Chapitre 3
Non, non, ne m’acclamez pas. Je sais combien votre bonne vieille Bianca vous manque, mais surtout, pas d’applaudissement, vous me mettrez mal à l’aise ! Si je commence ce récit, c’est que vous savez que j’ai des choses à vous dire… Alors bien sûr, je pourrais continuer l’histoire de notre cher Collègue, que l’on nommera de façon très originale : le Collègue. Sauf que voilà… Pour vous garder un peu près de moi (oui, j’ai besoin de vous, restez avec moi, soyez ma nouvelle relation toxique !), je me dois de vous parler de tous les aspects de ma vie… Enfin, de tous mes péchés… Oui, j’ai encore péché. Je sais ce que vous vous dites : « bon, première fois ça passe, on comprend cette attirance, on l’a lu, on a aimé, certes, on lui pardonne cet écart… Mais encore un autre ?! » Oui, je suis inarrêtable. Je suis dans un tourbillon de sentiment et une envie folle de vivre ma vie. En bref, je suis en crise de la trentaine. J’ai ce besoin de liberté, de vivre mes petites expériences à moi. Alors je mets tout de suite les bases : je sais que beaucoup se disent que c’est parce que je n’ai jamais connu personne d’autres dans ma vie que mon mari que j’ose me comporter comme ça, qu’il faut absolument plusieurs partenaires dans une vie pour être satisfait. Et bien permettez-moi de vous dire que vous avez tout faux. Et c’est la Bianca qui corrobore votre théorie qui vous dit ça, donc écoutez bien. Je pense que lorsque tout va bien dans son couple, que ce soit le seul homme que vous ayez connu, le 5ème, le 20ème (et non ce n’est pas beaucoup, chacun fait ce qu’il veut, vous et votre bodycount de merde là), que ça fasse 5 ans, 20 ans ou 50 ans, vous ne réagissez pas comme moi. Moi, il y a clairement un souci dans mon couple. Et bien que j’ai tout fait pour arranger ce souci, le réparer, maintenant que j’ai ouvert cette porte du péché, j’ai peur de ne pas parvenir à la refermer.
Je vous mets un suspens intenable non ? Mais voilà… J’ai rencontré quelqu’un d’autre. QUOI ? QUI ? OU ? Oui j’attends ces réactions de vous. Et ça me fait un bien fou d’avoir rencontré cette nouvelle personne pour la bonne et simple raison que ça me permet de libérer ma tête de la toxicité du Collègue, bien que l’on sait très bien qu’à la minute où il m’écrira, je sauterai sur mon téléphone pour lui répondre. Donc le nouveau venu, car c’est un garçon, et je précise cela car vous n’êtes pas au bout de vos surprises dans tout ce qui m’arrive. On va l’appeler l’Italien. Oui, vous me connaissez maintenant, je fais toujours dans l’originalité, je suis comme ça moi, une personne originale, spontanée. Vous l’aurez compris, il est italien. Comment l’ai-je rencontré ? Ah, comme j’aimerai vous répondre que j’étais en voyage à Rome, et lorsque j’étais en train d’admirer le Colisée, je me suis faite percutée par un coureur, me voilà à terre, le coureur s’en va mais lui arrive avec son langage merveilleux pour me demander comment je vais avec un « bella ragazza » à la fin de chacune de ses phrases… Mais pas du tout, vous vous en doutez.
