Chapitre 34
Un claquement sec.
La porte.
Elina se redressa dans son lit, le cœur battant. Ses yeux s’écarquillèrent dans l’obscurité. Il faisait encore nuit noire, mais ce bruit-là… ce n’était pas un rêve. Il résonnait encore dans ses oreilles, comme une alarme muette.
— Luka. murmura-t-elle en secouant l’épaule de son petit ami, endormi à ses côtés. Luka réveille-toi.
Il grogna, cligna des yeux.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— La porte. J’ai entendu la porte claquer. Quelqu’un est entré. Ou sorti. Je sais pas. Va voir, s’il te plaît.
Luka se redressa en grognant à nouveau, mais il comprit à son regard que ce n’était pas une lubie. Il attrapa un sweat au pied du lit et descendit, pieds nus sur le parquet froid.
Le silence qui suivit était insupportable. Elina resta assise sur le lit, les jambes repliées, les bras serrés autour d’elle. Elle entendit les marches craquer, des pas précautionneux, une porte qu’on ouvrait doucement, le froissement d’un sac...
Et puis Luka remonta, le visage plus fermé qu’elle ne l’avait jamais vu.
— Quelqu’un est entré, confirma-t-il. Et... ils ont fouillé. Ton armoire, ton bureau. Tes affaires ont été déplacées. Il manque des trucs.
Elle blêmit.
— Quoi ? Qu’est-ce qui manque ?
— Des carnets, je crois. Des enveloppes. Y’avait aussi des clés USB dans ta boîte noire ? Y’en a plus qu’une. Et t’avais une carte SIM à côté de ton chargeur. Disparue aussi.
Elle bondit hors du lit, les jambes tremblantes. Elle ouvrit en grand sa penderie, puis fouilla frénétiquement la boîte où elle cachait ses choses les plus sensibles. Son téléphone secondaire n’était plus là. Le carnet noir – celui qu’elle utilisait pour noter les identités sous lesquelles elle agissait en ligne – avait disparu.
Elle sentit la panique monter, brutale.
Quelqu’un… avait mis la main sur ses secrets.
Ses mains se mirent à trembler. Ses jambes lâchèrent presque.
Elle attrapa son portable principal, ouvrit une application cryptée, tapa rapidement un code.
« URGENT. Quelqu’un a fouillé chez moi. Carnets + SIM + clés USB manquantes. Possibles fuites. Trouvez qui. Récupérez tout. Contactez-moi dès que c’est fait. »
Elle envoya le message à trois contacts différents.
Elle reposa le téléphone sur la table de nuit avec précaution, comme s’il pouvait exploser.
Elle savait ce que ça voulait dire. Elle savait ce qu’il y avait dans ces cartes SIM, ces fichiers. Des captures d’écran. Des fausses identités. Des messages réécrits. Des traces de ce qu’elle avait fait… à Jeanne. À d’autres.
Elle s’effondra sur le lit, se prenant la tête entre les mains.
— Faut que je voie Manon. Maintenant.
Elle dévala les escaliers sans même enfiler ses chaussons, traversa le couloir, ouvrit doucement la porte de la chambre de Manon. La pièce sentait le parfum de linge propre et la lavande. Manon dormait profondément, le visage paisible.
Elina n’en avait rien à faire.
Elle se précipita vers le tiroir secret, sous le faux fond de la commode. Elle le tira doucement… et blêmit.
Quatre cartes SIM avaient disparu.
Elle recula, comme si on lui avait arraché quelque chose d’organique. Ses jambes cédèrent cette fois pour de bon. Elle tomba à genoux, haletante, les yeux grands ouverts.
— Non… non non non non non…
Sa respiration s’accéléra. Elle voyait flou. Ses mains tremblaient. Elle commença à paniquer pour de bon. Tout son monde, toute sa mise en scène… s’effondrait. Une faille. Une seule, et tout s’écroulait.
Et elle ne savait pas qui l’avait provoquée.
Une main puissante vint se poser sur son épaule. Luka, alarmé par son absence, était accouru. En voyant son état, il s’agenouilla immédiatement et la prit dans ses bras.
— Elina, regarde-moi. Respire. Je suis là. Je suis là.
Elle secouait la tête en silence, incapable de formuler une phrase.
— On va installer des caméras. Demain. Je te le promets. Plus personne ne pourra t’approcher sans qu’on le voie. C’est terminé. D’accord ?
Elle releva les yeux vers lui, les larmes ruisselant sur ses joues.
Elle n’était plus la marionnettiste.
Elle était la cible.
Et ça, elle ne l’avait jamais prévu.
Annotations
Versions