Trompe-l’œil
Nous terminons le pot de glace, le film est fini depuis belle lurette et un fond musical a pris sa place. Nous avons choisi d’ouvrir le clic-clac pour nous mettre à l’aise.
- Zach, t’as sommeil ? m’interroge mon voisin de canapé.
- Pas plus que ça.
Franchement si Lucas me demande de choisir entre regarder le plafond ou le garder à mes côtés, il n'y a pas photo. J’opte pour prolonger ce moment à deux.
- Tu as envie d’un truc spécial ? insiste-t-il.
T'embrasser, quelle question ! Oui je n’ai qu’une envie: poser mes lèvres sur les tiennes juste pour retrouver le parfum de vanille. Cette idée traverse mon esprit avec tant de légèreté que mes poils se dressent le long de mes bras.
- On peut faire un jeu si ça te dit !
Sage ou coquin ? Oui on pourrait apprendre à se découvrir, à se dévoiler et s’effeuiller avec tendresse. Mes doigts voudraient se balader sur chaque partie de son corps encore dissimulé. D'ailleurs, je réalise que de nous deux, je suis le moins habillé. Je frissonne.
- Zach, tu as la chair de poule ?
Oula non, je ne grelotte pas, je bous. La lumière tamisée permet de cacher le feu qui irradie mes joues. S’il venait à effleurer ma peau, je pourrais le brûler. Tous mes sens s’enflamment. Lucas change de position pour s'appuyer sur son coude, son visage est à quelques centimètres du mien, son souffle se fraie un chemin dans mon cou.
- Tu es tellement mignon quand tu souris, murmure-t-il.
Et voilà, il vient de faire éclater en morceaux ma cuirasse. Des bulles explosent dans mon cerveau. Je suis vraiment trop con. Pourquoi je n’arrive pas à répondre ? Je suis comme un idiot, charmé par la douceur de sa voix. Lucas dépose ses mots sans détours. De mon côté, j’envisage de faire le tour du pâté de maison à fond pour faire redescendre la pression. Franchement, je n’ai rien de plus stupide à penser. D’un coup, son visage se ferme. Non, tout sauf ça, je ne veux pas voir de déception dans son regard.
- Je peux attendre, lâche-t-il dans un soupir.
Zach, ressaisis-toi ! Réagis avant de tout gâcher. Pourquoi suis-je aussi fébrile ? Je plane ou je suis un imbécile ? Si je me montre aussi peu enclin à répondre à ses avances, il va se lasser. Il va penser que mais que va-t-il penser que je ne pense moi-même. Je meure d’envie de m’emparer de ses lèvres, de le serrer dans mes bras, de caresser chaque parcelle de sa peau. Et au lieu de me jeter à son cou, je reste tétanisé.
- Je peux ? me demande-t-il en posant sa main sur ma joue.
Oh que oui, tu peux, vas-y prends les devants. N’hésite pas à me bousculer. La seule chose dont je suis capable, c’est d’acquiescer de la tête. Ses doigts caressent les poils de ma barbe naissante. Ils rasent l’arête de mon nez avant de dessiner le contours de mes lèvres. Je ne peux résister plus longtemps et embrasse le bout de son index. Ce contact est mon accord silencieux et il poursuit sa route le long de ma glotte. À nouveau, je frissonne.
Sa paume se plaque sur mes pectoraux, elle marque une pause tout prêt de mon cœur. Mon pouls s'accélère à chacun de ses mouvements. Je ne contrôle plus rien. Mon seul voeux, m'abandonner à ses baisers, parce que ses lèvres prennent la place de ses doigts. Elles se font douces et sensuelles, curieuses et rebelles.
Les papillons qui virevoltent dans mon ventre ont envie de danser avec lui. Mon être est à découvert, à nu devant ses attentes qui peu à peu réveillent les miennes. Je ne souhaite pas le stopper dans son élan parce que des regrets je ne veux point en avoir. Son sourire réanime tous mes sens, ses mots éteignent tous mes doutes. À chacun de ses gestes, je revis. Avec tendresse, il m'adresse toute son attention. Avec volupté, il capte toutes mes émotions.
Quand sa bouche s'égare sur mes tétons, que sa langue s'en empare. Je pique un fard La bosse qui déforme mon caleçon ne cache plus rien. Elle est le prémisse de mon plaisir naissant, une invitation. Si les mots m’échappent sous ses caresses, il attrape l’essentiel de mon désir. Que vouloir de plus ? Rompre la magie du moment, celle où deux amants s’apprivoisent dans le silence de la nuit, hors de question.
