Chapitre 67

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Luka fixait son téléphone, les doigts crispés autour de l’appareil, le souffle court. Après plusieurs appels sans réponse, il avait enfin réussi à joindre Capucine.

« Luka ? » La voix de Capucine tremblait légèrement, mêlant fatigue et inquiétude.

« Capucine, il faut que tu me dises… Où est Elina ? Où est Manon ? » Sa voix était ferme, mais trahissait une urgence désespérée.

« Luka… » Elle hésita un instant, puis reprit doucement. « Je ne peux pas te dire où elles sont. »

« Pourquoi ? » Sa mâchoire se serra. « Capucine, je suis le père de Manon. Je dois savoir. »

« Je sais, Luka. Mais Elina ne veut pas que tu les cherches pour l’instant. Elle a besoin d’un peu de temps. »

Le silence s’installa, lourd, pesant.

« Tu comprends ce que ça veut dire ? » lança-t-il, la colère montant dans sa voix. « Elle est partie sans me prévenir. Elle a enlevé notre fille. »

« Luka, je suis désolée… Je sais que c’est dur. » La voix de Capucine se brisa un instant. « Mais tu dois lui faire confiance, même si c’est difficile. »

Luka baissa les yeux, les poings serrés sur le téléphone.

« Elle part pour deux mois, non ? » demanda-t-il, sa voix plus faible.

« Oui, c’est ce qu’elle a dit. » Capucine évita soigneusement d’en dire plus.

Il laissa échapper un long soupir, le cœur battant à tout rompre.

« Merci, Capucine… » murmura-t-il, avant de raccrocher.

Le silence retomba dans la pièce. Luka regarda autour de lui, le vide de son appartement soudain étouffant. La colère monta, brûlante, douloureuse.

« Elle a pris Manon. Elle m’a laissé derrière. »

Il frappa du poing contre le mur, puis s’effondra sur le canapé, la rage mêlée à la douleur.

« Je vais la retrouver. »

Il n’y avait pas d’autre choix. Il le devait. Pour sa fille, pour lui-même.

Luka se tenait devant l’entrée austère de la prison, les hautes grilles noires entourées de murs épais qui semblaient étouffer toute lumière. L’air était frais ce matin-là, chargé d’une légère odeur de pluie mêlée à celle du béton humide. Les échos lointains de voix et de pas résonnaient dans la cour, entrecoupés par le cliquetis métallique des portes de cellules qui s’ouvraient et se refermaient.

Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, un mélange brûlant de colère, de douleur et d’espoir. Après tout ce qu’il avait traversé, il se retrouvait là, face à Jeanne, l’une des pièces clés de ce puzzle qu’il n’arrivait toujours pas à comprendre.

Les gardiens, sévères et implacables, l’accompagnèrent jusqu’à la cellule de Jeanne. Elle était assise sur le lit de fer, ses mains jointes devant elle, les traits tirés par l’usure et la culpabilité. Quand elle leva les yeux vers lui, Luka vit une vulnérabilité qu’il n’avait jamais remarquée auparavant.

— « Jeanne, » commença-t-il, la voix rauque, « il faut qu’on parle. »

Elle ne répondit pas immédiatement, simplement un signe de tête, une sorte de consentement silencieux qui en disait long sur la lourdeur de la situation.

Il s’approcha lentement, comme s’il craignait que ce moment ne soit qu’un rêve fragile.

— « La vérité… » dit-elle enfin d’une voix brisée, « la vérité est plus compliquée que tu ne le penses. »

Luka fronça les sourcils, cherchant à percer ce voile de mystère.

— « Explique-toi, » insista-t-il, la tension dans sa voix palpable.

Jeanne détourna le regard, fixant les barreaux froids avec une sorte de résignation douloureuse.

— « Écoute, Luka… Je sais que tu sais. »

Luka sentit son sang se glacer un instant, puis bouillonner de colère.

— « Je sais tout pour l’enlèvement de Manon. » Sa voix était basse, contrôlée, mais chaque mot pesait lourd.

Une larme coula furtivement sur la joue de Jeanne, qu’elle essuya rapidement d’un revers de main, comme pour chasser cette faiblesse qu’elle refusait d’afficher devant lui.

— « C’est impardonnable, » reprit-il, la mâchoire serrée, « peu importe à quel point j’ai pu être con avant. »

Elle baissa la tête, la culpabilité semblant l’écraser.

— « Elina… » murmura-t-elle, « elle a maquillé la vérité. »

Luka la fixa intensément.

— « Mais tu ne peux pas m’en dire plus ? » demanda-t-il, la rage mêlée à une douleur lancinante.

Jeanne hocha la tête lentement, sans parvenir à articuler un seul mot.

Il prit une profonde inspiration, cherchant à calmer cette tempête intérieure.

— « Tu as déjà menti pour elle ? » demanda-t-il d’une voix glaciale.

Elle acquiesça à nouveau, les yeux embués de regrets et de souvenirs.

Un silence pesant s’installa entre eux, lourd de non-dits et de souffrances enfouies.

— « Je vais me venger, » souffla Luka, la voix vibrante d’une détermination farouche. « Je vais la retrouver. »

Il passa ses mains dans ses cheveux, serrant les poings jusqu’à ce que ses ongles s’enfoncent dans la peau.

