Chapitre 1: Cléo

4 minutes de lecture

Cléo adorait regarder le coucher de soleil. Il y avait dans ces minutes suspendues quelque chose de presque sacré. La lumière déclinante adoucissait les contours du monde, comme si tout devenait un peu plus flou, un peu plus doux. Dans sa vie pleine de bruits, de sollicitations et de responsabilités, c’était l’un des rares instants où elle se sentait vraiment en paix. Le soleil disparaissait lentement à l’horizon, laissant derrière lui une traînée d’orange et de rose qui enveloppait le lac d’une lumière douce et chaleureuse. L’air tiède de l’été caressait doucement sa peau, tandis que quelques oiseaux chantaient encore, résonnant dans l'immensité calme du crépuscule. Confortablement assise dans le fauteuil sur la terrasse du chalet, elle en profitait pour terminer sa lecture du moment. C'était son moment à elle.

— Je savais que je te trouverai là, c’est l’heure de manger.

Ilana s'appuya contre le chambranle de la porte, un sourire amusé flottant sur ses lèvres. Ses longs cheveux bruns retombaient souplement sur ses épaules, et ses yeux rieurs, d’un brun chaleureux, lui donnaient un air espiègle. Malgré les quelques années qui les séparaient, elle ressemblait tant à Cléo qu’on les avait souvent prises pour des jumelles. Pourtant, leurs tempéraments ne pouvaient pas être plus opposés — et Cléo savait d’avance que sa petite sœur ne lâcherait pas l’affaire avant qu’elle ne se lève. Elle leva à peine les yeux, sachant déjà qu'elle perdrait la bataille.

—Je termine ce chapitre et j’arrive, répondit Cléo.

— Ah non ! Je te connais, tu dis ça alors que tu viens à peine de le commencer j’en suis sûre. Sors ton nez de ton bouquin et viens à table. Tout le monde t’attend.

— C’est bon, c’est bon j’arrive.

Cléo se leva à contrecœur, fermant son livre avec un soupir. Dans l’air, flottait l’odeur alléchante du dîner en préparation, un mélange de rôtis et de légumes frais. Sa sœur, toujours aussi pressée, se dirigea vers l’intérieur du chalet, la porte grinçant légèrement sur ses gonds. Cléo la suivit jusqu’à la salle à manger. Sur la grande table en bois, des plats fumants étaient disposés, et ses cousins s’agitaient autour, la voix de sa mère résonnant joyeusement au milieu du brouhaha. Comme tous les ans, la famille de Cléo se réunissait pour une semaine de vacances.

Cléo s’installa à côté de sa sœur et se servit une assiette. Les effluves de la nourriture lui firent gargouiller le ventre. Elle réalisa qu’elle avait plus faim qu’elle ne le pensait. Autour d’elle, les voix des autres se superposaient, les rires et les chamailleries animant la pièce comme chaque soir. Elle observa Jorick et Caleb, les deux frères en pleine discussion sur les courses automobiles, leurs gestes s’accompagnant de rires et de mimiques exagérées.

— Mais si je te dis que c’est le meilleur pilote ! Personne ne lui arrive à la cheville, c’est lui qui gagnera la saison. On parie ?

— Pari tenu, de toute façon tu te trompes toujours, ricana Jorick.

Cléo rit discrètement. C'est toujours pareil. Ses cousins Jorick et Caleb se chamaillaient sans fin, mais elle savait qu'en fin de compte, Jorick avait souvent raison. Les deux frères étaient comme le cœur battant de la famille, toujours à provoquer, à rire, à faire du bruit. En face de Cléo, se trouvaient Lysandra et Liam, les deux plus jeunes de la famille. Autant Lysandra était une rêveuse et une artiste, autant son frère Liam était tout l’opposé. Cléo le voyait comme l’adolescent nonchalant et un peu flemmard qui n’aimait peu de choses excepté les jeux vidéo. Cléo les observait avec affection. C’est fou comme nous avons grandi. Il y a quelques années encore, Lysandra dessinait des licornes pendant que Caleb grimpait aux arbres. Et maintenant, ils parlaient d’art, de politique ou de permis de conduire. Le temps filait à une vitesse inquiétante.

Le dîner s’étira entre éclats de rire et débats passionnés, jusqu’à ce qu’un long bâillement du père de Cléo et d’Ilana ne vienne sonner le glas des festivités. Les parents regagnèrent leurs chambres, et les cousins s’adonnèrent, comme le voulait la tradition, à leur éternelle partie de Monopoly. Une fois encore, Ilana triompha, probablement non sans tricher, puis chacun se souhaita une bonne nuit avant de rejoindre sa chambre.

Une fois dans son lit, Cléo en profita pour reprendre sa lecture là où elle l’avait arrêtée. Elle était plongée dans une bataille entre sorciers lorsque l’on frappa doucement à sa porte.

— Oui ?

Caleb entra sur la pointe dans la chambre un sourire aux lèvres. Il était habillé en jogging, sa veste noire sur le dos et tenait une lampe de poche à la main.

— Ça te dit d’aller explorer un peu les environs de nuit ? Les autres sont partants et sont en train de se préparer.

Décidément, je n’arriverai jamais à terminer mon livre pendant les vacances. Elle leva les yeux au plafond, faussement exaspérée. Elle savait déjà qu’elle allait dire oui. Elle savait aussi qu’elle allait râler en enfilant sa veste, regretter en enfonçant ses pieds dans ses baskets, mais qu’au fond, elle adorerait ça.

— Laisse-moi une dizaine de minutes et je vous rejoins dehors.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Carla Rqlm ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0