Le Cauchemar continue

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  Les cinq amis se mirent à dîner en silence, pensif quant à la nuit mouvementée qui se passerait sûrement. Puis, vers neuf heures, quand ils eurent fini, ils se demandèrent ce qu'ils pouvaient faire pour passer le temps.

  - Il y a quoi, demanda Hubert, comme activité qui empêche de dormir jusqu'à l'aube ?

  - On peut faire un marathon de jeu de société, proposa Paul.

  - J'aime pas trop les jeux de société, marmonna Mazarine.

- Peut-être, rétorqua sa meilleure amie, mais je pense que c'est tout ce qu'on peut faire. En plus, si on fait un Monopoly, il se peut qu'on ne finisse pas avant demain. Qu'est-ce que tu en penses, Paul ?

- Pourquoi pas, répondit flegmatiquement celui-ci. Sauf qu'il me semble que les parents l'ont pris lorsqu'ils sont partis en vacance.

- Zut, fit la jeune fille blonde catastrophée. Mais pourquoi ils l'ont pris ?

- A ton avis ? Pour jouer avec, tiens ! Ils m'avaient dit qu'ils l'emmenaient pour leurs amis. Ils n'ont pas de Monopoly, et aimeraient savoir à quoi ça ressemble... A la place, on peut jouer au Cluedo et au Trivial Poursuite.

- Attends, le prévint sa petite soeur. Il faut d'abord vérifier qu'on les a... Je vais voir.

La jeune fille s'esquiva. Pendant ce temps, les personnes restantes placèrent la casserole et son collier au milieu de la table pour ne pas la quitter des yeux. Puis, en attendant la danseuse, ils se mirent à discuter. Une demi-heure plus tard, alors qu'ils débattaient sur les moyens de torture du Moyen Âge, Virginie, couverte de toiles d'araignée, revint en portant triomphalement des boîtes de jeu.

- Ah, te voilà ! se réjouit son grand-frère. Mais tu en as mis, du temps ! Tu étais où ?

- J'ai commencé par voir dans ta chambre. J'ai mis un peu de temps, car c'est le bazar.

Hubert éclata de rire. Son meilleur ami le fusilla du regard, et l'enseignant de latin et de grec donna un coup de coude à son frère pour lui intimer le silence. Puis la jeune fille blonde continua :

- Après, je suis allée voir dans le grenier. J'ai pris un peu de temps pour enlever la commode et la remettre, mais j'ai quand même fini par tout trouver.

- On commence par quoi ? s'impatienta Charles, manifestement pressé de commencer à jouer.

Ils passèrent quatre heures à se divertir ainsi, en alternant parties de cartes avec compétitons de Trivial Poursuite. Ils jouèrent également au Cluedo et aux dès. Mais, vers une heure du matin, ils en avaient plus qu'assez, des jeux de société. Paul demanda alors à ses amis s'ils avaient envie de visionner un film. Sa proposition fut acceptée à l'unanimité.

Virginie sauta tout de suite sur la table basse où les Janvier rangeaient leurs DVD. Elle se mit aussitôt à babiller :

- Nous avons... Tous les Harry Potter (tout le monde grogna. Ils avaient déjà lu les livres ou vu les films)... Après, on a quelques dessins animés...

- Comme quoi ? demanda Pierre. 

- Bah, des classiques... Tintin et Milou, Astérix et Obélix... On en a aussi quelques uns des studios Ghibli. Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro, Kiki la Petite Sorcière, Le Château dans les Nuages...

- Vous n'avez pas des animés ? réclama Hubert.

- Non, désolée.

- C'est pas grave, répondit-il.

- Tiens, s'exclama Charles et en saisissant une cassette. Vous avez Diamants sur Canapé... Et si on le regardait ? C'est un très bon film...

- Oui, si tu veux, accorda Paul. Pourquoi ? Tu veux le regarder ? C'est une bonne idée, on ne l'a jamais vu et les parents disaient que c'étaient bien...

- En fait, ricana Hubert, il est amoureux d'Holly Golightly...

- Eh, c'est pas vrai ! protesta le professeur particulier en devenant rouge comme une tomate.

- Si, insista son frère en riant. D'ailleurs, c'est pour ça que tu as appelé ta chatte Holly.

