Un bonhomme de neige
Lentement, ses mains sur ma peau se fraient un chemin. La douceur de ses doigts, la chaleur de sa paume, sont un régal pour mon corps affamé. À peine avons-nous franchi le pas de la porte que notre envie nous a cueilli. Insatiables, nos langues s'unissent dans une danse endiablée, emportant sur leur passage nos vêtements. Chaque morceau de tissu échoue dans un coin de l’appartement. Lucas commence le premier, avec impatience il déboutonne ma chemise avant de l'envoyer valser sur le plan de travail. En écho son polo suit le même chemin, cherchant à rejoindre sa comparse pour un corps à corps torride. Je me retrouve coincer entre le mur vert prairie et son torse brûlant, une onde se faufile, tel un vent chaud d'été balayant les épis de blé. Nos bouches fiévreuses réclament leur dû. Messagères de notre désir, elles se répandent en baisers sulfureux. La température s'élève, mon pouls s'emballe quand du bout des lèvres, il s’empare de mon gland. Nos caleçons se sont fait la malle, je ne sais plus vraiment à quel moment. Quand il m'a embrassé dans le cou ou lorsque ses dents me mordillaient le téton.
Lucas me fait perdre pied et pourtant dans cet élan sensuel, je me sens confiance. Chaque geste, chaque attention, quelle que soit l’intensité est un moment hors du temps. À ses côtés, dans ses bras, au bord de ses lèvres, mon désir est décuplé. Mon plaisir se nourrit à la source de ses caresses. Il m’effleure et tout mon être bouillonne. Son souffle m'électrise, il a cette capacité à faire céder toutes les barrières que j’érige pour me protéger. Avec lui, pas besoin de rempart, pas besoin d'être un autre. Dans ses bras, je ne suis personne d'autre que Zach. Aucune tricherie, aucune retenue ne se mettent entre nous. Pas de faux semblants, juste un instant entre deux gars qui apprennent à se découvrir avec audace et respect.
J’adore la façon dont il prend les choses en main, sans me brusquer. L'homme blotti contre mon torse vient de m'offrir le plus beau des moments charnels. Une parenthèse s’ouvre entre nos deux êtres et je ne suis pas prêt de la fermer. Ou si c'est le cas, alors j'en créerais une nouvelle avec facilité. Sa respiration s’apaise, sa tête se cale contre mon épaule, mes doigts se glissent dans ses mèches de cheveux. Peu à peu, il retrouve les bras de Morphée. Mon esprit, allégé, rejoint à son tour le pays des rêves.
- Zach, me réveille d'une voix chaude mon partenaire.
Les mots d’une douceur sans pareille sont accompagnés de délicates caresses. Ses mains remontent de mes fesses au creux de mes reins avant d'échouer dans mon cou. Tout mon corps frissonne. Le réveil est à la hauteur de cette nuit.
- J’ai terriblement faim, me susurre Lucas au creux de mon oreille.
Quelle heure peut-il bien être ? Mon ventre gargouille en réponse. La lumière derrière les volets confirme mes interrogations. Peut-être bien trop tard pour le petit déjeuner et bien trop tôt pour le goûter.
- Ton corps m’appelle et je ne peux résister d’avantage, affirme-t-il en s’emparant de mon sexe.
Un encas. Pourquoi pas, après tout on est dimanche. Profitons de cet espace de liberté pour laisser notre désir guider nos pas et tout faire voler en éclat.
- Désolé, je ne peux pas parler la bouche pleine, murmure Lucas entre deux succions.
Mon rire s’étouffe dans ma gorge laissant place à un gémissement. De toute façon, pourquoi tenter de réfléchir, mon esprit s'envole à chaque fois que sa langue remonte le long de ma hampe à la limite du supplice Foutaise c'est un pur délice de sentir sa bouche s’empaler sur mon sexe.
- Ralenti la cadence, supplié-je au bord de l’explosion.
Il refait surface en m'adressant un sourire ravageur, sa langue effleure ses lèvres, son regard rivé dans le mien me fait fondre sur place. Je veux à mon tour le transporter dans ce monde où nos sens s’affolent et perdent le contrôle. J’ai une terrible envie de voir son corps ondulé sous mes assauts, entendre ses râles quand il sera sur le point de non retour. Prendre les choses en main, juste pour ne faire plus qu'un.
- Je peux, demandé-je du bout des lèvres.