Ses lèvres frôlent chaque parcelle de ma peau, je fonds sous les assauts de sa langue. Avec justesse, il me réinvente. Je laisse échapper un râle quand son pouce vient effleurer l'élastique de mon caleçon ou quand ses autres doigts plus polissons s’amusent sur mes fesses. Une décharge électrique remonte le long de mes reins.
Quand Lucas vient au creux de mon oreille me demander la permission d’être plus entreprenant, je ne peux refuser ce que mon corps réclame, conquis. Son sourire me charme. En réponse, je viens chercher ses lèvres pour déguster le goût de vanille encore présent. Sa main glisse sous le tissu, nos langues se découvrent. Elles s’emmêlent alors que ses doigts enserrent mon sexe. Le souffle coupé par ce contact éphémère, je viens à mon tour le caresser et avec fougue retirer son polo.
Nous nous retrouvons assis face à face, à la recherche d'un petit bout de terre à explorer, les mains de font baladeuses, les bouches joueuses, les pensées rêveuses. La lumière du réverbère dansent sur nos torses et nous suivons son halo, heureux de ce rapprochement subtil. Dans son regard, je cherche l’ancrage où je pourrais venir amarrer mon âme quand je me perdrais.
Je ne sais plus qui de Lucas ou de moi à accélérer le tempo après ce doux moment à apprendre à savourer le corps de l’autre. Petit à petit, j’ai pris des initiatives avec parfois la maladresse des premières fois. J’avais peur de le brusquer sans prendre le temps d’écouter son souffle chavirer. L’orgasme m’a saisi puis ce fut à son tour. La fatigue nous a enveloppé et nous nous sommes endormis. Lui a posé sa tête sur mon torse, et moi mes bras autour de ses épaules.
:-\
Un cauchemar me réveille en sursaut, les yeux remplis de larmes. Des images tournent en boucle dans ma tête. Léo inconscient sur la glace, une tâche de sang se répand, ma mère à ses côtés discute avec un autre gars, ils prennent soin de lui. Tout refait surface et se mélange dans mon esprit, le présent ne chasse pas le passé au contraire il l’alimente. Un goût étrange, amer s'immisce sur mon palais bien loin de cet arôme de vanille doux et sucré dont je me régalais.
Lentement une main se pose sur ma cuisse, elle me caresse avec une infinie délicatesse pour effacer mes peurs. L’empreinte de ses doigts remonte en petits cercles le long de mon ventre. Mes battements de cœur ralentissent. Peu à peu, je reprends mon souffle. Avec des mouvements presque au ralenti, Lucas fait baisser ma pression artérielle et me reconnecte à ce salon où nous venons de partager notre première fois. Dans la chaleur de la couette, calé contre son dos, je me rendors.
;-)
- Zach, me murmure une voix à l'oreille, réveille-toi.
- Humm, lâché-je en tentant d’ouvrir un œil, encore cinq minutes.
- Pas plus, sinon nous serons en retard tous les deux.
- Hein, dis-je en me redressant constatant que le soleil est déjà bien haut dans le ciel.
- Tu n’as pas rendez-vous avec Rose ?
- Si mais pas avant quatorze heures.
- Et bien parfait, ça nous laisse deux heures pour bruncher et se doucher ou inversement.
- Quoi ! m’affolé-je en découvrant qu’il est midi.
- Je crois que nous avions besoin de sommeil, ajoute-t-il en chassant la mèche qui mange mes yeux.
Lucas dépose ses lèvres sur l'empreinte laissée vers minuit, la même qu’il a tatouée au milieu de la nuit après ma terreur nocturne. Ma langue se fraie un chemin pour retrouver la sienne et nous nous accordons un long baiser.
- Avant que ça dérape et que je ne puisse plus te dire non, filons sous la douche nous gagnerons du temps, propose-t-il en se dirigeant vers la salle de bain.
Il m’offre le galbe de ses fesses comme invitation, appel à la tentation. Je saute du canapé pour le rejoindre sans la moindre hésitation.
Si l’eau a des bienfaits sur mon corps et mon âme, celle-ci prend des teintes sensuelles, un pur délice. Le temps file et quand nous sortons, propres comme des sous-neufs et heureux de cet instant de partage charnel, nos portables sont sans appel, il est midi et demi bien tassé.
- Allez habille-toi, me lance Lucas en posant une dernière caresse sur les fesses, je prépare des œufs brouillés, du bacon et du café.
