Chap 73 : Un pour tous et tous pour Zach (Léa, Lucas et Harry) (partie 2)
# Hôpital psychiatrique des Rivières (Léa) :
Après une dizaine de minutes, l’infirmier réapparaît, un paquet de clopes à la main.
- Vous en voulez une ?
- Non merci, décliné-je.
- Et toi, l’excitée ?
- Non mais pour qui tu te prends, s'emporte Rose.
- Du calme ma jolie.
- Arrête avec tes manières, ça va pas le faire Léa, il se fout de nous, balance-t-elle en le poussant.
- Eh tous les deux on s’apaise.
C’est clair qu'il abuse avec ses interventions mal venu. Je ne comprends pas trop à quoi il joue. Si Rose avait vu juste et qu’il profitait de la situation. Tout à coup, j'ai peur à l'idée que je me sois plantée.
- Jouez le jeu, murmure-t-il.
- Qu’est-ce que tu veux dire ? interrogé-je surprise.
- J’ai fait croire à mon collègue que tu étais ma petite copine et que tu étais très jalouse.
- Non mais t’es pas bien, lâché-je.
- Tu veux rentrer ou pas pour voir ton ami ? me défie-t-il.
- Pourquoi ? Il est là ? s’adoucit Rose.
- J'ai vérifié, il y a bien un Peter par contre le nom de famille qui est noté sur son dossier d’admission, c'est Fleury.
- Alors c'est seulement une coïncidence, soupiré-je, déçue de cette révélation.
- D'après ta description et la photo, je ne pense pas où ça voudrait dire qu’il a un sosie.
J'attrape mon portable pour demander à Evan d’entreprendre des recherches sur la famille de Peter. Peut-être a-t-il utilisé un nom d'emprunt. Pour m’assurer de ne pas prendre plus de risques qu’il ne faut, j’envoie un message à Léo pour lui expliquer la situation. Sa réponse ne tarde pas : “Tu es sûre que tu peux lui faire confiance ? S’il y a le moindre souci, avec Noah, nous pouvons être devant l'entrée dans un quart d'heure. D’ici là, sois prudente.”
Nous passons devant l’homme de l’accueil qui nous adresse un regard noir. Je pense qu’il n’est pas d'accord de notre intrusion mais il ne nous barre plus le passage. Les portes d'accès claquent derrière nous. Le long couloir aux murs blancs est tout sauf accueillant. Tout semble aseptisé, sans trace de vie, jusqu'à ce que des hurlements retentissent dans une chambre.
- Ne vous inquiétez pas, la patiente est persuadée qu’elle est la cheffe d’une meute de loups.
- Avec Rose, nous nous regardons et ne cherchons pas à avoir plus d'explications.
- Nous sommes arrivés, annonce notre guide, par contre une seule de vous deux peut entrer et elle aura seulement cinq minutes.
- Léa, vas-y c'est plus prudent, je pense que je ne serai pas garder mon sang-froid, propose Rose.
- Et toi, ne fais pas n’importe quoi en attendant, suggéré-je.
- T’inquiète, je la surveille, annonce l’infirmier.
- Je te préviens mon mec est hockeyeur aussi si tu poses tes sales pattes sur moi, je ne réponds de rien, balance Rose sans se démonter.
- Rose, soufflé-je en entrant dans la pièce.
Peter est allongé, il ne bouge pas. Je suis choquée de découvrir ses mains attachées au lit. Je m’approche doucement pour ne pas l’effrayer. Je consulte les documents posés sur la table et les photographies pour les transmettre au reste de l’équipe. Evan m'envoie un message : “tu peux lui parler ?” “Il faudrait que je puisse le réveiller”, réponds-je du tac-o-tac. Je pose ma main dans sa paume glacée. Il a des équimoses sur le bras droit et un bleu qui se dessine sous son œil gauche. Des tas de scénarios se bousculent dans ma tête. Je n’ai plus beaucoup de temps pour les détailler,, il me faut des réponses. Je chuchote à son oreille cette question qui me hante depuis des heures :
- Zach est encore en vie ?
J'attends un instant, un geste ou simplement un signe de sa tête pour me confirmer que mon ami est encore de ce monde lèverait le poids de ces dernières heures. Le temps semble s'être figé entre deux respirations. Je tente de me raccrocher au moindre souffle de Peter pour retrouver le mien. Vu son état, qu'en était-il de Zach ? Un bruit sourd me ramène au moment présent, comme si de l'autre côté de la porte, on me signifiait que le temps était écoulé. Hors de question de repartir d’ici sans le moindre indice.
