Chapitre 1: Création
La vie dans l’espace est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre depuis bien des années. On se fait souvent la réflexion que parmi toutes les planètes qui existent dans notre univers, il serait absurde que la Terre soit la seule qui abrite la vie. D’ailleurs, on se demande aussi à quoi pourraient ressembler les formes de vie extraterrestres, si elles existent vraiment. Et que penseriez-vous si je vous disais qu’on peut affirmer avec certitude qu’il y a de cela longtemps, des extraterrestres appelés les Ké peuplaient une planète assez proche de la nôtre ? Ils étaient très semblables à des êtres humains, mais étaient de très petite taille. Ces petits êtres très particuliers avaient également des pouvoirs magiques. On dénombrait au total sept races de Ké et chacune d’entre elle maitrisait un type de magie différent. Tout d’abord, il y avait les Ké verts, qui avaient des pouvoirs en lien avec la nature. Ensuite, les Ké rouges qui maitrisaient le feu, ainsi que les Ké bleus foncés qui maitrisaient l’eau. Il y avait aussi les Ké bleus clairs qui maitrisaient la glace et les Ké jaunes qui maitrisaient l’électricité. Les Ké roses quant à eux avaient des pouvoirs psychiques et enfin les Ké gris maitrisaient une magie extrêmement puissante qui était extrêmement difficile à définir. Quoi qu’il en soit, ils étaient souvent placés à la tête de la société en raison de l’étendue de leur pouvoir.
Tout ce petit monde vivait en harmonie jusqu’au jour où un drame arriva. Leur planète fut attaquée par les Stareþran (lit. : mangeurs d’étoiles), des monstres sanguinaires qui se déplacent de planète en planète pour y éradiquer toute forme de vie pour ensuite manger ce qu’il reste des étoiles qu’ils ont rasées. Les Stareþran avaient un corps longiligne et étaient dépourvus d’yeux, de bras et de jambes. Leur corps étaient composés d’une matière étrange de couleur grise et ils possédaient une bouche avec des dents pointues. Les Ké qui étaient des créatures assez courageuses ont tenté de résister autant qu’ils pouvaient mais leur effort était futile. Leur population diminuait à vue d’œil et bientôt il n’allait plus rien rester de leur chère planète.
Au bout d’un moment, les ravages dans la population des Ké étaient tels qu’il ne restait plus qu’un Ké de chaque race. Le dernier survivant des Ké gris qui avait été nommé chef du gouvernement devait faire de son mieux pour trouver une solution et éradiquer la menace qui planait sur sa planète. Cependant, comme il savait que toute résistance était vaine, la seule chose qu’il pouvait proposer était de partir et de déménager sur la planète la plus proche. Délaisser l’étoile sur laquelle ils avaient passé toute leur vie était une tâche difficile pour tous les Ké, mais ils comprenaient que c’était la meilleure chose à faire s’ils ne voulaient pas compter plus de pertes dans leurs rangs.
Les derniers survivants des Ké se mirent donc en route vers notre belle planète bleue, puisqu’il s’agissait de la plus proche de chez eux. Lorsqu’ils arrivèrent, ils atterrirent sur une petite île inhabitée en pleine mer du Nord, située non loin de l’Allemagne et du Danemark. C’était un petit havre de paix où les Ké savaient que personne ne viendrait les déranger. Il y avait toutefois un problème : ils n’étaient pas éternels et le savaient très bien. Ils devaient donc trouver un moyen d’assurer la pérennité de leur espèce. Le problème c’est que même s’ils étaient sept, il ne restait plus qu’un représentant de chaque race et même si toutes les races étaient compatibles entre elles à la reproduction, chaque Ké ne pouvait maitriser qu’un seul type de magie. De ce fait, si deux des Ké survivants concevaient un enfant ensemble, la magie d’un des deux parents seraient tout de même vouée à disparaitre. De plus, certains des Ké étaient bien trop âgés pour se reproduire.
Il restait une solution : les Ké avaient la faculté de transmettre leur magie à d’autres créatures si certaines conditions étaient remplies. Cela était le moyen idéal pour eux de laisser une empreinte de leur code génétique sur cette planète et d’assurer la pérennité de leur espèce d’une certaine manière. Cependant, cela avait un prix : lorsqu’un Ké transférait sa magie à une autre créature, il devait mourir en contrepartie.
