Les pleurs sur la grève
Chaque grain de sable sous mes pieds, chaque embrun.
Le soleil empruntant le chemin de la chaleur jusqu'à ma chair lancinée.
La rancune d'avoir vécu les jours passés m'étranglait légèrement.
Homme défiguré, cherchant le passage dans lequel je m'étais perdu, les couloirs et les choix devenus trop nombreux m'engourdissaient la responsabilité et je ne cherchais que la fuite.
Des songes éveillés où je flottais, entre mer et sensation de ciel, en étant dissocié de mon esprit et en étant libre de mes émotions.
Bercé non seulement par des murmures de fonds marins, mais d'âme.
Mon cœur battait en accord avec mon corps, en harmonie avec la mer. Et pourtant, au plus profond de moi, une mélancolie naissait.
Car dans cet Éden aquatique, je ne souhaitais qu'une chose impossible, demeurer à jamais.
Au cœur du ciel, de la terre et de la mer.
Je me revois âpre un soir chaud, alors que j'avais dix-sept ans, soulagé, précipiter tous mes cahiers de devoirs dans les flots tumultueux, les voyany disparaître, emportés, les pages claquant au vent comme des ailes d'oiseau.
"Pourquoi as-tu fait cela me demanda ma mère", le visage dur de mépris mais je croyais aussi cerner cette compréhension des adultes qui connaissent ce cri de liberté. Ce cri de liberté qu'eux cherchent tard le soir dans un verre de whisky vide, dans le sol peut-être, tout le regard baissé, tabagisé, émacié et le creux des yeux, la lueur volés par la journée de travail.
Au retour, avant de m'endormir, je ressens encore les lèvres ourlées, aimantes de ma mère qui m'embrassent le front tout mouillé d'avoir trop lutté contre les vagues.
Aujourd'hui, à vingt-cinq ans, les vagues de la vie, elles, ont parfois le goût amer du sel et me refroidissent la volonté.
Je n'ai pas vraiment mal, je ne me sens pas vraiment vide.
Je ne suis même pas.
Je n'ai jamais été...
Je suis un peintre à succès mais, j'ai raté mon âme
Je n'ai jamais suivi mon moi, ma personne.
C'est plutôt un nihilisme sourd qui m'habite, une sensation que rien n'a d'importance, que tout est voué à s'effriter.
En effet, le temps milite contre la vie, les amitiés s'éclipsent, les sourires durcissent et se figent, les gens vont et viennent et un jour ne reviennent pas, les rêves s'envolent et l'espoir s'anéantit.
Je suis fidèle de la mer, je suis son fils, la mer a connu tous mes pleurs, la mer m'a fasciné, elle a façonné toute mon imagination.
Annotations
Versions