Chacun son rôle (Harry)

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Cette bande de gamins en a dans le ventre. Pas moyen de leur faire lâcher prise. Ils ont décidé d'être sur tous les fronts et de ne négliger aucune piste. Quand je les observe, ils ont tous une part de Zach en eux. Je comprends qu’ils veuillent tout faire pour le retrouver. Depuis que ce gosse est entré dans ma vie, il m'a redonné un élan qui s'était essoufflé. Le départ de mon fils pour aller vivre chez sa mère n’y est pas étranger. Mon ex femme a voulu l'éloigner de mes errances et du monde que je côtoie au quotidien.

En ce matin de décembre, je ne peux la blâmer. La disparition de Zach, me ramène au terrible jour où un des malfrats que j'avais mis en tôle avait ficelé tout le kidnapping de mon enfant. Il voulait me faire payer le fait de l’avoir privé du sien. Était-ce ma faute s'il était un assassin, s’il avait choisi d’emprunter les mauvaises routes ? En étais-je responsable ? Pas que je sache. J’ai retiré des rues un individu dangereux et stoppé son trafic d'armes.

Pour Zach, c'était censé être différent. Oui, je plaide coupable. J’ai accepté qu’il s’immisce dans cette affaire. Avais-je le choix ? Je ne pouvais pas fermer les yeux. Alors j'ai fomenté avec mes deux meilleurs potes un plan afin de le protéger. Enfin nous le pensions. Et si je m'étais totalement b gourré. Je regarde la bouteille de scotch posée sur la table. Elle me fait de l'œil, insensible à mon tourment ou prête à le noyer. Non, je ne peux pas me cacher derrière cette excuse. J'ai bien trop abusé de ces effets par le passé. Retomber dans les travers de l’alcool n'apporterait qu'un répit passager, le temps que le liquide tapisse mon palais, puis brûle mon gosier. La douleur ne peut combler l’absence ni le trou béant laissé par le départ de mon fils William.

  • Harry, je sais à quoi tu penses et oublie tout de suite, me balance Max en rangeant la bouteille dans le placard.
  • Ouais, t’as raison, c'est débile pourtant un verre de plus pour avoir les idées claires.
  • Franchement c'est d'un café dont vous avez surtout le plus besoin, me suggère le jeune homme qui apparaît une tasse dans les mains.
  • Tu es qui toi ? demandé-je en ne reconnaissant pas sa bobine.
  • D'après les autres, le chum de Jérémie.
  • Ah, réponds-je soulagé.
  • Moi par contre, sans la moindre hésitation, je peux affirmé que vous êtes l’inspecteur Harry. Jerem m’a tellement parlé de vous que je n’ai pas eu la moindre hésitation quand vous avez franchi l'entrée. Il avait raison, vous êtes le sosie de l'acteur. Il m’a fait visionner le film au cas où j'aurai un doute.
  • Je vois, ça ne m'étonne pas de lui, confirmé-je.
  • Après je ne vais pas vous embêter avec ça, je suis persuadé qu’on vous fait sans cesse la remarque et ça doit vous saouler.

Max éclate de rire devant tant de franchise. Il accepte la tasse tendue par Naël avant de discuter avec le jeune homme pour apprendre à mieux le connaître. Jérémie m’a également beaucoup parlé de lui, de leur rencontre et de leur vie à deux.

  • Harry, m’interpelle Léa qui à son tour entre dans la cuisine.
  • Tu as trouvé des éléments supplémentaires ? la questionné-je.
  • Mieux que ça, Léo et Noah viennent de rentrer de la patinoire et ils ont rapporté la clé USB d’une vidéo.
  • Je pensais que Zach les avait toutes passées en revue.
  • Celle-ci, il n'y a pas pensé. C'est une des vidéos de surveillance des cuisines. Nous avons enfin un visuel sur le gars qui a payé l’autre abruti pour défoncer mon homme, s'agace-t-elle.

Léa s’installe à mes côtés pour ouvrir le fichier téléchargé. Sa main tremble sur le clavier et je ne peux m’empêcher de poser la mienne sur la sienne pour la rassurer. Cette gamine a du cran et un réel potentiel. Je comprends pourquoi Zach l’a choisi pour être son bras droit. Les images défilent jusqu'à ce moment où l’écran révèle un visage .