Les Ké partirent alors en exploration dans les pays voisins pour trouver les réceptacles idéaux pour leur magie. Ils visitèrent l’Allemagne, le Danemark et un peu la Norvège et en vinrent à la conclusion que parmi toutes les créatures habitant cette nouvelle planète, les humains constituaient des successeurs idéaux, non seulement car ils avaient une morphologie assez proche de celle des Ké, mais aussi parce qu’ils semblaient régner en maitre sur la Terre. La mission des extraterrestres était désormais de trouver sept humains, un pour chaque type de magie. Cependant, pour que la transmission fonctionne, il fallait que ces humains aient des caractéristiques adéquates au type de magie dont ils allaient hériter.
Comme héritière de la magie verte, ils trouvèrent une jeune femme du nom de Grunka. Elle était très douce et aimait la nature. Comme digne successeur des Ké rouges, ils choisirent un homme au tempérament explosif du nom de Ródrík. Pour la magie bleue, ils choisirent une femme au tempérament très calme nommée Blavka et pour la magie jaune, un jeune homme plein d’énergie répondant au nom de Jelman. L’héritière de la magie rose quant à elle, s’appelait Rosa. Il s’agissait d’une femme dotée d’une intelligence phénoménale. Pour ce qui était de la magie bleue claire, son héritier allait être Ísrík, un jeune homme qui était très doué pour dissimuler ses émotions. Enfin, l’héritier de la magie grise se nommait Olav. C’était un homme assez complexe au passé douloureux qui avait été contraint de tuer un de ses frères pour protéger le reste de sa famille. Cette expérience l’avait traumatisé et continuait de le hanter bien des années plus tard. Il ressentait une extrême culpabilité et ne pouvait s’empêcher de se voir comme un meurtrier.
Les Ké enlevèrent tout ce petit monde et quelques autres personnes supplémentaires qu’ils emmenèrent sur la petite île déserte qui leur servait de nouveau foyer. Lorsque les otages se réveillèrent, ils furent tous pris par la surprise lorsqu’ils virent qu’ils étaient ligotés et perdus au milieu de nulle part, entourés de créatures humanoïdes qu’ils n’avaient jamais vues de leur vie.
-C’EST QUOI CET ENDROIT ? VOUS ÊTES QUI, VOUS ? VOUS AVEZ INTÉRÊT À NOUS LIBÉRER, SINON, JE VOUS ECLATE LA TRONCHE, BANDE DE MINUS ! Hurla Ródrík qui, comme à son habitude, bouillait de rage.
Le dernier des Ké roses soupira en constatant l’état de rage dans lequel s’était mis le jeune homme aux cheveux rouges coiffés en pointe vers le haut.
-Je vous conseille de vous calmer si vous ne voulez pas avoir de problèmes, jeune homme. Sachez que nous ne voulons aucun mal, mais que nous n’hésiterons pas à nous défendre si nous nous sentons menacés.
-Cette drôle de créature a raison. Il est important de garder son calme en toutes circonstances si l’on veut s’en sortir. Si on s’agite, on risque juste de les agacer et ça va mal finir, approuva une fille à la peau pâle et aux cheveux bleus foncés. Il s’agissait de Blavka.
Alors que tout le monde était terrorisé mais faisait de son mieux pour le dissimuler, un jeune homme de noir vêtu aux cheveux blonds mi-longs affichait un large sourire et ne montrait pas une once d’inquiétude. Ce jeune homme, c’était Jelman.
-Oh hé, les créatures bizarres-là. C’est quand que vous comptez nous relâcher ? J’ai besoin de bouger moi. Je m’ennuie ! Je veux faire mon sport, mais ces cordes m’en empêchent. Au fait, c’est quand qu’on mange, parce que j’ai la dalle, hein ! J’espère qu’il y a de la bonne bouffe ici. Franchement, sans vous mentir, là j’aurais bien besoin d’un bon morceau de saumon avec une petite chope d’hydromel. Au fait, c’est marrant, mais vous êtes tout petits, hihi. Faut manger plus de soupe pour être grands et forts, hein. Au moins ça vous rend mignons, c’est rien ! On aurait presque envie de vous adopter tellement vous êtes chou…
-Oh ! Quelle plaie, faites-le taire, c’est une vraie machine parlante, râla le Ké rouge.
-Franchement, libérez-nous, par pitié ! Si je passe encore une minute de plus sur cette île en compagnie de ce taré, je crois que je vais péter un câble.
-Euh, chef, vous croyez vraiment que c’est une bonne idée de confier l’avenir de notre espèce à des énergumènes aussi stupides et immatures ? Demanda un Ké rose inquiet à l’adresse du Ké gris.