Déjà, parce que je ne suis jamais allée à Rome alors qu’il s’agit d’un de mes rêves absolu, et ensuite parce que la vie n’est pas si belle et romantique. Non je suis tout simplement allée au restaurant italien dans une ville proche de chez moi, car qu’est-ce qui est meilleur qu’une pizza per favore ? Niente ! Bon, on a fait le tour du vocabulaire que je connaissais, place à la suite maintenant. J’étais dans ce restaurant avec une copine, on discutait de tout et de rien (du Collègue), conversation simple, charmante (« et alors là, il a commencé à insérer son doigt… ») Et sur ces entrefaites, le voilà qui se présente à notre table pour nous amener nos pizzas. Je salivais d’avance, au point que je n’ai pas remarqué tout de suite l’incroyablement beau spécimen devant nous. Et oui, Bianca et la nourriture, première histoire d’amour de sa vie. Je mange, il revient une première fois pour nous changer la bouteille d’eau, sans qu’on ait à demander. Je le regarde, lui sourit pour le remercier, et reste assez con devant ce regard brun, cette barbe recouvrant ce visage bronzé, et ce sourire à tomber par terre. Je détourne immédiatement le regard, perturbée comme pas possible. Non, comment après le Collègue je pouvais encore rencontrer un homme avec un regard pareil ? Ils s’étaient tous donné le mot ou quoi ? Aurais-je crié trop fort « je suis attirée par les hommes au physique méditerranéens » et ils se seraient tous précipités ?
Il revient une troisième fois, cette fois pour nous demander comment on trouve nos plats. J’aurai aimé être la meilleure version de moi-même, seulement voilà, j’étais en train de décortiquer la pâte à pizza comme je fais toujours en prenant la mie à l’intérieur, la fourrant dans ma bouche avant de finir par manger l’extérieur de la croute. Me voilà donc la bouche pleine, les mains dégueu, en train de lever une fois de plus les yeux sur cet homme d’un charme incroyable. J’hoche la tête, et fait un signe avec mon pouce pour faire passer mes meilleurs compliments à cette pizza que je mangeais. Il repart avec un sourire, se retourne une fois, lève un sourcil, sourit de plus belle, et continue son chemin. Et là, en cet instant, j’ai l’image mentale de ma tête, pleine de farine et de tomate, la bouche pleine, avec mon vieux pouce en l’air pour dire que c’est bon. Je crois que je n’ai jamais eu aussi honte de ma vie. Je regarde mon amie et m’aperçoit qu’elle rit tellement qu’elle se tient le ventre. Dieu merci, le ridicule ne tue pas. Donc vous pensez bien qu’après cet épisode, j’étais à mille lieu de me dire que j’aurai pu plaire à l’Italien, même si lui m’avait tapé dans l’œil. On passe au dessert, et en voyant la liste, je me suis dit que j’allais vraiment perdre toute dignité en mangeant les buns de pâte à pizza à tremper dans de la pâte à tartiner. Le choix était cornélien : la dignité, ou la gourmandise ? Vous commencez à me connaître non ? Bien entendu que j’ai choisi la gourmandise. Et puis après tout, qu’est-ce que ça pouvait me faire de plaire à cet homme ? J’avais déjà deux hommes à ma disposition qui en avait rien à faire de moi, j’allais pas en rajouter un troisième. Ma vie était bien assez compliquée comme ça. Seulement voilà, lui ne l’entendait pas de cette oreille. Après le dessert, apporté par lui, et dégommé par moi quasiment seule, mon amie étant une lâcheuse de première, je me dirige vers les toilettes. J’essaie de ne pas trébucher, pour garder le dernier dixième de dignité qu’il me restait, et je me tiens droite, je rentre le ventre autant que possible après la dose astronomique de nourriture que je viens de manger et je vais aux toilettes. Je me sens observée, mais je n’ose pas tourner la tête. Je me sens d’abord belle, puis après je me dis avec horreur « j’ai du chocolat partout ? ». Arrivée devant le miroir, je me rends compte que non. Je ne me sens pas belle pour autant, les gens nous observent pour diverses raisons, et la beauté n’en fait pas toujours parti.
