Est-ce par hasard ?

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Devant le bar, appuyé au mur, la silhouette de Léo se dessine. À ses côtés Léa nous salue avec un grand sourire et s’approche pour me prendre dans ses bras.

  • Tout va bien Zach, me murmure-t-elle, ce soir c'est relâche. Mais avant je voudrais voir qu’on regarde un truc ensemble.
  • Ah ouais quoi ? demandé-je curieux.
  • Pour commencer, Lucas va rejoindre Noah, Léo, Alexis, Maëva, Rose, Charlotte et Caroline au sous-sol. Nous, nous restons dans notre repère avec la team de journalistes.
  • Je pensais qu’on faisait un break.
  • Avant nous voudrions te montrer quelque chose, s’interrompt-elle avant de reprendre, Lucas, ne nous en veux pas, on t'emprunte le beau gosse qui t’accompagne.
  • Tu es de mèche avec eux ? l'apostrophé-je, en saisissant sa main.
  • On va dire que pour gommer la ride sur ton front, je te rappelle que je suis prêt à tout.
  • Ok vous avez gagné, à deux contre un je n’ai pas vraiment le choix.
  • Avoue plutôt que ton côté enquêteur prend le dessus, me taquine mon ami.

Comment résister à son sourire ? J’ai envie de m’emparer de ses lèvres quand je réalise qu’il est peut-être un peu tôt pour révéler notre rapprochement aux yeux de tous. Je profite de l'arrivée de Noah et Rose pour attraper la main de Lucas et l’attirer dans la ruelle et profiter de l’obscurité.

  • Je ne suis pas sûr que j'aurai attendu plus longtemps, annoncé-je en l’attrapant par la taille.
  • Cela aurait été dommage, appuie-t-il en m’embrassant. Va vite rejoindre ton équipe, et ne t'inquiète pas, je pense qu’ils sont tous déjà au courant pour nous.

Je l’observe encore un instant avant qu'il ne rejoigne Léo, soulagé de voir mon ami sur pied. Son bras en écharpe reste la seule trace visible de son accident.

  • Allez Zach, m’invite Léa en posant sa main sur mon avant bras.

Nous entrons dans le pub, à l'intérieur l’ambiance est studieuse. Tous les ordinateurs portables sont posés sur la table, une véritable batterie de recherche prête pour assouvir notre soif d’informations. Accolés au bar, une brochette de journalistes discute autour d’une bière. Au centre de l'arène, une corbeille dans laquelle tous les téléphones semblent attendre leur ordre de mission.

  • Les gars, c'est bon, le boss est arrivé, lance Léa avec enthousiasme.
  • Ah enfin, s'écrie Evan en tapant mon épaule.
  • Une bière ? me propose Richard déjà dans les starting-blocks.

L'équipe s’installe chacun à son poste, je reste ébahi par leur capacité à être aussi efficace en si peu de temps.

  • Je pensais que nous devions profiter de la soirée pour se vider la tête ? insisté-je.
  • Ouais on sait que tu voulais nous offrir un moment sympa mais nous ne pouvions pas garder pour nous les dernières infos que nous avons glanées avec Tim et Clovis.
  • Soyez plus précis, lancé-je impatient, vous avez continué de plancher sur le sujet ?
  • Avant de t'en dire plus, promets-nous de ne pas nous en vouloir d'avoir dérogé à la règle, me demande Léa du bout des lèvres.
  • Après pour notre défense, précise Tim, c’est un peu le fait du hasard.
  • Ah le hasard, il a bon dos, éclaté-je de rire, vous êtes finalement tout autant fouineur que je peux l'être.
  • C'est pas de cette manière que tu as composé ton équipe, me balance Evan à l’autre bout de la table. Par hasard.
  • Ok, je vous concède que mes choix se sont fait par hasard, à moins que nos destins se soient liés par une force surnaturelle.
  • Bon les super héros, vous êtes bien gentils, mais j’ai pas envie de passer ma soirée à vous écouter déblatérer, allez balancer les informations, on l’a assez fait mijoter. J’ai promis à Lucas qu’on lui rendrait son prince avant minuit.