- Parfait, réponds-je en cherchant mon caleçon perdu dans le salon.
- Il doit être au fond de la couette si je me souviens bien, affirme-t-il d’un air coquin.
- Eh merde.
- Qu’est-ce qui t'arrive ? Tu le trouves pas pourtant la dernière fois que je l’ai eu entre les doigts, il me semble que tu essayais de t’en débarrasser en te dandinant.
- Non c’est bon lui je l’ai retrouvé, confirmé-je en le secouant. Je ne peux pas arriver en survêtement, Pink Lady va me tuer.
- Pourquoi ? Il y a un dress code.
- J’en ai aucune idée mais dans ce genre de truc, sûrement.
- Prends le pantalon et la chemise que je t’avais prêté pour l’anniversaire de Peter, elles sont propres, ça devrait être parfait.
Je file les récupérer dans la penderie de son armoire.
- J’ai trouvé, annoncé-je tout en sautillant pour enfiler mon caleçon.
- Je me dis que tu pourrais les garder.
- Tu plaisantes, je ne peux pas.
- Non pas du tout comme ça je me ferai un plaisir de te les retirer, avoue-t-il en éclatant de rire.
^_^
Rose m’attend à la sortie du métro. Dès qu'elle m'aperçoit, elle ouvre en grand les bras pour un câlin avant de me repousser pour me houspiller.
- Tu m’as fait peur sombre idiot. T’as vu l’heure ?
- Quoi ! dis-je en regardant ma montre.
- Je t’ai eu, me balance-t-elle avec son plus beau sourire, allez viens, si on ne veut pas être les derniers arrivés.
Pink Lady m’attrape la main et me tire vers un bâtiment aux allures de musée.
- Tu sais que tu as l’air radieux mon choupinou, me taquine-t-elle avant d'enchaîner du tac au tac, merci d’avoir accepté mon invitation.
- Je ne pouvais pas te laisser en plan.
- Dis donc, tu es chic.
- Exagère pas.
- Non, t’es canon, mince tu vas me faire de l’ombre.
- Je n’allais pas me pointer en survêtement.
- Après cela aurait pu être un style décalé.
- Mince, si j’avais su je n’aurai pas embêter Lucas.
- Quoi ! Vas-y raconte, t’es pas repassé par chez toi ?
- Disons que je n’avais pas trop le choix, si je ne voulais pas arriver en retard et que tu me le fasses payer cher. Noah est bien plus costaud que moi.
- Arrête tes bêtises, tu sais bien qu’il fait les gros yeux avant d’utiliser ses muscles. D’ailleurs, hier soir, après être passé à l’hôpital pour s'assurer que Léo allait bien, il ne fallait pas le chercher. Je crois que c’est la première fois que je le vois aussi furax.
Rien d'étonnant, la soirée aurait pu tourner au cauchemar. Nous nous glissons dans la file d’attente et je sens ma voisine s'impatienter. Discrètement, elle grille une place puis une autre. Rapidement, nous nous retrouvons devant le vigile qui lui fait les gros yeux pas dupe de son manège.
- C’est de la faute de mon pote, balance-t-elle sans remords. En réalité, il a une envie pressante.
Non mais je rêve, elle serait prête à tout et à se servir de ma personne pour atteindre son objectif principal, être au pied du podium. Elle est redoutable.
- Bon allez ok, acquiesce le videur, après tout vos pass vous donne accès à tous les espaces.
La totale, elle n'est pas croyable et s'est bien fichue de ma tête. Et moi bonne poire, je l'ai laissé faire.
- Allez ne m’en veux pas, tu vas voir, on va passer un chouette moment. Ça te fera du bien de te changer les idées. Léo m’a dit que tu t’en voulais pour hier. Il n’y a aucune raison, tu y es pour rien si certains sont cons.
- Et si ça avait été plus grave ? soupiré-je.
- Alors on leur aurait cassé la figure, s’emporte-t-elle avec un regard de lionne.
Nous déambulons dans un long couloir où des photos placardent les murs. Nous prenons le temps d’observer chaque cliché avec attention. Rose me fait remarquer des détails qui me seraient apparus sans intérêt dans d'autres circonstances. C'est amusant de la voir évoluer dans son élément. Elle joue au guide avec son œil d’experte et toute aussi passionnée que je peux l'être quand je fais des recherches pour mes enquêtes.
- Regarde, ici le couturier a voulu mettre en avant les dentelles qui parent le décolleté.
