L'Evasion d'Achille

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  Mazarine et Charles pâlirent. Celui-ci recula de quelques pas en balbutiant :

  - Attention... Si vous touchez à l'un de nous trois, si même vous y pensez, je... Je suis armé !

Il ponctua ses propos en dégainant son couteau, qu'il brandit devant lui. Mais Brunhild Wotan se contenta de ricaner. Soudain, elle s'approcha subitement et, d'un geste vif, elle arracha le couteau. En le tenant entre le pouce et l'index par la lame, elle le jeta à l'autre bout de la pièce.

  - Je tremble de peur, s'exclama-t-elle en s'avançant vers les trois personnes. Bon, alors je répète : Mazarine, si tu ne fais pas un effort, tu vas assister au sacrifice de tes amis. Encore une fois, je commence par lequel ?

  - S'il vous plaît, Mlle Wotan ! cria Mazarine. Arrêtez-vous ! S'il vous plait, ne tuez personne, et laissez-nous sortir ! Réfléchissez un peu !

  - De toutes façons, on ne peut pas prendre le risque d'avoir un témoin. Je vais quand même m'en débarrasser, et pareil pour Achille, on sera au calme pour le rite.

  - Attention, répéta Charles. Je suis peut-être désarmé, mais... Je peux crier très fort ! 

Il tenta de ponctuer ses propos, en parlant plus fort. Mais sa voix partit seulement dans les aigus. Cela ne servait évidemment à rien. Comme la vieille dame avançait toujours lentement, le professeur sursauta, puis prit ses jambes à son cou. Il fila dans l'escalier pendant que, surpris, Mazarine, Achille et Hild le regardaient fuir.

  - Charles ! cria la violoniste, passé un instant où elle n'arriva pas à produire le moindre son. Ne nous abandonne pas !

  Mais pas de réponse. L'enseignant ne reparut pas. Tout le monde attendit quelques minutes, curieux de savoir s'il allait revenir. Finalement, Hild ricana. Les rats commencèrent à entrer timidement dans la pièce. Jusque là, ils avaient suivi les événements en regardant discrètement, sur le seuil de la porte.

  - Hum, je crois qu'il ne reviendra pas, commenta Brunhild. Génial, il faudra seulement se débarrasser du mollusque. Je n'aurai même pas à choisir qui sera le premier.

Elle repoussa la jeune fille brune, puis s'approcha d'Achille, inconscient. Elle se mit à psalmodier des paroles incompréhensibles tout en tendant les mains vers lui. Une fine poussière dorée sembla s'élever de se bouche et de son nez. Elle s'envola vers les mains de la magicienne. Cela sembla détériorer l'état du captif, qui n'était déjà pas fameux. Il se mit à inspirer et à expirer avec difficulté.

- Arrêtez ! rugit Mazarine.

Elle sortit la poivrière de sa poche, dévissa le couvercle et en prit une grosse poignée. Elle la jeta sur la vieille dame. Celle-ci se mit à tousser, à pleurer et à brasser l'air. Le processus s'interrompit. Achille eut l'air de mieux respirer.

Au même instant, des ombres s'approchèrent silencieusement dans le dos de la magicienne. Elles firent un clin d'oeil à Mazarine, quand un bruit métallique retentit. Brunhild se figea, puis tomba face contre sol. la violoniste fit un sourire un peu tremblant à Charles, Paul, Virginie et Hubert qui se tenaient derrière elle, ce dernier armé d'une poêle à frire qu'il venait d'abattre sur la tête de Mlle Wotan.

- Bien joué, avec le poivre, commenta Hubert en jouant avec son ustensile de cuisine. Je n'arrêtai pas de me dire qu'elle allait nous remarquer. Tu as bien fait de détourner son attention.

  - C'est moi qui devrais vous remercier, rétorque la jeune fille, avant de se tourner vers l'enseignant. Charles ? Pourquoi tu nous a largué ? Et que faites-vous là ?

  - Ben, tu sais, Zaza, répondit l'enseignant, je t'avais dit, quand on relevait ton fauteuil, que si on criait, les autres viendraient.

  - Ah, donc c'est pour ça que tu t'étais mis à brailler !

  - Tu croyais vraiment que ça allait arrêter Brunhild Wotan ? Donc après, je suis parti chercher les autres au cas où ils n'auraient pas entendu.

  - Vite, on doit ligoter Brunhild, coupa Virginie. Il y a une corde dans ta serviette, Charles, si je me souviens bien.

  Paul se chargea d'attacher Hild soigneusement. Puis le jeune homme blond demanda :

  - Avant qu'on arrive, vous vous disiez quoi ? Et il est où, Léopold ?

  Lorsque Mazarine et Charles eurent expliqué ce qu'avait fait l'étrange vieille dame, ainsi que ses motivations, Hubert remarqua :

  - On devrait se débarrasser une bonne fois pour toute de cette folle...

  - Mais comment on va faire ? demanda Mazarine. On va quand même pas lui donner des coups de couteaux...

  Virginie se pencha vers les rats. Manifestement, elle était beaucoup plus à l'aise avec eux que Pierre, Charles ou encore que sa meilleure amie.

  - Petit petit ! Comment vous allez ?