-Ne t’en fais pas. Je sais ce que je fais, tout ira bien, le rassura-t-il.
Parmi les rangs des humains, une femme aux longs cheveux verts qui portait une robe blanche ainsi qu’une couronne de fleurs assortie autour de son crâne semblait fascinée par les Ké, qu’elle n’avait jamais vus.
-Je suis tout de même vachement intriguée. Je n’ai jamais vu de créatures comme vous dans le coin. Le fait que vous parliez notre langue et nous ressembliez autant m’intrigue tout particulièrement. La nature est tellement fascinante, quand même. Elle regorge tellement de surprises que même lorsque vous croyez tout en connaitre, vous découvrez de nouvelles choses. Auriez-vous l’amabilité de vous présenter ? Demanda Grunka, toujours émerveillée.
Le Ké gris se racla la gorge, avant de prendre la parole.
-Nous avions justement l’intention de nous présenter, mais ce n’est pas facile d’en placer une quand on a affaire à une machine parlante et un colérique. Si nous parlons votre langue, c’est uniquement car nous l’avons apprise sur le tas. Nous sommes les Ké et nous venons d’une planète voisine. Malheureusement, notre maison a été détruite par des monstres sanguinaires appelés les Stareþran. Il ne reste plus rien. Nous avons tous perdu notre famille et nos amis. Nous sommes les derniers survivants ! Pour sauver notre peau, nous avons donc dû abandonner notre planète et déménager. C’est ainsi que nous sommes arrivés sur Terre.
Pendant qu’il expliquait, le petit extraterrestre avait les larmes aux yeux en repensant aux souvenirs de sa planète et de sa famille.
-Oh mon Dieu ! C’est tellement tragique. Je suis désolée d’apprendre qu’une chose si terrible vous soit arrivée. Pauvres petites choses ! Si je pouvais faire quoi que ce soit pour vous aider, je le ferais, s’affola Grunka.
-Hé ! T’es sérieuse là ? Je te signale qu’ils nous retiennent en captivité ! C’est pas le moment d’être aussi sympa avec eux, s’indigna Ródrík.
-Euh, vous pouvez répéter votre histoire ? J’étais un peu distrait par un papillon qui passait, je suis désolé, intervint Jelman.
Le Ké gris poussa un soupir.
-Votre histoire est vraiment triste, mais ça n’explique toujours pas pourquoi vous nous retenez ici, intervint une femme dans la foule.
-Une minute, j’allais y venir. La plupart d’entre nous sommes trop âgés pour avoir des enfants et même si certains d’entre nous le faisaient, la majorité des sept races qui composent notre espèce disparaitrait. Cependant, nous pouvons transmettre nos gênes à d’autres créatures en échange de notre vie. Comme nous sommes sept, nous avons donc désigné sept personnes parmi vous pour être nos successeurs directs. Ca vous tente ? Reprit le Ké gris.
-S’il n’y a que sept élus, pourquoi vous avez ramené autant de monde sur cette planète ? S’interrogea une femme aux longs cheveux mauves. Il s’agissait de Rosa.
-Pour que vous puissiez vous reproduire entre vous et ainsi assurer la transmission de nos gênes de génération en génération, pardi !
-Oh, est-ce que je fais partie des élus moi ? Demanda un homme parmi les otages.
-Non ! Selon ma liste les individus qui hériteront de nos gênes se nomment Ródrík, Ísrík, Rosa, Grunka, Blavka, Olav et enfin, Jelman.
-Hourra, il a dit mon nom ! Se réjouit le blond.
-Hé ! C’est une blague ou quoi ? Pourquoi vous avez choisi un idiot comme lui ? S’indigna l’homme qui avait la posé une question plus tôt pour savoir s’il faisait partie des élus.
-Et on a quoi à y gagner ? Demanda Blavka.
-Vous avez tout à y gagner ! Nous ne vous l’avons pas dit, mais chacun d’entre nous possède des pouvoirs magiques d’une nature différente. Lorsque nous vous transmettrons nos gènes, vous hériterez de ces pouvoirs magiques et les transmettrez à votre tour à votre descendance. Vous serez les seuls êtres sur votre planète à maitriser la magie. Puis, ce bout de Terre sur lequel vous vous trouvez vous appartiendra et vous pourrez en faire ce que vous voulez. Vous pourrez fonder toute une nation. Aussi, votre descendance vous élèvera au rang de Dieux et vous vénérera. Et même vous, qui ne faites pas partie des élus, si vous avez des enfants avec une des sept personnes que nous avons citées, ceux-ci hériteront systématiquement de pouvoirs magiques. Des pouvoirs, une île rien que pour vous et un statut de Dieu, pour beaucoup, cela serait une vie de rêve. Cela me semble un bon marché, n’est-ce pas ? Poursuivit le Ké gris.
