Pour habitude, elle part plutôt à 21h00. Il est déjà 21h08 et elle n’a même pas mis son manteau, ses gants, son bonnet ... Elle se dépêche.

Elle sort le vélo de l’appartement. fait tourner sa clé dans la serrure, descend les escaliers avec le lourd vélo sous le bras.

Elle appuie sur le petit bouton à droite de la sortie et tire sur la lourde porte en bois. Un vent glacial pénètre entre les murs tapissés et sous son manteau. elle a oublié sa grande écharpe rouge en laine. Elle se sent un peu idiote sur le coup. Néanmoins elle décide de partir tout de même et d’affronter le froid.

Elle se presse, elle s’impose cette heure d’arrivée au travail à 21h30. Pourtant elle a toute la nuit, elle pourrait se permettre quelques minutes pour son écharpe. Mais celle-ci est au deuxième étage et elle ne veut pas arriver après 21h30, elle ne réfléchit plus.

Elle avance puis freine, se met debout et fait craquer de tout son maigre poids les mécanismes du pédalier qui tourne et tourne. Elle observe et fait signe : les panneaux, les feux rouges, les piétons qui traversent et les voitures qui passent et laissent derrière elles une volute de fumée chaude et puante.

Sur son visage vient fouetter le vent. Il est véritablement glacial. Elle le sent qui ronge le bout de son nez et qui gratte ses lèvres. Il est vicieux et habile. Il frotte les yeux plissés dans la pénombre urbaine. Il roule autour du cou nu puis coule entre les omoplates. Il plante ses griffes et descend jusqu’en bas du dos. puis les hanches. Il lèche le ventre d’une langue froide comme la mort et qui en profite pour furtivement jouer avec le nombril et remonter ensuite. Plus haut la bouche de glace se referme d’un coup sec et mord la chair des seins sans ménagement. Elle s’ouvre et se referme, mord et relâche et mord à nouveau. L’air tournoie, là, sous les lourds vêtements d’hiver, trouvant sa partenaire de valse sans chercher pour autant à l’inviter.