Eh bien merci Léa, là c’est officiel, je n’ai plus grand chose à cacher. Après les secrets quand on bosse dans le monde du journalisme d’investigation éclatent aux grands jours. Quand les experts se mettent en action, rien ne les arrête. Comment lui en vouloir, après tout elle n’a pas tort. Et puis pourquoi vouloir cacher un truc génial. Je pourrais ainsi profiter pleinement de la seconde partie de soirée sans m’inquiéter.

  • Donc, par le plus grand fait du hasard, vous avez glané des indices supplémentaires au dossier, déclaré-je.
  • Oh oui, du croustillant, tu n’en croiras pas tes oreilles, s’enthousiasme Richard.
  • Du brûlant, sans spoiler, affirme Clovis.
  • Soyez pas lourds, soupire Evan, vous allez le perdre si vous ne crachez pas le morceau.

Tim commence par me raconter comment en partant de rien, ils sont arrivés à ce qu’ils ont découvert. Il m'avoue qu'ils ont épluché, jusqu’à tard dans la nuit, les comptes rendus du cursus des sciences biologiques des cinq dernières années. Richard prend la suite des explications en précisant qu’ils ont obtenu l'aide d’une charmante étudiante en dernière année qui prépare un mémoire. Décidément, le constat est le même depuis que j’ai mis les pieds à UQAM, l’université ne ferme jamais ses portes.

Ici, les étudiants peuvent avoir accès à la bibliothèque jusqu'à des heures impossibles. Je l'ai découvert de mon côté après une semaine de cours. Avec Léa, tous les deux passionnés par les recherches que nous faisions, nous n’avions pas les heures filées et nous fûmes délogés par le gardien de nuit. Le plus surprenant, nous étions loin d’être les seuls. Avec bienveillance, il avait conseillé à la quinzaine d’étudiants encore sur place d’aller se reposer, que demain nous verrions plus clair. Avant de rejoindre les bancs de notre amphi, Léa avait voulu le remercier en lui apportant une viennoiserie. Depuis, ce jour, à chaque fois que nous avons besoin de quoi que ce soit, il nous offre son aide. Parfois, un petit rien peut faire un grand tout.

Clovis sort une pochette avec des articles sur lesquels il a déjà, comme à son habitude, avec un grand sens pratique, souligné les points essentiels et collé des post-it sur les passages qui demandent des compléments ou des recherches plus approfondies. Aux documents s'ajoutent des photos. Tous les regards sont rivés sur moi.

  • Avant de les consulter, ajoute Léa avec une petite voix, sache que nous ne voulions pas gâcher ta soirée et que nous pourrions comprendre que tu nous en veuilles. Nous en avons discuté longuement, nous avons même demandé l'avis de Lucas, et d’un commun accord nous nous sommes dit que tu devais avoir cette information en main dès que possible.

J'étale les papiers sur la table, le silence se fait dans l’espace, l'air se raréfie. Je pose mes yeux sur le cliché. Il s'agit d’une photo de groupe au cours d’un séminaire au sein de l’université. Je reconnais la salle de conférence. Je passe en revu les visages et découvre Dylan. Premier choc, le voir sourire me fait penser à Oliver et je les imagine instantanément dans les bras l’un de l’autre, heureux. Je lis l'article qui accompagne la photo et mon pouls s'emballe. La date sur le papier me glace, mon corps se fige. Cette date est-elle aussi un hasard où l'écho d’une nuit sans fin. Comment est-ce possible ? Pourquoi d’ailleurs ? Mes yeux se troublent quand une main vient se poser sur mon épaule, une autre serre mes doigts.

  • Zach, explique-toi ? me chuchote une voix douce à ma droite.
  • Tu sais que tu peux compter sur nous, ajoute un murmure qui me semble venir de très loin.

