Chapitre 57

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Le tribunal était plongé dans un calme glacial, interrompu uniquement par les échos des pas sur le carrelage. Le couloir menant à la salle d’audience était presque vide. Elina, les yeux fixés droit devant elle, attendait à distance de la porte. Ses traits étaient tirés, mais son regard brûlait d’une détermination froide.

Ravi, accoudé au mur juste à côté d’elle, restait en alerte. Il ne disait rien, mais ses yeux balayaient l’espace avec attention. Il la surveillait. Il la protégeait, à sa façon.

Capucine, un peu plus loin, observait la scène, tiraillée. Elle tenait un carnet fermé contre elle, les doigts crispés autour. Elle n’était pas censée être là aujourd’hui, mais elle avait ressenti le besoin de venir, de voir. De comprendre.

C’est alors que la silhouette de Jeanne apparut au bout du couloir. Seule, les mains jointes, elle marchait lentement, hésitante. Son visage semblait différent de d’habitude. Plus marqué. Plus fatigué. Quand elle croisa le regard d’Elina, elle s’arrêta, les lèvres entrouvertes, comme si elle allait parler.

Ravi fit aussitôt un pas en avant.

« Non. »

Jeanne cligna des yeux, surprise.

« Je veux juste lui parler, Ravi. Juste… quelques secondes. »

Il secoua la tête.

« C’est non. T’as eu des années pour parler. T’as choisi de te taire. »

Elina n’avait pas bougé d’un centimètre. Elle fixait Jeanne avec le même regard vide qu’elle avait adopté ces dernières semaines. Comme si elle regardait à travers elle. Comme si Jeanne n’existait plus.

Jeanne avança d’un pas, sa voix se brisant légèrement :
« Ce que je lui ai fait est impardonnable. Je le sais. Mais j’ai changé. Je… j’ai compris. »

Capucine sentit un frisson lui remonter l’échine. Elle s’avança légèrement, incertaine. Son regard allait de Jeanne à Elina, puis à Ravi.
Elle murmura :
« Peut-être qu’elle devrait l’écouter. Juste une fois. »

Ravi se tourna vers elle, le ton sec :
« Tu ne sais pas de quoi tu parles, Capucine. »

Capucine répondit avec douceur, mais fermeté :
« Si, justement. Je sais ce que Jeanne a fait. Mais je vois aussi ce que ça fait à Elina. Elle s’épuise. Elle porte tout ça seule. Peut-être que l’entendre s’excuser ne changera rien. Mais peut-être que ça pourrait… libérer quelque chose. »

Jeanne, silencieuse, posa ses yeux sur Elina. Elle s’avança encore, cette fois plus franchement.

« Je t’ai détruite. Je l’ai vu dans ton regard tous les jours. Et pourtant… je t’en voulais. Je t’en voulais parce que tu étais là, parce que mes parents t’ont adoptée et que je croyais qu’ils te préféraient. J’étais jeune, bête, et cruelle. Je voulais que tu souffres. Et tu l’as fait. Trop. »

Elle marqua une pause, les yeux humides.

« Mais je t’en supplie… je ne te demande pas de me pardonner. Juste de m’entendre dire que je regrette. »

Le silence tomba. Ravi se retourna lentement vers Elina. Elle n’avait toujours pas parlé. Mais ses mains tremblaient légèrement.

Puis elle se détourna brusquement et ouvrit la porte de la salle d’audience sans un mot.

Jeanne baissa les yeux. Ravi la suivit du regard, méfiant, puis s’approcha lentement d’elle.
Il murmura à son oreille, d’une voix dure :
« Elle n’a pas besoin de tes excuses pour guérir. Elle a besoin que tu payes. »

Jeanne ne répondit pas. Elle se contenta de hocher la tête.

Capucine s’approcha de Ravi, une main posée sur son bras.

« Tu crois qu’elle pourra un jour redevenir elle-même ? »

Ravi ne répondit pas tout de suite. Il regardait la porte fermée, derrière laquelle Elina s’était enfermée dans le silence.

Puis il dit simplement :

« Je crois pas qu’elle redeviendra un jour ce qu’elle était. Mais peut-être qu’elle deviendra quelque chose d’autre. Quelqu’un de plus fort. »

Le silence est tombé comme une chape de plomb dans la salle d’audience. L’air est dense, étouffant. Capucine est assise à gauche, entre Ravi et une avocate qu’elle ne connaît que de nom. Les bancs sont pleins. Un bourdonnement sourd s’élève de l’arrière, les murmures des spectateurs avides de scandale.

Jeanne est là. En face. Droite. Silencieuse. Les mains crispées sur ses genoux. Elle semble plus âgée que ses dix-sept ans. Son regard est vide. Pas défiant. Pas suppliant non plus. Juste… absent.

Capucine l’observe malgré elle. Elle a beau se répéter que c’est juste, que tout ça est mérité, un nœud s’est formé dans son estomac.

— Mademoiselle Jeanne Malvert est accusée d’avoir commis les faits suivants, lit à voix haute le juge, les lunettes glissées au bout du nez. Harcèlement moral et physique sur Elina Méricourt au cours des années collège et lycée...