- Peter si tu m’entends, cligne des yeux ? supplié-je en caressant sa main.
Aucune réaction, le pantin à mes côtés a dû être bourré de cochonneries. A-t-on voulu le faire taire ? Pourquoi l'avoir mis à l'écart ? Mon portable vibre dans ma poche, il se fait insistant. Les notifications s’entrechoquent. Elles me rappellent à l’ordre. Je consulte la première : “Léa bouge, l’infirmier dit que nous devons partir immédiatement”. La seconde se fait écho de la première, Evan a trouvé des informations et elles ne sont pas rassurantes. La troisième est de Léo : “ Avec Noah, on est devant l'entrée si tu n’es pas sortie dans cinq minutes, on entre”. Pas le temps de faire des discours, ma seule réponse, un pouce levé pour leur signifier que tout va bien.
Je me lève pour sortir de cette chambre aux allures flippantes d'un film d'horreur. Peter me fait de la peine. Je ne peux rester là sans rien faire.
- Mais ce n'était pas le plan, s'emporte l’infirmier.
- Fais-nous sortir d’ici immédiatement, ordonné-je.
- Je risque de perdre mon boulot.
- Tu peux aussi finir dans une cellule bien plus lugubre, balancé-je froidement.
- Pour complicité, ajoute Rose avec un sourire satisfait.
- De quoi vous parlez ?
- Deux flics nous attendent sur le parking, surjoue Rose, si nous ne sortons pas immédiatement ils entrent pour te mettre les menottes.
- Ok ok, moi je ne veux pas d’histoire.
- C’est une caméra de surveillance ? demande Rose en fixant l'angle du plafond.
- Si laissez-moi pousser le fauteuil roulant, le surveillant pensera que je l'emmène en balade.
Nous avançons dans le couloir et nous nous tenons sur nos gardes. Par chance nous ne croisons personne. Je prends un risque, j’en ai bien conscience. Avons-nous d'autres choix ? J’ai ajouté Harry dans la chaîne des messages afin de couvrir mes actes. Il est clair que sortir Peter de l’établissement est une fausse bonne idée mais c'est la seule qui m’est venue en tête. Une fois arrivée vers une sortie de secours donnant sur le parking, un frisson parcourt mon corps. Rose m’a devancé et ouvert la porte pour nous extraire au plus vite. Noah et Léo soulèvent Peter, Rose grimpe au plus vite à l'arrière du véhicule.
Avant de partir, je donne une carte de visite de Harry à l’homme qui vient de nous aider et lui conseille de l'appeler rapidement. J'espère que je ne vais pas lui causer des torts, après tout il vient de se rendre complice d’un enlèvement.
# Au complexe Hôtelier de Boissanfeuille (Lucas) :
Avec Naël, nous prenons nos fonctions, il se positionne derrière le bar et de mon côté j’assure le service dans la salle. Nous quadrillions ainsi l'espace à l'affût de la moindre conversation. Déjà deux heures que nous sommes en place et à part des familles venues consommer des boissons chaudes et quelques gâteaux, pas grand chose à signaler. Jérémie est toujours installé à la table voisine des hommes d’affaires. De ses retours, pour l'instant les conversations sont d'un banal des plus ennuyeux, entre chiffre d'affaires florissant et blagues graveleuses rien d'intéressant à se mettre sous la dent.
Je fais un crochet dans le hall d'entrée où les deux policiers en civil sont positionnés pour leur servir un énième café. À ce rythme, ils vont rester éveillé des nuits entières et squatter les toilettes.. J'apprends que pour eux aussi c'est le calme plat. Pour noyer le poisson au cas où le chef de l'établissement me surveille, je m'intéresse aux désidératas de chacun, me montre courtois et professionnel. J'ai repéré une mamie, assise dans un sofa et lui apporte une tisane. La petite grand-mère tricote. Son chien, dans son panier à ses pieds, ronfle. Au cours de la conversation, elle me sollicite pour que je l’accompagne à l’extérieur pour balader son compagnon. Elle me confie ses difficultés à avancer sur la neige et qu’un peu d'aide d'un charmant jeune homme serait une fort agréable. Comment lui refuser ? Ludivine, la responsable, me donne son accord pour que je serve de guide pour cette cliente.