-Oui bien entendu, c’est assez alléchant, mais peut-on vraiment vous faire confiance ? Vous débarquez de nulle part pour nous enlever et nous séparer de nos familles sans même nous demander notre avis, puis vous nous promettez monts et merveilles. Il y a clairement anguille sous roche, répondit Rosa méfiante.
-Quelqu’un a parlé d’anguille ? Miam ! J’ai faim ! S’exclama Jelman. Cependant, tout le monde l’ignora.
-Je comprends que vous ayez du mal à nous faire confiance. Cependant, sachez que nous vous transmettons ces pouvoirs en échange de notre vie. Voilà de quoi réfléchir. Aussi, voici une preuve que nous maitrisons la magie, tenta de les convaincre le Ké vert en envoyant une puissante rafale de feuilles tranchantes dans les airs à l’aide de ses mains. Tous les humains regardaient le spectacle, bouche bée.
-D’accord, je vous crois pour la magie, mais j’ai toujours quelques réserves quant à vos intentions. Je ne suis pas si facile à acheter, vous savez. Qu’est-ce qui nous dit que vous n’allez pas justement utiliser cette magie contre nous, répliqua l’héritière de la magie rose.
Parmi les rangs des otages, Olav, un homme d’une quarantaine d’années avec de la barbe et des cheveux grisonnants se racla la gorge pour signifier qu’il avait l’intention de prendre la parole.
-J’ignore votre nom, jeune femme. Je vois que vous émettez quelques réserves par rapport à la proposition de ces créatures et je dois vous dire que je partage votre sentiment. Toutefois, s’il y a bien quelqu’un qui n’a plus rien à perdre ici, c’est moi. Je n’ai plus ni famille ni amis. J’ai été témoin et acteur d’horribles choses et cette triste vie n’a plus aucun sens pour moi. Peu importe si je meurs en acceptant ce contrat, personne ne me pleurera et je pourrai enfin avoir l’esprit tranquille. C’est encore mieux si je sais que je meurs en héros en faisant le bien autour de moi. C’est pourquoi je veux bien me jeter dans la gueule du loup en premier. Après tout, si je meurs en acceptant la proposition des Ké, vous saurez que c’est un piège et que vous devrez vous défendre et fuir. Je serai donc parti pour la bonne cause.
-Vous êtes sûr de vous, monsieur ? Ce sont des sage et altruistes paroles, mais je pense qu’on pourrait encore réfléchir un peu, ce serait dommage que quelqu’un meure inutilement pour des inconnus.
-Vous êtes un peu en train d’inverser les rôles, là. Aucun d’entre vous ne va mourir. Nous les Ké, sommes les seuls qui allons périr après vous avoir transmis nos pouvoirs. Puis, si vraiment nous vous voulions du mal, vous n’auriez aucune chance contre nous sans magie, donc le sacrifice de votre camarade aurait été vain, expliqua un des Ké.
-Peu importe l’issue, je reste sur ma décision. Je veux bien me jeter dans la gueule du loup ! Insista Olav.
-Alors, qu’il en soit, ainsi. Olav, tu as été désigné comme héritier de la magie grise. C’est donc à moi qu’il incombe de me sacrifier pour te transmettre mes pouvoirs, annonça le Ké gris, en lançant un rayon d’énergie grise sur les liens qui retenaient Olav pour le libérer.
La petite créature émit alors un énorme flux brillant d’énergie grise par sa poitrine et le transmit à l’être humain aux cheveux gris. Une fois que le processus fut terminé, le Ké tomba au sol, son cœur cessa de battre et il perdit ses couleurs. Les autres Ké affolés se rassemblèrent aussitôt autour de leur défunt chef pour se recueillir et pleurer sa perte. Pendant ce temps, Olav voulait s’assurer que ces nouveaux pouvoirs fonctionnaient et décida donc de tirer un rayon d’énergie de grise par la paume de sa main. Lorsqu’il y parvint, il fit un signe de la main aux autres humains pour leur signifier qu’ils n’avaient rien à craindre.