  - Bonjour, madame, répondit un rat. Nous allons bien. Comment vous appelez-vous ?

  - Appelez moi Virginie. Comment ça se passe, avec Brunhild Wotan ? Elle vous contrôle toujours ?

  - Lorsqu'elle est endormie ou, comme là, évanouie, nous retrouvons notre liberté de penser, d'agir, mais pas de sortir de cette maison.

  - D'accord. Et vous savez comment il faut faire, pour... Lui enlever ses pouvoirs ?

  - Oui.

  - Mais, dites, intervint Hubert, vous savez comment se débarrasser d'un poison pareil, et vous ne le faites pas ! C'est quoi, votre problème ?

  - Nous n'y arrivions pas, d'une part parce qu'elle nous contrôlait presque tout le temps, et ensuite parce que ça n'est pas si facile. Il faut lui enlever son collier et le tremper une nuit de pleine lune dans de l'eau. Elle perdra ses pouvoirs et sa vie.

  - C'est tout ? demanda Paul. Fastoche ! Dites, c'est quoi que vous trouvez difficile, là-dedans ?

- De par notre taille, nous étions incapable de lui enlever son collier.

- Ah, d'accord...

  Il s'approcha de Brunhild Wotan et enleva son pendentif. Il 'agissait d'une pierre grise attachée à une cordelette.

  - C'est drôlement moche, comme bijoux. M'enfin, rien qu'à voir le salon, on devine comment sont ses goûts... Bref, maintenant, le but, ça va être de se sortir de là.

  - Enfin ! s'écria Charles. Tout ce que j'attendais depuis le début ! Maintenant, tout le monde dehors ! J'ai horreur de cette maison. Et on doit sérieusement s'occuper d'Achille. Les rats, on peut vous laisser seuls ?

  - Oui monsieur. Mais avant, pourriez-vous détacher notre esclavagiste ? Dans tous les cas, elle se détachera, en nous obligeant, par exemple, à ronger la corde. Ce serait gentil, ça nous évitera quelques scènes désagréables...

  - D'accord. Il y a une dernière chose à faire ici ? demanda Paul. Nous aimerions bien d'abord régler les éventuels problèmes, avant de la détacher, et...

  - Attention, Brunhild se réveille ! hurla tout à coup Virginie.

  En effet, Mlle Wotan venait d'ouvrir un oeil ahuri. Hubert réagit à la vitesse de la lumière : il se précipita à côté de la vieille dame et lui asséna un nouveau coup de poêle à frire qui la réexpédia au pays des rêves. Puis, satisfait de lui-même, le jeune homme se tourna vers le reste de la bande, tout en faisant tourner sa poêle à frire entre ses doigts.

  - Voila, les amis. S'il y a un nouveau souci, n'hésitez pas, je suis entièrement à votre service. Sinon, vous disiez, les musaraignes ?

  - Il vaudrait mieux que vous alliez brûler tous les documents et manuscrits de Mlle Wotan. Comme ça, si jamais vous ne parvenez pas à détruire son collier, elle ne pourra plus se replonger dans ses notes. Et si jamais vous réussissez à la vaincre, il ne manquerait plus que quelqu'un d'autre trouve et utilise toutes ces choses dangereuses.

  Ils garantirent aux rongeurs qu'ils partaient brûler tout, et se mirent au travail. Hubert resta dans la chambre à surveiller Achille et Brunhild Wotan, tandis que Paul courait chercher un briquet chez lui. Pour finir, Mazarine, Charles et Virginie partirent à la recherche de toutes les feuilles de la vieille dame pour que Paul puisse les détruire. Quand cette dernière étape fut finie, les amis libérèrent Brunhild, toujours inconsciente, et rentrèrent chez eux en emmenant Achille tant bien que mal.

  Il était cinq heures et demie quand ils franchirent la porte de la maison des Janviers. Ils installèrent Achille - qui ne bougeait toujours pas - sur un matelas dans la chambre de Paul et Hubert. Ils n'osaient pas lui prodiguer de soin de peur d'aggraver son état, mais aussi parce qu'ils ne savaient pas vraiment de quoi souffrait le jeune homme.

Alors que Charles appelait les urgences, Hubert, qui était à côté de lui, lui ordonna :

  - Dis qu'on l'a trouvé par hasard, dans la rue, devant chez Brunhild.

  - Pourquoi tu veux que je dise ça ?

  - Réfléchis, répondit-il. Tu veux vraiment expliquer aux médecins urgentistes que tu es allé donner des coups de casserole à la voisine pour récupérer un malheureux gamin ? Ce n'est pas aux urgences qu'on t'enverras, mais chez les fous.

  - Pas faux, c'est ce que je vais faire.

  Un quart d'heure plus tard, des pompiers vinrent chercher Achille. Les amis firent semblant de ne pas le connaître, et de l'avoir simplement trouvé devant chez la voisine. Personne ne risquait de découvrir la vérité. L'ancien captif semblait pas en état de se rappeler de quoi que ce soit. Paul, Virginie, Charles, Hubert et Mazarine ignoraient si les autres voisins les avaient vu, mais que pouvaient-ils faire ?

Et, de toutes façons, comme disait Paul, l'important était qu'Achille soit guéri.

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