Je sors des toilettes, les mains encore mouillées car je déteste ce machin qui souffle de la chaleur. Je tombe alors nez à nez avec lui. Enfin nez à torse car il est bien plus grand. Je sais, on devrait arrêter de stigmatiser les femmes plus petites que les hommes pour dire qu’un homme est attirant que s’il est grand… Mais je suis navrée, même si j’aime ne pas mettre les gens en difficulté, je suis attirée par les hommes plus grands que moi. Et je suis pas vraiment petite. Il me sourit encore, je lui rends son sourire, mal à l’aise. Je n’ose pas bouger, est-ce qu’on s’est croisé car il voulait aller aux toilettes, est-ce qu’il m’attendait ? Alors il me tend un papier, et dessus, devinez, il y a quoi ? Comme j’aimerai briser vos rêves et vous répondre « la note », mais non, vous avez raison, il y avait son numéro de téléphone. D’un coup, j’étais transportée dans un film des années 2000 où on donnait un numéro comme ça sur papier, avec un simple sourire et pourquoi pas la phrase prononcée avec toute la sensualité du monde « call me ». Je saisi le papier avec mes mains mouillées, priant pour que l’encre ne s’enlève pas, je le remercie (pourquoi ? Pourquoi est-ce que je dis merci ? N’étais-je pas déjà assez ridicule ?) et je retourne m’asseoir, sentant bien son regard, sans trop de doute cette fois, me détailler de dos. Je mets le numéro dans ma poche, comme pour oublier ce qu’il vient de se passer. Je n’ose pas en parler à ma copine. Tromper mon mari avec un homme au travail c’est une chose, c’est un appel à l’aide, c’est une bonne personne qui se cherche et qui se perd. Mais là, envisager d’écrire à un serveur d’un restaurant, c’est être complètement perdue, le savoir et continuer à s’enfoncer dans la forêt sans savoir où ça va me mener… Est-ce que je vais le faire pour autant ? Bien sûr. Je suis en roue libre je vous dis.
On paye, je ne le recroise plus, et on part. On rentre chez nous, chacune de notre côté, et j’ai l’impression de sentir le papier contre moi dans ma poche, comme s’il brulait d’envie que je le regarde. Sauf que mon anxiété prend le dessus : et si c’était une blague ? Que c’était pas du tout son numéro mais celui d’un autre gars, rien à voir et que je m’emballe ? Parce que des connards qui sont capables de faire ça, ça existe. Donc je dois rester prudente. De toute façon je suis toujours prudente. A peine rentrée, et seule chez moi, je m’installe dans le canapé, entourée de mes chiens ravis de me voir. Après la caresse habituelle, je sors le papier de ma poche, rentre le numéro et écrit « salut… Ou Ciao ? » Non mais exactement, pour qui je me prends, vous avez raison ! Sauf que la réponse est quasi immédiate « Ciao si tu veux, mais salut ça va bien aussi » avec un smiley clin d’œil. Anxiété le retour : s’il travaille dans un restaurant, comment peut-il me répondre immédiatement comme ça ? Je regarde l’heure, 15h. Ah, aurait-il fini ? « Je suppose que tu es la ragazza du restaurant ? » Heureusement que je sais ce que veut dire ragazza et je me moque un peu de lui dans ma tête. Comme s’il ne savait pas dire « fille », un des mots le plus courant de la langue française. Il voulait rajouter un effet, me refaire sentir qu’il était italien. Et est-ce que j’ai aimé ça ? Oui. Toujours attirée vers les mêmes types de mecs toxiques moi, je vous le dis.
Je réponds que c’est bien moi, et lui demande pourquoi il a voulu avoir mon numéro. Ouais, j’y suis pas allée de main morte. Au bout d’un moment, autant poser les questions rapidement, pour être sûre. « Parce que tu m’as plu ». Han, trop chou. Mais je suis mariée mon gars. Et je m’apprêtais à lui dire lorsque je reçois « t’es mariée ? » Encore une fois je vous épargne les fautes d’orthographe. Je lui réponds que oui, sans rien dire d’autres. J’ai peur de le mettre en insécurité, mais je suis également en insécurité donc chacun sa merde. « J’ai vu ton alliance. Je suis marié aussi. Ça fait longtemps toi ? » Et aller, encore un homme marié. On s’attire entre gens pas satisfaits dans notre couple ou ça se passe comment ? Je lui réponds que je suis mariée depuis un an mais en couple depuis 15. Il me répond que j’ai dû me mettre en couple jeune et « c’est pour ça que tu prends le numéro d’un inconnu dans un restaurant ? » avec un smiley qui tire la langue. Je lui réponds « non, je pensais que tu allais me proposer des pizzas à vie dans le restaurant », trop drôle vous trouvez pas ? Lui il a ri en tout cas, vous, vous êtes pas drôle. On se met donc à parler toute la soirée. La conversation ne dérape pas, du moins pas frontalement, pas comme avec le Collègue. C’est subtil, au point qu’on se demande si c’est vraiment ça, si on a vraiment compris le sens, ou si on a un esprit tordu. On se dit bonne nuit, et je vais me coucher. Et cette fois, la culpabilité est là.