Ses paupières clignent pour valider la suite. Tout en moi, implose, les papillons dans le creux de mon ventre sont de sortie. Quand je pose ma langue sur son gland, mon pouls s'emballe. Tout de moi le réclame. Mes va-et-vient sur son pénis se font plus intenses, je me délecte et en salive d’avance. Peu à peu, comme une évidence, mes doigts mènent la danse. Intrépides, ils augmentent la cadence avant de s'égarer entre ses fesses dont il me donne l'accès en se dandinant. Un doigt explore le chemin que j’emprunterai quand le désir sera à son paroxysme. Je prends garde de ne pas le blesser. Son visage acquiesce, un accord silencieux entre nous deux.
La suite est juste parfaite, je viens glisser mon sexe au chaud et débute des mouvements lents. Peu à peu, j'augmente le rythme guidé par les râles de Lucas. Chaque coup de rein est un moment intense. Le barrage cède et déverse dans le préservatif tout de moi.
- Et si tu étais mon prince charmant ? me suggère- t-il à l'oreille dans un ultime souffle.
- Le temps nous le dira.
- J'ai toujours faim, éclate-t-il de rire.
- Tu es insatiable, le taquiné-je en l’embrassant.
- Non, j’ai vraiment la dalle, insiste-t-il en me poussant pour se retrouver à califourchon sur mes cuisses.
- Tu sais au moins l’heure qu’il est ?
- À vue d'œil onze heures.
- Tu te fous de moi.
- Pas du tout, regarde l’horloge du four.
- Et tu as une idée ? demandé en le prenant dans mes bras.
- On a moins d'une heure pour être douché, habillé et avoir pris la route.
- Alors on est large, premier à la douche, m'écrié-je en sautant du canapé.
- Même pas en rêve, m'assène-t-il en attrapant la taille pour me jeter sur la couette et me montrer ses fesses.
- Attends, j’arrive, lancé-je en le suivant.
Après une douche des plus sensuelles où nos mains se sont faites caresses, où l'eau a enveloppé nos gestes d'une douce ivresse. Nous avons terminé de nous préparer, enfilant une tenue décontractée après avoir ramassé nos fringues éparpillés à droite à gauche et les avoir jetés dans la panière de linge salle. C’est étrange comme les choses se font simplement. Je remets en ordre le salon pendant que Lucas nous prépare un café.
- Alors tu m'emmènes où ? demandé-je, curieux.
- Surprise, me répond-il en me rendant ma tasse fumante.
- Allez un petit indice, dis-je en posant un baiser au coin des lèvres.
- Monsieur le journaliste, je suis incorruptible.
- Ah oui, c’est qu'on va voir.
Je pose ma tasse sur le comptoir et l'attrape par la taille avant de me lancer dans une séance de chatouilles.
- C'est bon, je me rends, annonce-t-il en reprenant son souffle.
- Alors, insisté-je.
- Suis-moi, tu ne risques rien promis.
- Je pourrais te suivre au bout du monde les yeux fermés.
- On n’aura pas besoin d'aller aussi loin, en attendant notre carrosse nous attend, Léo me prête sa voiture.
Nous prenons le métro pour nous rendre chez notre ami. Il nous attend sur le pas de la maison de ses parents. À ses côtés, Léa nous sourit.
- Je te la ramène vers dix huit heures, précise Lucas en ouvrant la voiture.
- T'inquiète, j'en ai pas besoin, prenez votre temps. Au pire, tu laisses les clés dans la boîte aux lettres si nous ne sommes pas là.
Nous saluons nos amis et prenons la direction de la voie rapide pour sortir de Montréal. Je scrute les panneaux pour avoir une idée de notre destination. Rien de probant ne me saute aux yeux. Lucas a mis sa playlist en gardant bien de mettre le GPS. Au sourire qu'il arbore, je me doute que le voyage sera agréable.
- Tu ne me diras rien ? tenté-je en posant ma main sur sa cuisse.
- Tu connais le jeu “I spy with my little eye”
- Oui avec mes parents nous le faisions pendant les longs trajets.
- Alors essaie toujours, et qui sait trouveras-tu.
- Enfin là ce n’est pas un truc que tu vois.
- On va dire qu’on a un peu changé les règles.
- Ça me va.
Je débute ma série de questions où il ne peut répondre que par oui ou par nom. Je commence par les grands classiques, une chose, un animal, un humain. Je découvre rapidement qu'il s'agit d'un homme. À mon tour de le faire mijoter parce que j’ai trouvé où nous allions et je ne sais quoi en penser.
- Il est célèbre ?
- Non.
- À mince ! Il est grand.
- Oui.
- Aussi grand que toi ?
- Oui.
- Il pourrait m’aider dans mon enquête.
- Non.
- Il a les yeux verts.
