Chapitre 2 : Ilana
Ilana tapotait nerveusement sa lampe de poche contre la cuisse. Elle détestait attendre. Surtout seule dans la nuit, cernée par des bruits d’animaux. L’excitation montait dans sa poitrine, piquée d’une pointe de trac. L’envie de partir à l’aventure… et la peur bête de croiser un fantôme. Ses cousins sortirent au compte-goutte du chalet. Elle jeta un regard rapide à sa tenue. Jean, pull large, veste épaisse. Pas mal. Assez pour ne pas paraître trop « princesse » devant ses cousins, mais pas trop négligée non plus. Jorick et Caleb chuchotaient en s’éloignant déjà. Cléo sortait du chalet, emmitouflée comme une grand-mère, les cheveux en bataille.
— Toujours la dernière, souffla Ilana avec un petit sourire en coin.
Lysandra dessinait des arabesques dans l’air avec sa lampe. Liam traînait des pieds comme si le sol le rappelait à lui.
— Vous êtes prêts ? lança-t-elle d’un ton qu’elle espérait naturel.
Mais son cœur battait vite. Elle adorait ces moments volés à la nuit, même si elle n’osait pas toujours le montrer. Elle alluma sa lampe. Elle était prête à affronter les ténèbres. Enfin… tant qu’elle n’était pas seule.
Caleb ouvrit la marche et le reste du groupe le suivit. La forêt était noire et dense et le croissant de lune n’éclairait rien. Les faisceaux des lampes découpaient des ombres étranges sur les troncs. Ilana frissonna. Elle n’aimait pas ça. Elle avait toujours eu peur des esprit, des fantômes surtout, ceux qui surgissent quand on les appelle sans le vouloir.
Un craquement sec résonna. Elle sursauta si violemment qu’elle bouscula Lysandra.
— Tranquille, Ilana, personne ne va venir te manger, la taquina Caleb.
Il éclata de rire, aussitôt suivi par les autres. Et, malgré elle, Ilana rit aussi. Elle inspira profondément. Avec eux, pensa-t-elle, même les ombres perdaient un peu de leur pouvoir.
— Mais du coup, Caleb, c’est quoi le plan exactement ? demanda Jorick en se tenant les côtes d’avoir trop ri.
— Hier après-midi je me suis baladé et j’ai vu en contrebas de la colline un genre de lac. Je me suis dit que ça serait une bonne idée d’aller s’installer au bord, de faire un bon feu et de se raconter quelques histoires un peu flippantes, répondit-il tout sourire.
Ilana leva les yeux au ciel. C’était bien son genre de vouloir se faire peur au beau milieu de la forêt. Ils faisaient tous comme si c’était normal, à croire qu’ils n’avaient jamais eu peur du noir.
— Est-ce que tu as pris des trucs à grignoter au moins ? demanda Liam.
— Ne t’inquiètes pas j’ai tout prévu.
Fier comme un paon, il reprit sa marche. Ilana se demandait où il trouvait toujours ces idées saugrenues. Le groupe reprit son excursion à travers les bois. Malgré la nuit, malgré le froid, Ilana se sentait animée d’une énergie ardente, comme si la peur alimentait en elle un brasier au lieu de l’éteindre. De temps en temps, une chouette ululait au loin mais, au grand bonheur d’Ilana, aucun animal ne croisa leur route. Elle était en grande conversation avec Jorick à propos des bienfaits du yoga quand ils arrivèrent au bord d’une descente assez abrupte.
— C’est par ici, leur signala Caleb, il faut descendre pour atteindre le lac.
Liam grommela dans sa barbe à propos des idées idiotes de Caleb mais il lui emboîta le pas aussitôt. Ilana descendait prudemment, s’accrochant aux branches basses pour ne pas glisser. Lysandra, qui était devant elle, négocia mal un virage et se retrouva les fesses par terre. Elle se précipita près d’elle.
— Ça va ? Tu n’as rien Lys ? lui demanda-t-elle en lui proposant son aide.
Lysandra attrapa sa main et se releva en se tenant la hanche.
— Non ça va, j’ai glissé bêtement. Je vais simplement avoir un bleu aux fesses je pense, répondit-elle en rigolant.
Rassurée, Ilana continua de descendre et après quelques minutes périlleuses, ils débouchèrent à l’endroit dont leur avait parlé Caleb. Le plan d’eau n’était qu’un étang, mais un calme étrange flottait dans l’air. Quelques buissons le bordaient et on entendait le croassement des grenouilles qui se lançaient dans une symphonie tonitruante. C’était un bel endroit pour terminer la soirée. Pour une fois son cousin n’avait pas eu une mauvaise idée. Caleb les mena au bord de l’étang et déballa les affaires de son sac : une grande couverture, des bouteilles d’eau et un paquet de marshmallows. Ilana s’installa confortablement sur la couverture et regarda les trois garçons partir vers la forêt en quête de bois pour allumer un feu. Elle savoura la quiétude de ce moment suspendu.

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