Chapitre 35

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Ravi descendit de la voiture sans un bruit, ses bottes effleurant à peine les graviers de l’allée. Il jeta un œil rapide aux alentours, puis s’approcha de la grille.

Le métal avait été découpé grossièrement, comme à la hâte, avec une pince bon marché. Les bords étaient irréguliers, tordus, trahissant la nervosité ou l’urgence de l’intrus. Il s’accroupit, effleurant la base avec ses gants noirs. Il remarqua quelques empreintes de semelles, à peine visibles dans la terre asséchée.

Pas de traces de pneus.

Pas de gants oubliés.

Juste ces empreintes légères, irrégulières, et le silence.

Il prit une photo rapide, et envoya un message crypté à Elina :

Clôture découpée. Traces confirmées. Tu penses que c’était elle ?

La réponse arriva quelques secondes plus tard, brève, tranchante comme un ordre militaire :

C’est Jeanne. C’est obligé. Retrouve-la. Et surtout… récupère ce qu’elle a volé.

Ravi soupira, puis rangea son téléphone.
Il était habitué à ce genre de missions. Mais cette fois, l’air avait un goût différent. Comme si les rôles s’inversaient. Comme si Elina commençait à avoir peur.

Il se redressa et retourna à sa voiture. Sur le trajet jusqu'à la maison de Jeanne, il se repassa mentalement le plan : neutraliser les preuves, sécuriser les complices, surveiller les mouvements. Il n'avait jamais été un chien de garde. Mais pour Elina, il s’était changé en ombre.

Il freina devant le vieux bâtiment gris aux volets défoncés. Les fenêtres du rez-de-chaussée étaient closes. Une lumière clignotait à l’étage. Pas de mouvement apparent.

Ravi descendit, ajusta sa veste et monta les marches du perron lentement.

Il frappa une fois.

Deux fois.

Un léger grincement.

La porte s’entrouvrit dans un bruit de gonds fatigués.

Et là, dans l’embrasure, Jeanne apparut.

Les cernes profonds, le regard éteint, la joue encore tachée de larmes anciennes. Elle le fixa sans même le reconnaître, l’ombre de son âme comme peinte sur sa peau.

Elle ouvrit un peu plus.

— Tu viens finir le travail ? avait murmuré Jeanne en ouvrant la porte, l’air éteinte, presque déjà absente.

Ravi ne répondit pas. Il la fixa, impassible, puis poussa la porte sans attendre d’autorisation.

— Hé ! cria-t-elle en reculant, qu’est-ce que tu—

Il la poussa sèchement sur le côté. Elle heurta le mur, surprise plus que blessée. Il entra comme une tornade froide, sans un mot. Ses yeux fouillaient déjà l’entrée, les coins sombres, les objets à moitié dissimulés. Il savait ce qu’il cherchait.

— Tu peux pas entrer comme ça ! Tu peux pas— T’AS PAS LE DROIT !

Elle le suivait de près, le talonnant presque, hystérique. Mais il restait méthodique.

Salon : vide.

Cuisine : rien d’évident. Juste une vaisselle pas lavée, un mégot dans un verre.

Chambre : bingo.

Sous le lit, dans une boîte à chaussures, il trouva un téléphone rose abîmé, et deux cartes SIM collées avec du scotch. Il les brandit. Les yeux de Jeanne s’écarquillèrent.

— Rends-les-moi ! Ce sont MES preuves ! hurla-t-elle.

— C’est pas à toi de juger ce qui est vrai ou faux, répondit-il froidement.

Il la repoussa lorsqu’elle voulut l’arracher à sa prise. Puis, sans prévenir, il la saisit par le poignet et la força à se tourner. Elle se débattit violemment.

— LÂCHE-MOI, LÂCHE-MOI, ESPÈCE DE PSYCHOPATHE !

Il la fouilla rapidement, et dans la poche intérieure de sa veste, il trouva ce qu’il cherchait : une clé USB rouge, et une vieille carte SD.

Il la fixa, un sourire glacé aux lèvres.

— Voilà.

Mais Jeanne, haletante, les joues rouges de colère, planta son regard dans le sien :

— Tu peux les prendre. J’ai déjà fait une copie.

Il se figea.

— Où ?

Elle croisa les bras. Son masque de peur venait de tomber. Sa voix était glaciale :

— Devine.

Ravi n’hésita pas. Il fit volte-face et se précipita vers le bureau.

Jeanne hurla :

— NON !

Elle courut derrière lui, tenta de lui agripper le bras, mais il était déjà sur l’ordinateur. Il l’attrapa sans ménagement, recula d’un pas…

Et le projeta brutalement au sol.

L’ordinateur se brisa dans un fracas métallique. Les touches volèrent. Jeanne se jeta sur lui, mais Ravi l’ignora. Il piétina l’écran à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un amas de verre et de plastique.

Jeanne criait, suppliait, l’insultait.

Il saisit ensuite son téléphone, posé sur la table de nuit.

Un Samsung à moitié chargé.

— Attends— Non— Ravi—

Il le lança de toutes ses forces contre le mur.

Le portable éclata en morceaux. La coque sauta. La batterie glissa sous un meuble.

Jeanne tomba à genoux, le souffle court, les yeux remplis d’une rage désespérée.

— Tu sais pas ce que tu fais…

— Je sais exactement ce que je fais, répondit-il sans émotion.

Puis il tourna les talons.
Sans un mot de plus.

Il quitta l’appartement sous les cris déchirés de Jeanne, claqua la porte derrière lui, remonta dans sa voiture et prit une grande inspiration.

Le calme revint dans sa poitrine.

Il sortit son téléphone.

Mission accomplie. Rien ne reste. Elle n’a plus rien.

Envoyé.

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