J’ai l’impression de prendre un truc dont je n’ai pas besoin. Je suis quelqu’un comme ça moi, dans l’économie extrême de tout, je rationne mes portions de jus d’orange le matin pour en avoir assez pour la semaine, je ne m’achète pas de vêtements si j’en ai assez ou culpabilise si j’achète des trucs dont je n’ai pas besoin, je n’achète rien si j’en ai pas besoin. La nourriture, les vêtements, les soins, les plaisirs, tout ça rentre dans la même case. Alors là, après avoir vu comment j’étais traitée par le Collègue, je me disais que je n’avais pas besoin d’une nouvelle relation. J’avais besoin de me concentrer sur la mienne, de sauver mon couple ou de le terminer, mais d’arrêter cet entre-deux. C’est ce que je me suis répétée toute la nuit, en tournant toute seule dans mon grand lit. Vous vous demandez où était mon mari ? En déplacement professionnel. J’ai finalement trouvé le sommeil, mais une fois réveillée, en allumant mon portable, le message que je souhaitais le plus s’afficher n’était pas celui de mon mari… Mais celui de l’Italien. Et il était là ce message. Il me demandait si j’avais bien dormi. Je lui ai demandé directement « ah, tu ne peux plus te passer de moi, ça y est ». Non mais des fois, je suis choquée moi-même par mon toupet. Il rit et me répond « ça doit être ça, alors que je t’ai vu une fois, et même pas vraiment parlé. Mais j’ai compris maintenant, pour te voir, il faut te proposer de manger. Une pizza de préférence, non ? » J’aime son humour, j’aime sa façon de noter les détails. Et là, je le comprends, oui parce que j’étais encore dans le déni, je ne plaisantais pas quand je disais que c’était mon deuxième prénom, je suis dans la merde.
On a passé la journée à parler, et cette fois, la conversation s’est axée plus franchement sur le sexe. On a pris des détours bien sûr « et toi, t’es satisfait dans ton couple ? » « tu quitterais ton mec ? » « tu manques de quoi exactement ? » et nous voilà en train de nous raconter nos envies. A vrai dire, je suis rassurée qu’il soit marié, comme le Collègue. Car il y a moins de risque qu’ils veuillent briser mon couple, si eux-mêmes sont en couples. Ils brisent, je brise, c’est un contrat tacite entre nous. Il m’envoie une photo. Je n’ose pas l’ouvrir, je suis mal à l’aise, je rougis avant même de la voir. C’est une photo de lui, torse nu, visiblement au sport. Ma mâchoire se décroche. C’est une plaisanterie, moi cette fille banale a attiré un mec foutu comme ça ? Il me dit « à toi ». J’explose de rire, s’il voyait ma tête à l’instant T, il ne me demanderait pas de photos. Mais l’avantage des photos, c’est que ça se met en scène. Je cours dans ma chambre (j’adore courir au sein de ma maison, pas vous ? Pas dehors hein, mais de pièce en pièce… Je suis une grande enfant en fait), je me remets en tenue de sport, la même que pour le Collègue pour ceux qui ont lu et se rappellent. Pourquoi faire différemment, elle a plu une fois, pourquoi pas deux. Je fais une photo, on voit le bas de mon visage qui sourit d’un air que je voudrais entendu, et mon corps dans mon legging, mon ventre et son piercing, ma veste courte.