— « Je la forcerai à dire la vérité. Et je récupérerai ma fille. »

Jeanne leva les yeux, la voix tremblante mais ferme.

— « Parfois, dans la vie… on ne peut rien y faire. »

Elle marqua une pause, comme pour rassembler ses forces.

— « Elina a trop souffert, Luka. Elle s’est vengée, d’une manière que tu ne peux pas comprendre. »

Luka sentit un mélange d’indignation et de désespoir l’envahir.

— « Maintenant, c’est à mon tour. » Il avala sa salive avec difficulté, les yeux brillant d’une rage contenue. « Ma vengeance commence ici. »

Le silence s’étira, écrasant, tandis que la porte se refermait lentement derrière lui avec un claquement sec, résonnant comme la fin d’un chapitre sombre.

Alors qu’il s’éloignait, le regard de Jeanne restait fixé sur lui, lourd de reproches et d’un espoir brisé.

De retour chez lui, la porte claqua derrière lui, résonnant dans le silence pesant de l’appartement. Il laissa tomber son manteau sur une chaise, le regard vide, encore hanté par l’échange avec Jeanne. Tout semblait s’emmêler dans sa tête, chaque souvenir, chaque fragment de vérité ou de mensonge se télescopait dans un chaos insupportable.

Il s’assit lourdement à son bureau, tira un carnet usé d’un tiroir et ouvrit une nouvelle page blanche. Il sortit un stylo, le faisant tourner entre ses doigts, puis commença à écrire. Ce carnet, il l’avait toujours utilisé pour organiser ses pensées, ses repères, ses pistes. Aujourd’hui, il allait y coucher son plan pour retrouver Elina.

Il pensa d’abord aux endroits où elle aurait pu se cacher, aux villes où elle aurait pu chercher refuge. Il n’avait aucune certitude, mais refusait de rester dans le vague. Il griffonna les premières idées : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse… Puis il s’arrêta, cherchant plus loin, plus subtil. Chaque ville évoquait une possibilité, un souvenir qu’il devait explorer.

Il se souvenait des discussions qu’ils avaient eues, des endroits où elle avait évoqué vouloir aller, ou simplement rêver d’échapper à leur vie. Parfois, c’était un murmure, une phrase lancée en passant. D’autres fois, un regard insaisissable qui trahissait son envie d’ailleurs.

Il nota alors des villes moins évidentes, des petites villes côtières, des endroits reculés où la discrétion serait plus facile : La Rochelle, Saint-Malo, Annecy. Il inscrivit aussi des quartiers précis, des noms de rues, des cafés, des parcs où ils avaient partagé des moments d’intimité, imaginant qu’elle pourrait y revenir pour chercher des repères ou retrouver des liens.

Au total, une trentaine de noms se retrouvèrent sur la page, chacun avec une annotation brève : “possible départ”, “cachette temporaire”, “contact inconnu”, “lieu d’enfance”.

Le carnet devint peu à peu une carte mentale de ses espoirs et de ses doutes. Il savait que c’était beaucoup, que cette liste semblait folle, mais il ne se mentait pas : l’une de ces villes était celle où elle s’était réfugiée, avec Manon. Il allait devoir fouiller chaque recoin, chaque quartier, sans relâche, jusqu’à la trouver.

Il releva la tête, fixant le plafond comme pour y chercher une réponse venue d’ailleurs. Un mélange contradictoire d’amour et de haine brûlait en lui. Il aimait toujours Elina — cet amour était ancré dans sa chair, impossible à effacer. Mais ce qu’elle avait fait — cet enlèvement, cette fuite — c’était une blessure profonde, une trahison qu’il ne pourrait jamais lui pardonner.

Il serra le stylo entre ses doigts, la rage montant en lui comme un feu noir. « Je retrouverai ma fille, » murmura-t-il, la voix dure, « et toi aussi, Elina. Tu devras me faire face. »

Son regard se posa sur une photo posée sur son bureau — un instantané d’eux trois, souriants, avant que tout ne bascule. Il la saisit, la serra contre sa poitrine, puis la reposa lentement, comme pour marquer la distance qu’il devait prendre.

Ses pensées s’enchaînaient à toute vitesse : il fallait qu’il agisse, qu’il organise des recherches, qu’il trouve des alliés. Il devait contacter des connaissances, mobiliser ceux qui pourraient l’aider à retrouver leur trace. Le moindre indice, la moindre piste était une lueur dans cette obscurité.

Mais au fond de lui, une voix plus fragile chuchotait qu’il craignait aussi ce qu’il pourrait découvrir. Que si Elina s’était enfuie ainsi, ce n’était pas seulement pour fuir, mais parce qu’elle avait souffert d’une manière qu’il ne comprenait pas encore.

Il se redressa, prit une grande inspiration, et se remit à écrire. Chaque ville, chaque quartier, chaque parc allait devenir une étape de sa quête. Il ne reculerait devant rien.

Ce soir-là, Luka ne ferma pas l’œil. Son esprit restait tendu, focalisé sur une seule certitude : il allait retrouver Elina, pour le meilleur ou pour le pire.

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