À notre retour, de cette escapade au grand air, je découvre des enfants admirant le train suivre inlassablement le même trajet autour du pied du grand sapin. Cette scène contraste avec l'angoisse qui me tiraille. Depuis mon arrivée ce matin, je fais bonne figure pour ne pas plomber l’ambiance. Pourtant je sens mon estomac se tordre. Quelque part au fond de moi, je tente de me rattacher à tous ces petits riens pour ne pas m’effondrer. Il y a quelques jours, avec Zach nous partagions ses petits bonheurs chez mon père. J'hésite à lui envoyer un message. Qu’est-ce que je dirai ? Quoique que j'écrive, il saurait qu’il y a un problème. À son tour, il s'inquiètera et viendra aussitôt pour m’épauler.
- Dis tu peux m’aider ?
- Je baisse les yeux et découvre une paire d’yeux verts me fixer.
- J’ai perdu mon doudou, insiste la fillette me tirant par la manche.
- Je regarde autour de nous à la recherche des parents de l’enfant. Personne ne semble s'intéresser à ses agissements.
- Peux-tu me le décrire ? dis-je en me mettant à sa hauteur.
- Oh il est couleur chocolat et autour de son cou il a une écharpe blanche.
- Où l’as-tu vu pour la dernière fois ?
- Dans la poussette de mon petit frère, me répond-elle fièrement, tu te rends compte que c' était mon cadeau de Noël de l’année dernière.
- Alors il nous faut trouver ta maman
- Oui, je crois que je l'ai perdu aussi. Elle doit être inquiète, je ne voudrais pas la faire pleurer
- Je ne m'attendais pas à une telle réponse, cette mission devient prioritaire.
- Tu veux que nous la cherchions ensemble ? Je peux demander à un ami de nous aider.
- Si tu veux, ce sera peut être plus simple.
- Tu dors dans cet hôtel ?
- Oui, dans une chambre immense, tu te rends compte que j'ai un lit deux places comme papa et maman. Grand tonton nous a invité pour passer les vacances.
Je passe par les entrées pour me renseigner, ils doivent surement la connaitre.
- Tu t'appelles comment ? demandé-je.
- Lucie.
- Et ton nom de famille ?
- Fleury.
- Parfait, nous allons regarder les réservations, propose l'hôtesse d'accueil.
Pour patienter, je prends une feuille et un stylo et lui propose de me dessiner sa peluche.
- Ça y est j'ai trouvé, la suite des petits dormeurs, elle est au dernier étage.
- Tout près des nuages, répond la demoiselle avec un grand sourire.
- Parfait, je te raccompagne, avant il faut que je prévienne que je m'absente un moment.
- Oh oui il ne faudrait pas qu’il s’inquiète.
- Tu as tout à fait raison.
Nous passons par le bar, Naël en profite pour lui concocter un chocolat chaud avec des oursons en guimauves. Discrètement, je fais signe à Jérémie de me suivre. Il nous rejoint, juste avant que la porte de l'ascenseur ne se referme.
- Dis tu crois au Père Noël ? m'interroge Lucie.
- Bien-sûr.
- Tu lui as demandé quoi cette année ? Tu as été sage ?
- Juste de retrouver mon ange, réponds-je sans réfléchir.
- Oh toi aussi tu as perdu ton doudou ?
Pas le temps de répondre, nous arrivons à destination. Un immense hall nous accueille, de chaque côté se trouve une suite. Devant l'une d'elle, un homme est posté. Cette présence nous interpelle mais nous feignons l’indifférence pour nous diriger vers la porte d'en face. Nous toquons une première fois, aucune réponse. Une seconde fois, toujours rien.
# Dans les bureaux de l’entreprise Conrad (Harry) :
- Ainsi tu es devenu garde du corps ? demandé-je à l'homme se tenant devant nous.
- Et toi toujours à fouiner ? rétorque-t-il.
- Écoute chacun son job, toi tu as choisir de remplir tes poches auprès de gens sans scrupules, moi j’essaie de lutter contre les personnes hors la loi.
- Si tu le dis, pourquoi démentir les faits, Monsieur le cow boy, pouffet-il.
- Bon, maintenant que vous avez fêter vos retrouvailles dignement, nous coupe Max, pour faire baisser la tension, pourrions-nous voir ton boss ?
- Lequel de vous deux dégaine son mandat ? balance-t-il en nous défiant du regard.
- Ni l’un ni l'autre, on vient parler d’un père à un autre, réponds-je droit dans les yeux.