- De toutes façons, intervint Virginie, on peut voir le film. Moi non plus, je ne l'ai jamais vu.

Ils commencèrent à visionner le DVD. Environ une heure et demi plus tard, alors que le film s'achevait, l'horloge sonna trois heures du matin. Soudain, la sonnerie retentit. Tout le monde se figea aussitôt. Il n'y eut plus le moindre souffle, le moindre bruit dans le salon, à l'exception de le musique du générique de fin.

  - Qui peut bien sonner à une heure pareille ? s'inquiéta Virginie, replaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

  - Brunhild, évidemment, fit sombrement Mazarine. Comment on va faire ?

  - Ecoutez, dit Hubert. Virginie et Paul, vous restez ici pour surveiller le collier de Brunhild. Et moi, Charles et, Zaza, on va s'occuper d'elle.

  Tout le monde approuva. Hubert attrapa sa chère poêle à frire pendant que Charles s'agrippait à un parapluie déniché dans un placard. Mazarine, elle, ouvrit la serviette du professeur et en prit la corde en chanvre - ils l'avaient reprise à la voisine, avant de partir. En effet, ils l'avaient déligotées car la ficelle était trop épaisse pour être coupée, même par un couteau de boucher.

Paul et Virginie, quant à eux, se rapprochèrent un peu plus de la casserole qui contenait le collier - elle n'avait pas quitté les amis de la nuit. Ils convinrent que, si l'expédition n'était pas revenue dans quelques minutes, la fratrie devrait se cacher.

Puis le petit trio sortit. A mi-chemin du portail, Charles chuchota ses directives à ses jeunes compagnons :

  - Zaza, glisse-toi à côté de la porte. Quand je te ferais signe, tu l'ouvriras et je donnerai un coup de parapluie à Brunhild. Hubert et moi, on essaiera de l'immobiliser. Et ensuite, Zaza, tu la ligoteras avec ta corde. Ça marche ?

  Les deux autres firent oui de la tête, dociles. Au signal de Charles, la violoniste ouvrit donc la porte. Le professeur assena un immense coup de parapluie sur la personne qui venait d'entrer. Mais à la seconde suivante, il se rendit compte qu'il n'était autre que...

  - Mince, c'est Me Mordaume !

   Le corpulent avocat venait de s'effondrer par terre, et ne bougeait plus.

  - Charles, chuchota son jeune frère, tu n'as quand même pas tué ton élève !

  L'intéressé ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Heureusement, l'homme agressé ne tarda pas à reprendre ses esprit.

  - Me Mordaume, chuchota le professeur de latin-grec en se penchant sur son élève, comment allez-vous ?

  - A votre avis ? grogna celui-ci en se relevant. J'ai cru qu'il s'agissait d'une tentative d'assassinat ! Vous avez de la chance que je n'aille pas appeler la police ! Vous avez une curieuse façon de recevoir les gens, monsieur... Mais, vous êtes Charles Bourdeaux !

  - Quoi ? Non, ce n'est pas moi ! Vous vous trompez, je ne vous connais pas, Me Mordaume !

  Son petit frère se plaça devant le professeur, pendant que Mazarine demandait :

  - Qui est Charles Bourdeaux, monsieur ? Jamais entendu parler. A mon avis, c'est le coup que vous avez reçu sur la tête. Et restez pas allongé par terre, vous allez attraper froid ! Rentrez chez vous, vite, vite !

  - Bande de voyous ! hurla cependant l'homme. Vous en avez, des drôles de manières, d'accueillir les gens ! Je vais appeler la police, et...

  - Mais vous n'aviez qu'à pas venir ! s'écria Hubert. Que vouliez-vous faire, ici ?

  - Mais vous alliez réveiller tout le quartier, les jeunes ! J'étais à deux doigts d'appeler la police pour tapage nocturne !

  - Mais rentrez chez vous, alors ! trépigna Mazarine. A ce rythme, c'est vous qui allez le réveiller, le quartier !

  - Vous croyez vraiment que...

  - Mais oui, fit la jeune fille brune d'une voix qui se voulait apaisante. Maintenant, rentrez chez vous, faites-vous une tasse de thé, allez vous coucher, et demain, vous aurez tout oublié !

