

— Petit cœur… Tu seras aimé. Protégé. Et tu ne connaîtras jamais ce que j’ai vécu.

Ses yeux brillaient d’émotion, de détermination. Et peut-être d’un soupçon d’ombre aussi.

Le silence de la nuit fut doux. Mais dans l’esprit d’Elina, une seule chose restait claire :

> "Je ne reculerai devant rien pour toi."



La nuit tombait sur la ville, baignant les rues d’un voile d’ombres calmes et orangées. De retour chez eux, Luka et Elina avaient rangé leurs affaires, troqué leurs vêtements de sortie pour des tenues plus confortables. Tandis que Luka passait dans la salle de bain, Elina s’attarda dans leur chambre, silencieuse.

Seule, elle se plaça face au miroir, une lumière douce caressant son visage. Ses yeux brillèrent d’une lueur particulière, mélange de fatigue, de détermination et de tendresse. Elle releva lentement son haut, dévoilant son ventre arrondi, encore discret, mais déjà bien réel sous ses doigts.

Ses paumes effleurèrent la peau tiède de son abdomen, dans un geste protecteur. Puis, dans un murmure presque sacré, elle s’adressa à son bébé :

— Tu sais… tu ne comprends pas encore tout ça, mais un jour, tu verras. Je fais tout ça pour toi. Pour qu’on ait une vie meilleure, pour que personne ne puisse jamais te faire de mal. Tu seras entouré de ceux qui t’aimeront vraiment, sincèrement… Et même si parfois je dois prendre des décisions difficiles, même si certaines vérités restent dans l’ombre… c’est pour nous. Pour toi.

Elle inspira profondément, se retenant de laisser ses larmes couler. Un frisson d’émotion l’envahit.

— Tu es mon espoir, mon combat, mon petit miracle. Et je t’aime déjà.

Elle resta ainsi quelques secondes, bercée par le silence, les mains posées sur son ventre comme pour lui transmettre toute sa force et son amour. Puis elle se détourna, éteignit la lumière, et alla rejoindre Luka.


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