Les jours ont passé. Puis les mois. Et Eléa est revenue.

Chaque nuit, elle remontait la pente gelée, là où la neige craque sous les pas comme une vieille chanson qu’on fredonne les yeux fermés. Là où elle l’avait vu. Où son cœur avait cru éclater sous le poids de l’espoir.

Elle ne parlait plus. Pas à voix haute. Mais son corps… lui, criait. Elle dansait.

Toujours au même endroit, entre les arbres figés et la falaise blanche. Quand la nuit tombait et que le ciel commençait à frissonner, elle se levait. Elle fermait les yeux. Et elle tournoyait.

Ses bras s’ouvraient, cherchant l’air qu’il avait frôlé. Ses pieds dessinaient des cercles dans la neige, là où jadis il la faisait rire, la faisait voler.

Elle dansait parce que c’était la seule chose qu’elle savait encore faire.

Elle dansait parce que tant que son corps bougeait, il restait vivant, quelque part, dans les plis du ciel.

Les aurores ne venaient pas toujours. Mais quand elles venaient, c’était pour elle. Elles ondulaient comme des souvenirs, s’enroulaient autour de ses gestes. Chaque mouvement appelait une lueur, une couleur, un murmure.

Et dans ces nuits-là… elle sentait sa présence. Pas comme un fantôme. Pas comme un rêve. Comme un souffle. Comme un rythme.

Parfois, elle croyait entendre ses pas derrière elle. Le bruit feutré de ses bottes sur la neige. Le bruissement de son manteau. La chaleur de sa main à quelques centimètres de la sienne.

Mais elle ne se retournait jamais. Elle savait. Si elle se retournait, il s’évanouirait. Alors elle dansait. Encore. Et encore. Jusqu’à ce que ses jambes tremblent.

Jusqu’à ce que le froid la morde. Jusqu’à ce que l’aube efface tout. Mais dans la lumière du matin, sur la neige immaculée, il restait quelque chose : des traces.

Pas les siennes. Deux empreintes. Celles d’un pas qu’elle n’avait pas fait.

Et alors, elle souriait. Car tant qu’elle dansait… il existait.