- Oui.
Alors que j'allais poser ma dernière question, il gare sa voiture devant une maison où débordent des décorations de Noël.
- Le père noël, m'écrié-je en voyant la figurine à l'entrée du jardin.
- Non.
- Pourtant il lui ressemble.
- Oui.
Je suis déstabilisé, une rencontre officielle avec son père, ce n’est pas rien. Lucas m’en a beaucoup parlé et j’ai conscience que c’est important. J’appréhende le moment des présentations.
- Zach, tout va bien se passer, je l’ai prévenu que je ne venais pas seul, tente de me rassurer Lucas en attrapant mes doigts.
- C’est juste.
- Pardonne-moi, me coupe-t-il, je ne voulais pas t’effrayer mais j’avais promis que je viendrais manger. Je me suis dit que nous pourrions partager ce moment mais je vois la trace sur ton front se creuser et je réalise que je n’ai pas été réglo.
- Non tu déconnes et puis la surprise aurait été gâchée, j’ai juste peur de ne pas être à la hauteur.
- Alors là dis pas de bétises, tu es le seul que je veux lui présenter.
À peine descendons-nous de voiture qu'une peluche d’un mètre de haut et une tornade à peine plus grande nous fonce dessus. La demoiselle saute dans les bras de Lucas et la boule de poils tourne autour d'eux en jappant.
- Quelle arrivée fracassante, dit une femme en s'approchant de nous.
- Bonjour Elisabeth, dit Lucas avec tendresse.
- Bonjour mon grand, ton père t'attend avec impatience, il est dans son atelier. Vous devez être Zach, enchantée.
Ainsi je n’arrive pas en terre inconnue, Lucas a dû parler de moi.
- C'est toi le prince charmant de mon grand frère, t’es encore plus beau que sur la photo qu'il m’a montrée.
Et bien là plus aucun doute, mon arrivée a été préparée en amont.
- Et toi, tu dois être sa princesse Louise.
- Oui et gare à toi, je te présente notre plus fidèle compagnon Otello, il sait toujours qui est sympa ou pas.
- Alors je vais me montrer prudent, je ne voudrais pas qu’il me chasse trop rapidement.
- C’est pas vrai, en réalité c'est un gros nounours
- Bon me voilà rassuré.
- Ça te dit de faire un bonhomme de neige avec moi.
- Louise, laisse respirer Zach, il ne va pas s'envoler, annonce une voix grave dans mon dos.
- Bonjour monsieur, dis-je en tendant la main, impressionné.
- Bienvenue chez nous, allez entrer, le repas est servi.
Lucas ne m’avait pas menti, son père est taillé dans un morceau de chêne, père et fils ont les mêmes fossettes et un regard doux. J’observe l’accolade, mon père me manque.
L'intérieur est aussi chaleureux que l'accueil qui vient de m'être fait. Dans le salon, un sapin de taille modeste attend d'être décoré. De bonnes odeurs de poulet rôti se diffusent. Des arômes de pain d'épices se mêlent au parfum de cannelle. Une main attrape la mienne pour me guider vers la salle à manger, elle est menue et chaude. Louise me fait signe de m'asseoir entre elle et Lucas. Otello a choisi de prendre place proche de la cheminée. Depuis que j’ai franchi le seuil de cette maison, je me sens bien, la même sensation que j’avais dans les bras de mon compagnon.
- Alors Zach, vous venez de France ? me demande Elisabeth.
- Oui, d'un petit village proche de Bordeaux.
- Et pourquoi venir au Canada ?
- Pour changer d’air, lâché-je sans réfléchir..
- Pourquoi il n'est pas bon chez toi ? m’interroge Louise avec l’innocence de ses dix ans.
- On va dire que j'avais besoin de passer à autre chose.
- Et alors tu as vu quoi ? insiste-t-elle me laissant muet.
- Louise peut-être que nous devrions aller finir de préparer le dessert, propose Elisabeth sentant un malaise s’installer.
- Oh oui tu vas voir Lucas, on a fait ton préféré.
Mère et fille quittent la table, les voir aussi complices fait remonter des souvenirs, cet instant de partage avec la mienne me manque tant, mes yeux s’embrument mais je refreine aussitôt cette nostalgie ne voulant pas plomber l'ambiance festive.
- Tout va bien, murmure Lucas en posant sa main sur la mienne sous le regard attentif de son père.
La chaleur de sa peau m’apaise et dépose un baume protecteur sur mes cicatrices. La vie nous a arraché à l’un comme à l'autre nos mères dans des circonstances tragiques, aussi m’apitoyer sur mon sort n'apporte rien de plus. Au contraire, autorisons-nous le droit de poursuivre notre route et gardons le meilleur de leur présence à nos côtés.
