Chapitre 2 - Fanny

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La chambre d'Hugo reste entrouverte, Fanny ne peut s'empêcher de le regarder. Il va et vient, concentré sur ce qu'il emporte en vacances. Chaque fois qu'elle le voit ou pense à lui un irrépressible sourire nait sur ses lèvres. Mon fils est un beau jeune homme. Il grandit vite et m'étonne. Ces derniers temps, il a acquis plus de maturité. Elle en est contente et inquiète à la fois, bientôt, il n'aura plus besoin d'elle. Il approche du monde adulte, d'ici peu de temps, il quittera la maison et s'installera pour vivre sa vie. Elle se prépare à l'idée de rester seule, mais peu importe, son objectif est qu'il soit heureux. Un répit de deux ans au moins lui est accordé, le temps qu'il étudie pour obtenir son BTS.

Dans quelques jours, ils partent en vacances, au même endroit depuis toujours ; ses moyens de femme seule ne lui permettent pas de grands voyages ni de beaux hôtels. Mais au moins de partir deux semaines, c'est déjà beaucoup. Elle craint que cela pose problème à l'adolescent, qu'il se lasse et pense qu'elle aurait peut-être dû chercher un autre lieu, plus populaire. Toujours, son budget la rappelle à l'ordre, la bride. Encore une fois, une grimace tord sa bouche puis s'efface. J'ai la chance d'avoir un garçon qui comprend et qui est raisonnable, mais quand même. Le cadre s'avère magnifique, l'animation joyeuse. La plage s'étend tout près du logement et permet de belles promenades, du repos accompagné de lecture ou non, des baignades rafraîchissantes. Les amitiés qui s'y sont créées au fil du temps la rassurent ; pas pour elle, mais pour son fils, elle sait qu'il ne devra pas affronter la montagne des nouvelles rencontres.

Sans qu'elle se rende compte, ses pas l'ont entraînée près de son armoire. En se retournant, elle se heurte à son reflet dans le miroir et marque un mouvement de recul. Dans un geste de défense, elle ouvre le battant et fait disparaître l'image qui la dérange. Agacée, elle décroche trois robes, deux jupes et les dépose sur le lit. Juchée sur une chaise, elle récupère sa valise remisée tout en haut et la plaque sur sa couette. Je ne dois pas me laisser submerger par des pensées négatives. Des étiquettes froissées, des notes de restaurant, des cartes postales sont enfournées dans une poche intérieure, Fanny s'en saisit, les chiffonne dans sa main et les jette sur le sol. Les faire disparaître. Qu'elles n'existent plus. J'aurais dû le faire depuis longtemps. La colère a reflué en elle, encore une fois. Comme trop souvent. Comment oublier ? A l'aide d'une profonde inspiration, elle se reprend, choisit quelques hauts et plie avec soin chaque vêtement.

Le four signale à coups de bips sonores que la cuisson du filet mignon est terminée. C'est une collègue qui lui a transmis la recette. Les pommes de terre en cubes parsemées de quartiers de tomates et le romarin forment un lit pour la viande tendre et goûtue. Elle sait qu'Hugo va se régaler, elle-même en a l'eau à la bouche. Cette sensation agréable l'aide à chasser la révolte qui l'a secouée, la reléguer au plus loin.

Elle regagne la cuisine et dispose sur la table assiettes et couverts. Ses yeux s'égarent par la fenêtre. Elle a bien besoin de ces vacances, elle se sent fatiguée. Fatiguée du quotidien, des remarques des autres, du rythme soutenu de sa vie. Le patron a ses raisons d'être exigeant, les collègues font la course au fric, les passants courent sans arrêt et bousculent les autres sans présenter d'excuses. La révision et la réparation de sa vieille voiture lui ont coûté une fortune mais elle devait le faire pour assurer la sécurité de leur trajet. Elle espère pouvoir la remplacer d'ici deux ou trois ans, si ses moyens le lui permettent. Travail, courses, factures, ménage ponctuent sa vie de façon tyrannique, sans lui laisser le temps de souffler. Quitter cet appartement tristounet, pour quelques jours au moins. Pouvoir s'asseoir au soleil pour lire un livre. Ses aspirations ne sont pas si compliquées.

Le fumet de son plat vient taquiner ses papilles.

— Hugo, tu viens manger ?

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