Après une dizaine de minutes, ils décidèrent finalement qu’il était temps de passer au prochain transfert. Ils demandèrent donc à un volontaire de se proposer. Parmi les otages, une personne aux longs cheveux bleus clairs attachés en une queue de cheval et à la peau très pâle se proposa.
-Je m’appelle Ísrík. Je vous ai entendu prononcer mon nom tout à l’heure lorsque vous parliez des élus. Je veux donc bien être le prochain, déclara l’individu d’un ton très calme et monocorde, ne laissant transparaitre aucune émotion.
-QUOI ? TU ES UN MEC ? S’exclamèrent les autres otages en cœur, pris par la surprise.
-Oui. Ca surprend toujours les gens. Pourtant, je ne trouve pas que je ressemble tant que ça à une fille. Enfin soit.
-C’est dommage, parce que je me disais que tu étais assez mignonne et j’avais envie de te connaitre un peu plus, mais maintenant, je n’ai plus trop envie, commenta Jelman, ce qui fit rire tout le monde et permit de calmer l’atmosphère.
-Par contre, j’aimerais savoir un truc. Pourquoi on ne t’a presque pas entendu parler depuis qu’on est arrivés ici. En plus tu gardes ce visage impassible. Comment tu peux garder ton calme alors qu’on est dans une telle situation, s’interrogea Ródrík.
-Oh, c’est juste parce que je me dis qu’il ne sert à rien de s’affoler. Je préfère simplement garder mon calme et analyser la situation avant d’agir. C’est le mieux à faire surtout lorsque l’on se sent en danger. Tu sais, dans le fond, j’étais tout comme vous mort d’inquiétude, mais je me disais une chose : si ton adversaire voit que tu ne l’intimides pas et que tu arrives à assez bien dissimuler tes émotions pour qu’il ne puisse pas lire en toi comme dans un livre ouvert, il sera déstabilisé, expliqua l’homme à l’apparence androgyne.
-Je sens que je vais bien m’entendre avec lui. Tu devrais en prendre de la graine, commenta Blavka à l’adresse de l’héritier de la magie rouge.
-Trêve de bavardages. Ísrík, tu as été élu comme digne héritier de la magie bleue claire. C’est donc à mon tour de me sacrifier pour te transmettre mes gènes, annonça le Ké bleu clair.
Les six Ké restant se sacrifièrent un par un jusqu’à ce qu’ils aient chacun transmis leurs gènes. À la fin du processus, Grunka, Blavka, Ísrík, Ródrík, Jelman, Rosa et Olav étaient devenus les premiers êtres humains à officiellement maitriser la magie. De plus, ils étaient maintenant maitres de cette petite île déserte sur laquelle ils avaient été amenés de force. Ils se concertèrent donc pour décider de qui allait coordonner les opérations et être le chef du groupe. Après quelques minutes de discussion, ils en vinrent à la conclusion qu’Olav était le meilleur choix, non seulement parce qu’il était plus âgé, mais aussi pour sa sagesse et son altruisme. Les sept élus décidèrent alors de fonder un village qu’ils nommèrent Héliðorv. Chacun utilisa alors sa magie pour rendre l’endroit plus vivant. C’est ainsi que Grunka fit pousser de la végétation en abondance autour du village, que Blavka fit apparaitre un lac et que Ródrík fit apparaitre un volcan juste à côté du village. Ce volcan se nommait le Rókvåri et entrait en éruption chaque fois que l’homme aux cheveux rouges était en colère. Rosa quant à elle, dirigeait une équipe d’ouvriers qui avaient pour tâche de bâtir le village. Elle pouvait, grâce à ces capacités intellectuelles, élaborer des plans complexes. De plus, elle pouvait aider ses ouvriers à transporter des matériaux lourds grâce à ses pouvoirs de télékinésie. Jelman quant à lui, remotivait les ouvriers fatigués en leur insufflant de l’énergie grâce à ses pouvoirs. Il se chargeait aussi de remonter le moral des autres habitants du village grâce à son humour et à sa joie de vivre. Ísrík quant à lui, couvrit le Rókvåri de glace, lui donnant ainsi un aspect très agréable à l’œil. Il avait également construit une zone qui était entièrement couverte de neige peu importe la période de l’année et la température qu’il faisait. Cet endroit avait été créé dans un but ludique et les enfants pouvaient s’y adonner à des batailles de boules de neige sans limite. L’île fut ensuite baptisée le Vårland.