Accroché à ses sons qui m'appellent, je remonte peu à peu à la surface. Je savais qu’en me lançant à corps perdu dans cette affaire, j'ouvrirais des cicatrices encore fragiles. Partir de la France, c'était ma façon de prendre un nouveau départ, trouver un sens à ma vie. En remuant cette merde parce qu'il n’y a pas d'autres mots pour la définir, je retombe dans mes cauchemars. À la différence, je ne suis plus seul, j’ai un groupe d'amis sur qui je peux compter et prêt à tout pour m'aider dans ma quête. Alors, je ne peux pas sombrer, je dois me ressaisir.

  • Cette date n’est pas une simple date, pas pour mon histoire. C'est le soir où ma mère a été assassinée par un putain de dealer d’Antelax, m'emporté-je.
  • Zach, est-ce que tu connais le mec à droite de Dylan ? me demande Léa avec calme, apparemment il est français et plus précisément de Bordeaux.

Je scrute la photo et là je prends une claque.

  • Oui, je le connais même plutôt bien, David était l’assistant de ma mère dans son labo de recherche.
  • Tu penses qu’il pourrait avoir un lien entre sa présence à UQAM et la drogue de synthèse ? m’interroge Evan.
  • Je ne pense pas, enfin je ne pourrais pas l’affirmer. Il y avait bien un mec qui piquait des doses à l'hôpital, elle l’avait découvert et c’est ce qui lui a coûté la vie. Quelque temps plus tard, j'ai appris qu’il s'agissait du frère d'une copine. Karl bossait à l’hôpital comme agent d’entretien, j'ai découvert qu’il était une des petites mains des trafiquants. Depuis, il est mort dans un règlement de compte.
  • Tu penses que ce David aurait pu être de mèche ?
  • Je ne sais pas. Ma mère ne parlait pas de son boulot à la maison, c'était top secret.

Je reprends l’article pour en apprendre un peu plus sur la venue de ce laborantin français à Montréal. Il y a beaucoup de termes techniques qui m'échappent, même si l’étudiante que Tim a croisée a mis des annotations pour expliquer certains mots dans un langage plus abordable pour les novices que nous sommes. Evan me propose alors de mener son enquête auprès des professeurs ayant quelques entrées. Je souris en repensant à notre première conversation. Il s'en aperçoit et m'adresse un clin d'œil complice faisant redescendre la tension.

  • T'as vu sur sa main ? m’interpelle Tim.
  • Quoi ! m’écrié-je.
  • Je sais pas, il y a comme un double anneau sur son majeur.
  • Montre-moi.
  • Attends Zach, regarde j’ai scanné tous les documents, annonce Clovis. Tu pourras zoomer si nécessaire.

La main, le doigt, un anneau et si le pire se révélait ? J’observe avec attention, pas de serpent à deux têtes ou tout au plus un trait en pointillé. Par contre, il y a un autre détail qui me saute aux yeux. J’attrape mon portable pour en avoir le cœur net et ouvre la pièce jointe que m’a envoyée Jérémie. Tous mes amis sont venus se placer derrière moi pour voir ce que j’ai découvert. Et là plus de hasard possible, le troisième homme qui se tient de dos au bar avec le frère de Peter et le balafré n'est autre que celui qui se tient à côté de Dylan dans l’amphi d’UQAM. David a une tâche de naissance sur le bras gauche en forme de croix, la même est visible sur la photo prise à Bordeaux.

  • Je crois que nous tenons une nouvelle piste, reste à trouver le lien entre tous et qui tirent les ficelles.
  • Tu penses que Peter est au courant ? m'interroge Evan.
  • Il faudrait arriver à lui mettre la main dessus pour lui demander.
  • Tu veux que je m’en charge ?
  • Pas tout seul, je t’accompagnerai, d’ailleurs dorénavant personne n'avance tout seul, conseillé-je, il y a des risques, les menaces vont aller en grandissant plus nous nous approchons du but.
  • J'ai mis en place un groupe de discussion, sur lequel nous pouvons faire passer l’information quand on a besoin de l'aide de quelqu'un, lance Richard.
  • Super, vous êtes top, les remercié-je.
  • Zach, c’est nous qui te sommes redevables, tu nous a donné notre chance, m’interpelle Tim.
  • Soyons prudents avant tout.