Une pause. Un cliquetis de stylo.

— ...cambriolage du domicile de Lila Montel… destruction volontaire de biens appartenant à Eva Sabourin et Lila Montel… diffusion de contenus intimes… tentative d’entrave à une adoption légale… et incendie volontaire d’un logement privé.

Un murmure choqué parcourt l’assistance.

Capucine ferme les yeux une seconde. Ces mots, elle les a entendus mille fois. Elle les a répétés. Appris par cœur. Récités avec Ravi, à huis clos. Ils les ont construits comme une tour de verre : fragile, mais spectaculaire. Et aujourd’hui, ils brillent de mille éclats. C’est cela qui lui donne la nausée.

Le juge poursuit :

— Plusieurs témoignages ont été recueillis. Monsieur Ravi Sen et Mademoiselle Capucine Elvel ont présenté à la Cour des preuves circonstanciées…

Capucine baisse les yeux. Elle sent le regard de Jeanne sur elle. Ce n’est pas de la haine. C’est… un appel. Presque muet. Comme si, malgré tout, elle attendait encore qu’on dise la vérité. Toute la vérité.

— Madame le procureur, la parole est à vous.

Le silence est tombé comme une chape de plomb dans la salle d’audience. L’air est dense, étouffant. Capucine est assise à gauche, entre Ravi et une avocate qu’elle ne connaît que de nom. Les bancs sont pleins. Un bourdonnement sourd s’élève de l’arrière, les murmures des spectateurs avides de scandale.

Jeanne est là. En face. Droite. Silencieuse. Les mains crispées sur ses genoux. Elle semble plus âgée que ses dix-sept ans. Son regard est vide. Pas défiant. Pas suppliant non plus. Juste… absent.

Capucine l’observe malgré elle. Elle a beau se répéter que c’est juste, que tout ça est mérité, un nœud s’est formé dans son estomac.

— Mademoiselle Jeanne Malvert est accusée d’avoir commis les faits suivants, lit à voix haute le juge, les lunettes glissées au bout du nez. Harcèlement moral et physique sur Elina Méricourt au cours des années collège et lycée...

Une pause. Un cliquetis de stylo.

— ...cambriolage du domicile de Lila Montel… destruction volontaire de biens appartenant à Eva Sabourin et Lila Montel… diffusion de contenus intimes… tentative d’entrave à une adoption légale… et incendie volontaire d’un logement privé.

Un murmure choqué parcourt l’assistance.

Capucine ferme les yeux une seconde. Ces mots, elle les a entendus mille fois. Elle les a répétés. Appris par cœur. Récités avec Ravi, à huis clos. Ils les ont construits comme une tour de verre : fragile, mais spectaculaire. Et aujourd’hui, ils brillent de mille éclats. C’est cela qui lui donne la nausée.

Le juge poursuit :

— Plusieurs témoignages ont été recueillis. Monsieur Ravi Sen et Mademoiselle Capucine Elvel ont présenté à la Cour des preuves circonstanciées…

Capucine baisse les yeux. Elle sent le regard de Jeanne sur elle. Ce n’est pas de la haine. C’est… un appel. Presque muet. Comme si, malgré tout, elle attendait encore qu’on dise la vérité. Toute la vérité.

— Madame le procureur, la parole est à vous.

Une femme au tailleur strict se lève. Elle détaille froidement chaque chef d’accusation. Le récit est implacable. Jeanne aurait pénétré dans le logement de Lila pour y détruire les papiers d’adoption, avant de mettre le feu à une partie du salon. Elle aurait envoyé à Pablo une vidéo truquée de sa compagne le trompant, provoquant leur rupture. Elle aurait publié une photo d’Elina dénudée à l’époque du lycée, relançant ainsi le harcèlement. Tout cela pour « se venger de sa mise à l’écart », dit-elle.

— Nous avons ici le profil d’une jeune fille manipulatrice, vindicative et instable. Elle aurait dû répondre de ses actes depuis longtemps, conclut la procureure.

Jeanne ne bronche pas. Pas une larme, pas une protestation. Rien.

L’avocate de la défense demande une suspension. Elle veut revenir sur les preuves. Elle évoque l’absence d’empreintes dans l’appartement incendié. Le témoignage d’un voisin qui n’a rien vu. Des incohérences dans le récit de Ravi. Une connexion internet trafiquée.

Mais l’effet est déjà fait.

— Nous remettrons le verdict la semaine prochaine, annonce finalement le juge.

Tout le monde se lève. Jeanne aussi. Elle ne regarde personne. Pas même Elina, présente dans la salle, en retrait, son visage impassible comme une statue. Capucine croise son regard une fraction de seconde. Rien n’y transparaît.

Ravi se penche vers elle, presque joyeux.

— C’est gagné, souffle-t-il. Il reste plus qu’à attendre la chute.

Mais Capucine sent que la chute n’a pas seulement emporté Jeanne.

Elle aussi, elle tombe. Lentement.

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