- Sûrement l’esprit de Noël, je reconnais bien là ta grandeur d'âme, ricane-t-il.
- Monsieur Conrad veut bien vous recevoir, annonce une douce voix, interrompant à son tour cette joute verbale stérile, suivez-moi. Quant à vous Monsieur Roll, le patron m'a demandé de vous donner cette enveloppe à livrer de toute urgence.
Avec Max, nous le regardons s'éclipser. Une drôle de sensation m’envahit. Déjà à l'époque de ces débuts dans nos services, il m’insupportait. Son arrogance me tapait sur les nerfs. Il a fait ses classes dans nos bureaux et avait la réputation d'être peu regardant sur les méthodes employées. Au cours des interrogatoires, il jouait des mains soi-disant pour intimider les suspects. En mission, le jeune roquet aux dents acérées n'hésitait pas à fermer les yeux sur certains suspects, voire se graisser la patte soi-disant pour infiltrer des groupes de trafiquants. Jusqu'au jour où il a pris ses clics et ses claques après avoir écopé d'un avertissement. Bon débarras, avais-je pensé à l'époque. En refaisant le tour de la question, je réalise qu’il était sur l’affaire de Dylan. Je fulmine en songeant qu'il a sûrement joué un rôle dans la mise au placard du dossier. Je m'en veux d’avoir laissé passer. Même si à l'époque, le départ de mon fils chez sa mère me prenait la tête, j'aurais dû me montrer plus vigilant. Serait-il possible que c’est à ce moment-là qu'il ait choisi son camp ? Max pose sa main sur mon épaule pour m'inviter à avancer. L'hôtesse d’accueil nous précède, sa démarche chaloupée me fait oublier un instant l’abruti que nous avons croisé.
- Messieurs, veuillez attendre, je vais prévenir Monsieur Conrad.
- Puis-je vous demander depuis combien de temps vous êtes à son service ? interrogé-je.
- Une quinzaine d'années, me répond-elle en souriant avant de disparaître.
- Tu as remarqué qu'elle ne te quittait toujours pas des yeux, insiste Max.
- Arrête avec ça.
- Harry, détends-toi, si tu pénètres dans son bureau aussi énervé, nous n'obtiendrons rien.
- J’ai bien peur que ce soit déjà le cas, son Cerbère vient de partir.
- Oui je le pense aussi mais maintenant que nous sommes là, nous devons voir ce qu’il en est. Peut-être qu'il n'est au courant de rien. Pendant votre échange musclé, j’en ai profité pour prendre une photo pour l'envoyer à Jérémie et Léa au cas où Roll se pointe, ce qui confirmerait nos doutes.
- Tu as bien fait, acquiescé-je, tu es bien plus professionnel que je ne le suis, d’ailleurs jette un œil sur le texto de Léa.
- Ah ces gamins ne doute de rien, sourit-il.
- Ils prennent bien trop d’initiatives risquées, m’emporté-je.
- Tu ferais la même chose sans sourciller, me tempère Max.
- C'est mon job.
- Et eux, c'est la vie de leur ami qui est en jeu.
- On dit quoi au père ? Écoutez, on a retrouvé votre fils dans un hôpital psy et on vient de l'exfiltrer.
- Attendons de voir comment ça tourne, avant de sortir l’artillerie.
- Messieurs, vous pouvez entrer, nous interrompt la secrétaire, son rendez-vous vient de se décommander, il vous accorde une quinzaine de minutes avant son prochain.
- Il est bien trop généreux, ronflé-je..
- Son planning est chargé, précise sa secrétaire sentant mon agacement.
- Pardon, je ne voulais pas, dis-je aussitôt tentant de faire oublier le ton rude de ma réponse.
- Ne vous inquiétez pas, me répond-elle avec son regard plein de douceur, vous n'êtes pas le premier et le dernier mécontents.
- Est-ce que pour autant je dois me montrer impoli avec vous ?
- Je termine à dix huit heures, offrez-moi un verre dans le café d’en face et vous serez tout excusé.
Je rêve, elle vient de m’inviter alors que je me suis montré odieux. Max ne perd pas une miette de notre conversation et je l’entend répondre à ma place :
- Il y sera.