Bon place aux festivités, nous l’avons bien mérité, enchaîne Léa. Il est grand temps de rejoindre le reste de la bande, vous allez les adorer.

Chacun ferme son dossier dans l’espace sécurisé créé par Jérémie. Suite à ses conseils, nous avons établi cette double protection afin d'avoir une copie de toutes nos recherches. Mon super geek a ainsi accès à notre enquête avant son arrivée à Montréal dans quarante huit heures.

Au sous-sol, la fête bat son plein, les lumières tamisées, la musique jazzy, les odeurs de bière ambrée sont un appel à la détente. L’espace feutré est un cocon dans lequel j'ai envie de plonger pour me ressourcer en compagnie de mes amis. Au loin, j'aperçois Lucas en pleine discussion avec Noah, Alexis et Léo, ils forment un joli quatuor. Je sais que je pourrais compter sur eux en toute occasion. Les musiciens sur la scène enchaînent les morceaux sous les acclamations de leurs nouvelles groupies, Rose en tête. Julius à la contrebasse, les deux compères qui l'accompagnent se partagent la scène, l’un au piano, l’autre à la trompette. De ce que j’ai compris, Pink Lady a déjà négocié avec le propriétaire de pouvoir revenir une fois par mois. Il n'a pas pu refuser heureux devant son enthousiasme.

Je profite de leur pause musicale pour les remercier chaleureusement.

  • C’est vraiment génial, l’interpellé-je.
  • Je suis ravi de t’accueillir avec ta bande. Ça me rappelle tant de souvenirs.
  • Ah bon, raconte-moi.
  • Plus tard, si tu le veux bien, je ne voudrais pas faire attendre mes nouvelles fans et je crois bien que le brun derrière toi qui te dévore des yeux depuis que tu es entrée t'attends avec impatience.

Pour être en accord avec ses propos, deux mains se posent sur ma taille avant de glisser sur mon ventre pour m'enlacer. Un baiser brûlant se collent dans mon cou, m’électrisant.

  • Te voilà enfin, me chuchote Lucas.
  • Je suis tout à toi, j'espère que tu n'avais rien de prévu.
  • À part te couvrir de baisers, pas vraiment. Sauf si tu veux te débarrasser de moi.
  • Même pas en rêve d’ailleurs, je t’ai réservé mon dimanche.
  • Cool, de mon côté j’ai prévu de t’emmener faire un tour.
  • Pourquoi pas, changer d’air ne me fera pas de mal, validé-je en m’emparant de ses lèvres.

La soirée prend une toute autre couleur. Dans ce coin reculé du monde, je me sens bien et en sécurité. Comme si rien ne pouvait m’atteindre. Mettre mon cerveau en pause pour profiter du moment est un plaisir indéfinissable et le partager avec Lucas, un petit plus non négligeable. Assis dans le sofa, ma tête calée contre son torse, je respire. Sentir son souffle sur ma peau m'enivre. Je ferme les yeux pour laisser la musique m’envelopper et apprécier la main qui caresse ma cuisse. Chacun des gestes de mon partenaire fait exploser mes sens. Mon corps, sous ses doigts, est un instrument dont il joue avec tendresse. Il me tarde du moment où nous nous retrouverons en tête à tête pour un concert privé.

Il est deux heures du matin quand nous fermons aux côtés de Julius le bar. Nous lui avons donné un coup de pouce pour ranger et nettoyer. Nous avons tous passé un super moment mais de ce que je comprends la réciproque est vraie. Avant de partir Lucas propose de faire des extras pendant les fêtes de Noël prétextant avoir un peu de temps libre. Je ne peux pas résister et en fait de même. Du coup, le barman nous suggère de venir un soir sur deux. Un programme des plus sympathiques, sans parler du fait que pour nous remercier, il nous propose de venir fêter le passage à la nouvelle année dans ses murs. Avec Lucas, nous nous regardons et aussitôt envoyons un message à nos deux groupes de potes pour lancer l’invitation. À peine partie, les réponses unanimes fusent dont celle de Rose qui me fait sourire “quel merveilleux hasard. Bisous.”

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