- Voilà le méga cookie, spécial avant Noël.
- Hum ça a l'air appétissant, validé-je.
- Et tu vas voir, maman a mis un ingrédient secret parce que c'est une fée, il est magique. Il guérit tout et surtout les gros chagrins.
- Accompagné d’un bon café, il est meilleur, annonce le père de Lucas me tendant une tasse.
Nous terminons le repas, repus. Cette escapade loin de l'affaire est un petit plaisir que m’accorde mon ami. Nous aidons à débarrasser la table et remplir le lave-vaisselle pendant que Louise et son père filent chercher des boîtes dans le garage. Rapidement les couvercles sautent laissant apparaître une montagne de guirlandes et de boules multicolores.
- Notre sapin est un arc-en-ciel, déclare la fillette.
Je souris à l'idée et Lucas m'adresse un clin d'œil complice.
- Dis, tu n'as pas oublié Zach, après on va faire un bonhomme de neige.
- Avec plaisir, confirmé-je en lui tendant un petit angelot.
- Lucas, vous voulez rester dormir ? propose Elisabeth.
- Oh dites oui, hurle sa sœur en sautillant sur place sous le regard placide d’Otello.
- Je sais pas trop, j’ai emprunté la voiture à Léo et lui ai dis que je la poserai vers dix-huit heures.
Discrètement, j'attrape mon téléphone pour envoyer un message à Léa qui me répond aussitôt : “Ok, c’est plus prudent, il annonce de la neige pour la fin de soirée. Ta surprise t’a plu ? ;-) ”. Je réponds du tac-o-tac “Tu ne penses pas si bien dire, ils sont vraiment sympas, prends soin de ton chéri. À demain. Bisous.”
- Nous restons, validé-je à voix haute.
La surprise est d'autant plus grande quand Lucas vient m’embrasser tout naturellement.
- Vous êtes trop choux, lance Louise en attrapant ma main, maintenant place au bonhomme de neige .
Je file à l'extérieur profitant des derniers rayons de soleil. Si la tempête arrive, elle ne sera pas immédiate. Nous commençons à composer le corps, il y a tellement de neige que c’est un jeu d'enfant. Otello nous a accompagnés, assis sur le perron. Je fouille dans les photos qui remplissent mon portable pour montrer ma chienne Anouchka dans les Alpes avec mon père. Puis j’immortalise notre œuvre d'un selfie. Le chien est venu prendre place à nos côtés.
- Comme ça ton papa verra qu’on s’occupe bien de toi et que tu n’es pas tout seul, me dit Louise en serrant dans mes bras.
Une fois le bonhomme de neige terminé, nous attendons la validation du reste de la famille et obtenons des applaudissements fournis. La fillette fait une révérence afin de les remercier. Lucas me rejoint pour prendre des clichés et tend l’appareil à son père pour nous prendre en photo. La nuit est tombée apportant avec elle son ballet lumineux d'étoiles scintillantes en accord avec les guirlandes du toit. Nous regardons les premiers flocons se mêler à la fête et rentrons au chaud.
Après une soupe de potimarron et une dernière part de cookie avec un chocolat chaud, nous accompagnons Louise pour lui lire une histoire de princes et princesses. Blottie entre nous deux, Otello au pied du lit, la demoiselle ne tarde pas à s’endormir sans nous avoir fait promettre de revenir la revoir. Les fêtes approchent, le calendrier est bien rempli, pourtant il m'est impossible de refuser une telle demande.
De retour dans le salon, nous retrouvons les parents calés dans le canapé sous un plaid, ils regardent une série. Nous leur souhaitons une bonne nuit et nous éclipsons. La porte de la chambre de Lucas s'ouvre sur une pièce aux murs vert prairie.
- Ne te moque pas, me taquine Lucas.
- Pourquoi ? demandé-je, innocemment.
- Pour la couleur.
- Je l’adore, du moment où j’ai posé sur le mur de ton appartement les premiers coups de pinceaux, j’ai su que je ne pourrai l’oublier.
- Merci Zach d'être entré dans ma vie, dit-il en me serrant dans ses bras avant de me pousser sur le lit.
- Tu m'emmèneras les voir ces étendues vertes ?
- Quand tu veux.
Je remonte la couverture sur nos corps alanguis et peux sentir son souffle sur ma peau. Dans la quiétude de cette douce nuit, je m’endors heureux dans les bras de mon cher et tendre Lucas.
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