- Précise, demandé-je intrigué.
- Et bien le photographe a mis l'éclairage sur le travail des petites mains qui ont réalisé la tenue en jouant avec la lumière.
- Et encore, l’encouragé-je.
- En jouant sur le contraste entre l’ombre et la lumière ombre, tes yeux sont attirés par l’ouvrage, les détails et non par le modèle qui le porte. Ainsi tu imagines, sans voir.
Elle a raison, en mettant en scène l’habit et non le mannequin, on peut se créer son propre monde.
- D'ailleurs si tu regardes de plus prêt, il ne s’agit pas d’une femme qui porte cette robe. Les deux artistes ont joué à tromper l'œil et c’est réussi.
- Les tenues que nous observons sont celles que nous verrons lors du défilé ?
- Dans le mile, se réjouit-elle tout en attrapant une flûte à champagne que nous propose un serveur.
Nous poursuivons notre exploration des lieux quand une voix dans le micro annonce le début des festivités.
Veuillez rejoindre la grande salle, nos mannequins et stylistes vous attendent pour la suite des festivités..
Nous entrons dans une pièce baignée de lumière. Sa hauteur de plafond est à couper le souffle. L'éclairage naturel offert par la verdure est un l’atout majeur du lieu. Le soleil remplit l’espace et ses rayons se réfléchissent harmonieusement sur des petits plateaux d'argent posés de-ci de-là le long du podium. Pour être raccord avec la saison, un tapis blanc orne le sol. Ma partenaire ne tient plus en place, elle me prend par le bras et se serre contre moi. Rose est un personnage unique et la petite sœur dont je rêvais. À ses côtés, je me sens bien, son énergie positive, son enthousiasme est un catalyseur de bonheur.
- Garde l'esprit ouvert, murmure-t-elle au moment même où la première mannequin fait son entrée, je suis sûre que tu vas adorer.
Les flashs crépitent captant l'instant et la lumière, de nouveaux clichés pourront compléter la galerie déjà bien agrémentée. Chacun leur tour, les artistes passent devant nous. Rose m’explique qu’ils ont quartiers libres pour marcher sur la piste. Rien n’est codifié comme j’aurai pu l’imaginer. Je prends la peine d'observer chaque mouvement. Est-ce la tenue qui dicte leur pas où leur tempérament qui rythme leur action ? Je ne cherche pas à donner du sens mais plus à m'imprégner de l'ambiance.
- Zach, regarde, le décolleté en dentelle de la photo.
Le mec avance lentement avant de faire des entrechats. Des “Waouh” s'élèvent à l'unisson. Un feu d'artifice se termine toujours en beauté, il semble qu’il soit la pièce maîtresse du spectacle qui vient de dérouler son plus beau numéro. Je suis impressionné par son aisance, son style. Il ne laisse personne indifférent et reçoit une salve d’applaudissements. La jeune femme qui se tient à ses côtés, semble plus réservée, voir impressionnée par les retours qui lui sont faits.
- Zach, alors prêt à défiler en kilt pour le gala de Noël, me demande mon amie satisfaite.
- Je ne vais pas me défiler.
- Haha, éclate-t-elle de rire en faisant se retourner nos voisins.
- Par contre pour les pas de danse, tenté-je.
- Non t'inquiètes, tu seras libre dans tes mouvements.
- Merci, dis-je soulagé.
Après le défilé, nous avons goûté les mignardises confectionnées par des apprentis pâtissiers. Au cours de la conversation, j'en apprends plus sur le théâtre et ses nombreuses missions. Le directeur met à disposition les lieux une fois par mois pour les écoles qui souhaitent créer un événement. Les fonds récoltés des entrées sont reversés à des associations caritatives. Cet après-midi, les troisièmes années de cursus stylistes de UQAM et les dernières années de l'école hôtelière se sont unies pour organiser ce moment convivial. Les dons iront au service pédiatrique de l'hôpital pour les maladies orphelines. J’apprécie le geste d’autant plus que c’était une des causes pour lesquelles ma mère se battait.
- Tu te rends compte que dans deux ans, je serai peut-être à la place de Carine, la petite brune à côté de Vittori et qui sait tu seras mon mannequin pour l’occasion.
- J’en serai ravi et jouerai le jeu avec plaisir.
- Ok c'est noté, enfin si d'ici là tu n'es pas rentré en France.
- Commençons par Noël, la rassuré-je, la suite n’est pas encore écrite.
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