  • Max, Hugo, venez voir, m’écrié-je.
  • Putain, c'est pas possible, s’emportent-ils d’une même voix.
  • Le bleu qui a fait les soins et le mec à la veste de hockey sont là même personne, validé-je.
  • Il est quand même gonflé, il a pris un sacré risque en se pointant dans ton bureau hier, s’énerve Max une fois l’effet de surprise passée.
  • Quel connard ! s'emporte Rose qui fixe l'écran par-dessus mon épaule.
  • Du calme, temporise Léa la sentant prête à imploser.
  • T'as un moyen de retrouver sa trace ? demande Naël, soucieux.
  • On va lancer une reconnaissance faciale, on verra bien ce que les fichiers nous apprennent.
  • Tu penses que Zach a pu le reconnaître et ça a mal tourné ? s'inquiète Léa.
  • Je n'ai aucune certitude. Dans tous les cas, Léo et Noah ont fait du bon boulot.
  • Et vous vous en avez appris plus sur la victime ? poursuit Léa.
  • L’autopsie n’a rien révélé de plus que nous savions déjà, souffle Max en avalant une gorgée de son café.
  • Et le cadavre avait un nom ? insiste ma voisine.
  • Un petit trafiquant des quartiers nord, un casier bien rempli mais pour l’heure rien de bien exploitable.
  • Tu penses que Zach est toujours en vie ? me murmure-t-elle.
  • Oui, sinon il ne se serait pas emmerdé à faire tout ça.

J’ai répondu sans réfléchir comme quelque part pour me rassurer. Comment ai-je pu lui balancer cette réponse sans avoir plus d'informations ? Quel manque de professionnalisme ! Jusqu'à preuve du contraire nous n'avons rien trouvé qui puisse me contredire. Je ne sais pas s’ils avaient un plan précis, s’il y a eu un contretemps. Des premiers éléments en notre possession, s’ils avaient voulu se débarrasser de Zach, ils l'auraient fait. Ils auraient maquillé la scène en accident. Mais cela aurait demandé de laisser plus de cadavres derrière eux. Même s’il est clair qu’ils ont éliminé un des leurs sans sourciller. Avec Max et Hugo nous en avons longuement discuté, en conclusion, ,le temps presse.

Suite aux avancées de Léa et de son équipe, j’ai envoyé deux de mes gars surveiller le complexe hôtelier et les mouvements dans les alentours. Lucas et Jérémie m'ont supplié puis baratiné. Ils ont mis en avant leurs arguments sur le fait qu'ils seraient plus utiles là-bas que dans mes pattes à me harceler. De toute façon, les empêcher aurait été contreproductif. Aussi j'ai rapidement lâché l'affaire et leur ai filé les clés de ma voiture pour qu’ils rejoignent l'équipe sur place. Jérémie est bien trop malin pour me priver de ses talents. Je connais son affection pour Zach, il ne laissera pas dans la mouise. Quant à Lucas, j’ai vu ce désespoir dans ses yeux, qui me colle à la peau pendant mes moments durs. Je ne pouvais pas lui refuser de se joindre à Jérémie. Y a-t-il un risque ? Forcément. Est-ce que je les mets en danger ? Sûrement. Avais-je d'autres choix ? Non, ils auraient pris les devant dans tous les cas.

Une idée vient de me traverser l'esprit suite à une proposition de Léa. D'après Evan, le restaurant aurait besoin d’extras pour un événement à venir dans la soirée. La grande salle de réception de l'hôtel accueille un séminaire d’agents immobiliers. Selon les recherches entreprises par le fils de Hugo, Monsieur Conrad, organiserait chaque année ce type d’événement pour remercier ses collaborateurs. Léa épluche la liste des invités avec Evan pour obtenir des informations, peut-être qu’ils ne trouveront aucun point commun mais il nous faut rester vigilant et ne négliger aucune piste.

Naël accepte sans la moindre hésitation de postuler pour cet emploi. Il propose de solliciter Lucas pour l’accompagner dans cette tâche. Vue leur expérience dans le service et l'urgence de la demande, je ne pense pas qu’on leur mette des bâtons dans les roues. Dès l’ouverture du secrétariat, Naël appelle en expliquant qu'il est venu en vacances au Canada chez un pote étudiant et qu’ils sont “ok” pour faire des petits boulots. Aussitôt dit aussitôt fait, il est convié à se présenter au chef du personnel dans deux heures. Naël prend les devants et prévient Jérémie qui lui confirme que Lucas l'attend à l’accueil.

  • Par contre, est ce que quelqu'un pourrait m’accompagner ? nous sollicite Naël.
  • Léo et Noah vont t’accompagner, propose Léa.
  • Tu pousses, s'emporte Rose. T'as qu'à y aller toi. Ils viennent juste de revenir et tu les expédies à l'autre bout de la ville.
  • T'inquiète, ça va le faire, temporise Noah en attrapant sa chérie. On mange un morceau, accompagné d’un café serré, on le pose et on revient.
  • Super les gars, remercie Léa avant de prendre la main de Léo et de l’attirer dans un coin à l’écart.