Nous pénétrons dans la pièce, elle est à l’image du bâtiment, immense. Assis dans son fauteuil en cuir, dos à la baie vitrée, l'homme qui nous reçoit, nous dévisage de la tête au pied. Âgé d’une cinquantaine d'années, les cheveux grisonnants, il ressemble à son fils Peter, grand, élancé. Sur son bureau, un cadre photo avec je suppose ses deux fils et sa femme. Des recherches transmises par Evan, la mère des garçons, est morte, il y a cinq ans d'une longue maladie. Quand nous avançons dans sa direction, il se lève et nous propose de prendre place dans le canapé. Sur la table basse, des cafés accompagnés de petits gâteaux de Noël ont été déposés. Sur le mur opposé, un planisphère orné d’une myriade de drapeaux aux quatre coins du monde.
- Ce sont les villes que vous avez visitées ? questionne Max pour lancer la conversation.
- Oui dans un premier temps, puis elles sont devenues les sites de mes acquisitions immobilières.
- Cela représente un sacré portefeuille financier, salue mon ami.
- On va dire qu’on ne battit pas un empire juste dans son quartier, acquiesce-t-il avec fierté.
- Et pourquoi Bordeaux plutôt que Paris ? poursuit Max, l’air de rien.
- Pour ses grands crus évidemment, par amour et puis les capitales ne m'intéressent pas.
- Pourtant vous avez choisi Montréal pour votre siège, insisté-je.
- Un choix de coeur, ma femme et mes enfants sont nés ici. D'ailleurs si j’ai bien compris, vous vouliez me parler de mon fils Peter. Qu’est ce que ce petit con a encore fait ? De quel merdier a-t-il mis les pieds ? Dois-je m'inquiéter ?
D’un coup, le ton de sa voix change, entre amertume et colère.
- Il a fait une crise d’épilepsie dans un bureau de l’université. Nous étions sur place quand les pompiers l'ont pris en charge.
- Encore une overdose, balance-t-il sans la moindre compassion, c'est pour cette raison que j’ai la visite d'un inspecteur.
- Nous voulions nous assurer qu’il allait bien.
- Et vous aviez besoin d'un légiste ? nous toise-t-il.
Il est clair qu'il sait précisément qui nous sommes, je suppose que son garde du corps a eu le temps de le briefer sur la situation. Il va nous falloir la jouer finement parce que Monsieur Conrad n'est pas né de la dernière pluie.
- Pourriez-vous nous donner des nouvelles rassurantes ? interroge Max sans se démonter.
- Pas plus que vous ne semblez en avoir. Apparemment, d'après l’infirmier qui devait garder un œil sur lui, il aurait décidé de partir sans attendre l'arrivée de mon majordome.
Un silence s’installe, sa réponse nous laisse sans voix. Les interprétations peuvent être multiples. Que sait-il au juste ? Quel rôle joue-t-il ? Mensonge ou vérité ? Fadaise ou sincérité ?
- Ça veut dire qu’il était à même de se déplacer, poursuit-il avec froideur. C'est une bonne chose, la crise passée, il a dû vouloir prendre l'air et rentrer chez son frère. Il est coutumier du fait.
- Seriez-vous dans quel hôpital, il avait été amené ? glisse Max, pour tenter de savoir ce qu'il sait ou tait.
- Depuis le décès de sa mère, soupire-t-il, éludant la réponse, Peter fait tout et n’importe quoi. Cet ingrat veut aussi la perte de son père.
- Nous avons tous nos errances, tenté-je, nos lots d'erreurs et nos faiblesses.
- Messieurs, merci de votre bienveillance envers ce bon à rien, coupe-t-il net, je dois vous laisser, j’ai un autre rendez-vous qui requiert toute mon attention
Sur cette entrefaite, il nous raccompagne vers la sortie. Cet entretien aura été sommaire et me laissera un goût amer. Est-il un père désabusé ? Ou bien pire ? Peter n'a pas pu finir sa route dans un hôpital psychiatrique sans avoir été accompagné par une tierce personne. Au vu de son état, ce gamin ne pouvait pas se déplacer sur ses pieds et faire les cinquantes kilomètres qui séparent les deux lieux. Comment est-il passé d'un camion de pompier échoué dans le fossé à une suite tout sauf royale dans les quartiers très privés de l’établissement Boissanfeuilles ? Il est clair que son père est au courant de quelque chose. Pourquoi ferme-t-il les yeux ? Il n'a pas semblé être plus soucieux de son état de santé, tout juste s’il a tiqué quand on lui a parlé de son malaise. Aucune réponse ne me convient.

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