Il me demande ce que je fais comme sport. Je lui réponds que je me muscle chez moi, ce qui est vrai, même si ça fait plusieurs jours que je n’avais rien fait. « Bon, c’est bien toutes ces conversations, mais est-ce qu’on ne passerait pas aux choses sérieuses ? » Je lui réponds « t’as une idée en tête ? » Il me réponds qu’il aimerait qu’on se revoit, tous les deux. Je suis à deux doigts de lui demander s’il y aura une pizza, mais je ne veux pas gâcher ce moment qui me fait l’effet d’avoir des fourmis dans le bas ventre. Je lui réponds que je veux bien le revoir, mais où ? Il me réponds en ville, boire un verre, se promener… Je me dis que c’est dangereux, on peut croiser des gens qu’on connait, et je lui soumets cette hypothèse. Il rit, et me dit « ah parce que tu comptais coucher avec moi dans la rue ? » Je rougis, je ne sais plus où me mettre. Il a raison, un homme et une femme qui boivent un verre et qui marchent, ça ne veut rien dire. Et moi j’ai tout de suite imaginé le scénario d’ensuite. Je n’ose plus répondre, mais il reprend les devants « t’inquiète pas, c’est juste pour discuter » alors je réponds que oui, c’est une bonne idée. Demain ? Demain. 15h ? 15h. Est-ce que j’ai dormi cette nuit-là ? Absolument pas. Vous me connaissez bien maintenant. Et pendant ce temps-là, 0 nouvelle du Collègue. Et pourtant on a fait des choses ensemble, encore, au travail. Mais ça fera l’objet d’une autre histoire, pas de panique. Donc pas de nouvelles de lui. Ce qui me poussait encore plus dans les bras de l’Italien. Et j’avais presque envie de le croiser dans la rue près de l’Italien, pour bien lui faire comprendre que d’autres personnes me donnent de l’attention si lui n’en est pas capable. Pendant qu’il m’ignore, d’autres me trouvent belle et attirante. Mais à mon avis, ça lui ferait ni chaud ni froid. Vous voyez, je ne l’oublie pas…
Lendemain. Je suis réveillée, je suis en proie à la question la plus compliquée de la journée : que mettre. J’ai peur d’avoir froid, d’avoir chaud. Je veux mettre ce pantalon, ah non il va pas avec cette veste, alors je change de veste, ouais mais je vais avoir trop chaud, bon bah cette jupe alors, ouais mais elle va qu’avec ces chaussures, ça va faire mal aux pieds non ? Vous connaissez la rengaine, on y passe des heures pour au final s’habiller comme d’habitude, se coiffer comme d’habitude et se maquiller comme d’habitude. Je pars de chez moi, la boule au ventre. C’est le moment de vérité, était-ce une blague ? Est-ce que mon mari m’attend en ville avec une pancarte « la connasse du coin » ? Mais non, lorsque j’arrive au lieu de rendez-vous, c’est bien lui. Je le trouve adossé à un mur et je me dis que vraiment, on est dans un film. Autant je me donne un genre, mais pardonnez-moi, qui attend des gens adossé à un mur ? Personne merci. Bref, j’arrive, je lui fais la bise. Il sent bon. Hop, nouvelle odeur enregistrée dans mon palmarès. Il me conduit dans un café, et me propose de prendre ce que je veux. Oui j’aurai pu me lâcher, mais j’avais toujours la boule au ventre, mon anxiété ne voulant pas me lâcher la grappe en me répétant sans cesse « de quoi on va parler ? Qu’es-tu en train de faire ? T’as pensé à ton mari, le pauvre ? » Je commande un smoothie pour me donner du peps. Il prend un café noisette. Aucune idée de ce que c’est, j’aime pas le café. Heureusement, il commence la conversation. Elle est plutôt fluide, mais interrompue à certain moment par des regards. Des regards que je ne suis pas en capacité de soutenir longtemps. Je sens l’habituel appel du bas-ventre, et me rend compte qu’il me fait autant d’effet que le Collègue. Et il s’en rend compte. Et ça m’agace mais dans le bon sens. Car je vois qu’il n’est pas du tout indifférent à moi non plus. Alors pour rétablir l’équilibre, car j’en ai marre de subir son charme, je me lève pour aller aux toilettes, je le frôle pour passer tout en le regardant dans les yeux et en souriant, et je m’éloigne. Puis je me retourne et voit qu’il me regarde. Je souris encore et continue mon chemin.