Hugo, le regard sur son écran de téléphone, fulmine tout seul dans son coin

  • Tout va bien ? demandé-je en m’approchant.
  • Je savais qu’il y avait un truc qui me chiffonnait et j'aurais dû être plus attentif.
  • De quoi tu parles ? dis-je en m’asseyant à ses côtés.
  • En relisant les articles des années passées, j'ai retrouvé des notes que j'avais prises à l'époque. C'est en revoyant le mec sur la photo serrant la main de Dylan que ça a fait tilt.
  • Sois plus précis ? insiste Max.
  • La faculté avait sollicité ce français pour participer au séminaire mis en place pour les étudiants en biologie. La politique de l’Université est de permettre un partage d’expériences.
  • Jusque là, rien de surprenant, ajoute Evan à son père.
  • Oui mais Zach a évoqué le fait qu’il s'agissait d'un collègue de sa mère et à confirmé que celui-ci se trouvait au Canada le jour de sa mort.
  • Et la coïncidence te semble bien trop grande ? coupe Léa.
  • Oui. J'avais trouvé à l’époque que nous en faisions beaucoup pour ce laborantin. J'avais fait quelques recherches qui m'avaient emmené dans une impasse. Jusqu'à ce que je découvre que son nom avait bien été conseillé par un certain Conrad, un des mécènes de l'école.
  • Et de ce que j’ai découvert, répond Léa en reprenant les notes de Zach, son fils l’avait rencontré à Bordeaux lors de l’inauguration d'un complexe immobilier.
  • Qui Peter ? s'agace mademoiselle Rose qui ne perd pas une miette de nos échanges.
  • Monsieur Conrad revient bien souvent sur le devant de la scène, confirme Max.
  • Vous pensez que ça pourrait-être le boss ? s’inquiète Léa.
  • Ne tirons pas de conclusions hâtives, tempéré-je.
  • Avec Evan, nous allons potasser le sujet, confirme Hugo.

Zach, même absent, à cette capacité à fédérer les forces en présence. Il doit avoir un truc spécial. Il est le seul à avoir rabibocher le père et le fils et pourtant c'était pas gagné. Avec patience, il leur a permis d’ouvrir un dialogue plus modéré. Voir Hugo et Evan, œuvrer de concert, est réconfortant. Finalement, Zach a sûrement raison, je devrais faire le premier pas pour renouer avec mon William. Mais pour l'heure, il faut nous bouger pour le retrouver. Ensuite, je lui demanderai son aide pour recoller les morceaux.

  • Harry, m'appelle Léa à nouveau, Tim et Richard ont peut-être une piste.
  • Montrez-moi les garçons.
  • Nous avons appelé tous les hôpitaux du secteur pour savoir si un patient était arrivé suite à une crise d’épilepsie et nous avons fait chou blanc, jette Tim sans reprendre son souffle.
  • Et ? interroge Max.
  • Nous avons ouvert nos recherches aux cliniques privées comme nous l’avait suggéré Léa.
  • Bon arrêtez de faire durer le suspense, nous n'avons plus de temps à perdre.
  • Et bien jackpot, s’enthousiasme Richard. Nous avons trouvé.
  • Quoi ! Vous avez mis la main sur Peter, s’agite Rose qui piquait du nez dans son fauteuil. Qu’est ce vous foutez encore là ? Allez le voir.
  • Oula c'est pas si simple, il nous faut une autorisation.
  • Pas besoin, Léa vient avec moi, prends ta veste au passage on va rendre visite à notre meilleur pote,
  • Non mais qu'est ce qui te prend ? Tu penses qu'ils vont nous laisser rentrer sans montrer patte blanche.
  • Tu n’as jamais vu une Pink Lady excédée, énervée ou bien plus encore.
  • Si tu arrives dans cet état, c'est la camisole qu’ils vont te passer.
  • T’inquiète, je gère.
  • Tu en penses quoi Harry ? s’écrie Léa avant de franchir la porte dans les pas de son amie.
  • Qu’elle n'a peut-être pas complètement tort.

Je me retourne vers Max, éberlué par l'énergie que tous déploient pour qui sait se mettre à leur tour dans des situations sur le fil du rasoir. Mais d'un autre côté je comprends l’urgence et leur envie de tirer leur meilleur ami de cette toile d’araignée dans laquelle il est empêtré.

  • Max, viens avec moi. Nous allons rendre une visite surprise au PDG du consortium, Monsieur Conrad en personne. S’il est mêlé à cette affaire, nous devrions vite être fixés.
  • Tu ne crains pas que notre venue lui mette la puce à l’oreille ?
  • Comme l’a fait remarquer Rose, plus rien à perdre.
  • Tu as prévu un mandat ?
  • Non, juste une visite de courtoisie d’un père à un autre père. Après tout, son fils a fait un malaise sous nos yeux.

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