  - Mais, je trouve que...

  - Moi, rugit Hubert, jonglant de manière inquiétante avec sa poêle à frire, je trouve que vous feriez mieux de ficher le camp très vite ! Et laissez la police tranquille, il ne manquerait plus que ça ! Car ni vous ni moi n'avons envie de la voir, n'est-ce pas ?

  En voyant la poêle à frire, l'avocat prit ses jambes à son cou. Les trois amis le regardèrent détaler comme s'il y avait le feu, avant de rentrer chez lui. Enfin, Charles marmonna :

  - Quelle soirée... Mais bon débarras. Je crois que la première chose que je ferais, à la rentrée, c'est démissionner de chez Me Mordaume.

- Bonne idée, grommela son petit-frère. Maintenant, rentrons vite, ça caille, ici !

  Les trois compagnons de dépêchèrent de rentrer à leur tour. A trois heures du matin, à la fin octobre, même à Menton - c'est à dire, dans la Riviera -, le temps était évidemment glacial.

A l'intérieur de la villa, Paul et Virginie les pressèrent de raconter leurs aventures. En apprenant que Me Mordaume était l'un de leurs voisins, la fratrie ne put s'empêcher d'éclater de rire. Paul, hilare, s'exclama :

- Mais c'est quoi, ce quartier ? Nous avons une vieille folle qui fait de la magie, un avocat irascible... Mais Vivie, où habitons-nous !

- Ce n'est pas moi qui vous aie dit d'emménager là, grogna Charles.

Hubert allait ouvrir la bouche, mais Virginie le devança. Elle bailla :

  - Je me sens fatiguée... Vous êtes sûrs qu'on ne peut pas aller dormir ?

  - Non, répondit catégoriquement sa meilleure amie. Mieux vaut s'entourer de toutes les précautions. Mais on devrait peut-être se trouver une nouvelle occupation. Parce que sinon, je ne nous donne pas trois minutes pour roupiller.

  - T'as raison, approuva Hubert. On peut pas regarder un autre film ? J'en ai vraiment assez des jeux de société, et Diamants sur Canapé, je dois dire que c'est pas trop mon genre...

  - Ok, on se prend un autre film ! approuva Virginie en attrapant la télécommande. Tiens, j'y pense, fit-elle rêveusement, pourquoi, quand on prends la télécommande, on allume pas la télé du voisin ?

  - J'en sais rien, fit Mazarine. Tu veux que je regarde sur internet ?

  - Non, ça ira, répondit très vite Paul. Bon, vous voulez voir quel film ?

  - Un truc qui fait peur, répondit Hubert en s'étirant. Comme ça, on fermera pas l'oeil de la nuit et on ne risquera pas de s'ennuyer.

  - Ah, non, refusa son grand-frère. Si tu veux avoir peur, tu n'as qu'à penser à Mlle Wotan.

  Après plusieurs minutes de débat, ils choisirent de visionner Le Cercle des Poètes Disparus. Les amis prirent quelques boissons, puis passèrent près de deux heures à regarder le film. Alors que celui-ci aussi s'achevait, la sonnerie se mit à nouveau à retentir.

  - Vous croyez que c'est qui ? demanda Paul en regardant partout, comme s'il s'attendait à voir les personnages du film arriver.

  - C'est sûrement Me Mordaume qui trouve qu'on fait trop de bruit, bailla Virginie. Franchement, je crois que je ne vais plus supporter ce vieux grincheux.

- Moi non plus ! s'énerva Hubert. N'empêche, il a un sacré culot, de revenir nous voir ! Mais si c'est lui, je le renvoie chez lui avec des plumes et du goudron ! Il a décidé de passer sa nuit à nous embêter, où quoi ?

- Je vous avais prévenu, de ne pas parler aussi fort, soupira Charles.

- Tant pis, soupira Paul. Mais, bon, je vais le renvoyer au lit.

  Il sortit en baillant. Mais il revint cinq secondes plus tard en hurlant :

  - C'est pas Me Mordaume, c'est Brunhild Wotan ! Quand elle a vu que je l'avais reconnue, elle s'est mise à escalader le portail ! Fuyez ! Elle va arriver d'une minute à l'autre !

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