En revenant, il avait tout payé, le gentleman, et il m’attendait à la porte. On sort marcher au soleil, on discute un peu, mais on est tendu. Chaque frôlement, chaque regard apporte une touche de tension en plus. On s’éloigne des rues bondées, on flâne, on regarde autour de nous. Mon bras frôle le sien, sa main se glisse dans mon dos pour m’indiquer qu’il faut traverser. Nos regards se croisent encore, inlassablement… Et là, sans crier gare, il me pousse dans une ruelle attenante, apparemment déserte. Je sens ses mains me saisir le visage et ses lèvres se presser contre les miennes. Je suis surprise, mais je ne me retire pas. La tension était à son comble et ça devait arriver. Je sens le goût du café mais ça ne me dérange pas. On se laisse entrainer dans notre passionnant baiser, je suis maintenant contre le mur écrasée par le poids du désir de le mettre nu, là tout de suite. Mais on ne peut rester inlassablement ici, c’est dangereux. Il s’arrête, s’écarte un peu de moi, coince une de mes mèches derrière mon oreille, presque à bout de souffle, et me dit « je m’arrête sinon je pourrais te baiser là tout de suite contre ce mur ». J’avale ma salive, incapable de répondre sur le moment. Puis je souris, il me demande ce qu’il y a, et je lui réponds par un haussement d’épaule. Dommage qu’on soit en pleine rue alors. « Tu habites loin ? » Je lui réponds que je suis à 20 minutes en voiture. Et que de toute façon, mon mari rentre le soir même. Il me dit que lui aussi, sa femme est à la maison. Alors il fallait que ça s’arrête là pour cette fois. On se sépare, on rentre chez nous, chacun de notre côté, la tête pleine de ce premier baiser fougueux. Comparé au Collègue, il n’a pas chercher à me toucher, il s’est juste pressé contre moi, et c’était presque frustrant de n’avoir comme souvenir que le goût de ses lèvres et son odeur.
En rentrant, je me lave, met au sale mes vêtements du jour. Mon mari n’allait pas tarder, et il ne devait se douter de rien. Finalement, l’Italien me fait le même effet que le Collègue. Je ne culpabilise pas d’avoir fait ce que j’ai fait, car j’en avais très envie. Et puis on parle de sexe uniquement, pas de sentiments. Tous mes sentiments sont concentrés sur lui, et lui seul. Il est mon meilleur ami, mon mari. C’est étrange que je dis ça n’est-ce pas ? Vous êtes mal à l’aise ? Je comprends. Mais je suis perdue, je vous assure, je ne le fais pas exprès. Je ne fais rien pour ne pas le faire, je suis d’accord avec vous, j’ai 0 volonté d’arrêter mais ça, je l’ai dit dès le début. Et d’ailleurs, comme après le premier épisode avec le Collègue, je me sens vivante, belle, attirante, libre. C’est ma vie, c’est mes choix et ils me plaisent. Mon mari rentre, et nous sommes enchantés de se revoir. Finalement, mon désir sexuel a été pour lui, et ne pensez pas que lorsque je couche avec mon mari, je pense aux autres. J’ai réussi à tout compartimenté dans ma tête et lorsque je suis avec lui, je ne suis avec personne d’autres. Ce qui aide au fait que je ne culpabilise pas. Je suis entièrement à lui lorsque je suis avec lui. Et lorsque je suis seule, je suis à moi et à moi seule.
Il s’endort à côté de moi, et je veux éteindre mon portable. Je regarde mon écran de verrouillage et je vois un message. Le cœur battant je déverrouille mon téléphone et… Le Collègue m’a réécrit. Est-ce que j’ai répondu dans la minute comme j’ai dit que je le ferai ? Oui.
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