Les autres humains qui vivaient sur l’île et qui n’avaient pas hérité de pouvoirs magiques quant à eux, se disputaient constamment. Depuis qu’ils savaient qu’épouser un des sept élus leur assurerait une descendance magique, ils ne pouvaient se sortir cette idée de la tête. Chacun essayait de faire la cour aux sept dieux et de penser aux meilleurs arguments pour être choisis. Malheureusement, cela échouait la plupart du temps .Toutefois, la plupart des héritiers des Ké avaient tout de même chacun fini par trouver chaussure à son pied parmi les humains sans pouvoirs qui les courtisaient. Il y eut tout de même quelques mariages entre humains sans pouvoirs, mais ils étaient minoritaires.
À vrai dire au moment où tous les autres s’étaient mariés et avaient assuré leur descendance, le seul qui était resté seul était Olav. Le quadragénaire ne se sentait pas prêt à entamer une relation dans l’immédiat, car il pensait qu’il devait d’abord combattre avec les démons qui le hantaient. Il méditait chaque jour et multipliait les bonnes actions dans l’espoir de devenir une meilleure personne. Son travail acharné porta ses fruits car après quelques mois, il se sentit totalement différent.
Ses traumatismes n’occupaient plus son esprit et sa tête était vide de pensées négatives. Il n’était désormais plus persécuté par un intense sentiment de culpabilité. À vrai dire, il avait même totalement oublié ses souvenirs les plus douloureux. Aussi, son apparence physique avait quelque peu changé : d’abord d’une teinte grisonnante, ses cheveux étaient devenus d’un blanc éclatant. Puisqu’il considérait qu’il avait accompli sa mission, il avait décidé de finalement se marier et d’assurer sa descendance. Lorsqu’il utilisa sa magie, il vit qu’elle avait quelque peu changé : les rayons d’énergie qu’il tirait de la paume de ses mains étaient maintenant blancs plutôt que gris.
Malheureusement, il ignorait qu’il n’était pas au bout de ses peines. Toute cette négativité qu’il avait exorcisée ne s’était pas volatilisée. Au contraire, elle s’était matérialisée sous la forme d’une entité qui lui ressemblait à s’y méprendre à la différence près que ses cheveux étaient noirs plutôt que blancs. De plus, les rayons d’énergie qu’il lançait étaient noirs plutôt que gris ou blancs.
L’Olav d’origine n’existait donc plus car il s’était scindé en deux entités : l’une bienveillante et pure et l’autre maléfique. Il en allait de même pour la magie grise qui s’était désormais scindée en deux branches : la magie blanche et la magie noire.
L’Olav aux cheveux noirs n’avait qu’une seule idée en tête : régner en maitre sur le Vårland. Cependant, il devait pour ce faire éliminer toute concurrence. C’est pourquoi il était bien déterminé à éliminer son homologue aux cheveux blancs ainsi que les six autres élus. Malheureusement, il ne pouvait parvenir à grand-chose seul et fut très vite contraint de déclarer forfait. Il promit cependant qu’il reviendrait et se vengerait et disparut ensuite on ne sait où. Il avait toutefois eu bien le temps de semer la pagaille puisqu’il s’était marié et avait pu assurer sa descendance, ce qui signifiait que sa magie maléfique n’avait jamais quitté le pays et avait même eu le temps de s’y répandre.
Au fil du temps, les huit types de magie existants continuèrent à se répandre à travers le Vårland et au bout d’un moment les mages originels commencèrent à être vénérés par les habitants du pays. Bien qu’ils ne soient plus là aujourd’hui, on dit qu’ils gardent toujours un œil sur nous.
***
-Et voilà qui conclut votre première leçon d’histoire à l’académie de magie de Mojanstad. Vous savez désormais comment notre beau pays a été fondé et pourquoi nous avons des pouvoirs magiques, annonça un homme d’une soixantaine d’années à la silhouette élancée, qui portait un monocle à l’œil droit.
Cet homme, c’était monsieur Jaðåtson. Il ne se lassait jamais de raconter cette histoire, même si c’était la trentième année consécutive qu’il le faisait depuis qu’il avait entamé sa carrière de professeur à l’académie de Mojanstad. Comme toujours, sa classe semblait captivée. Cependant, un jeune garçon aux cheveux noirs et aux yeux bleus foncés faisait la moue.
-C’EST FAUX ! S’exclama-t-il, en hurlant à pleins poumons.
Tous ses camarades tournèrent leur regard vers lui, horrifiés par les mots qu’il venait de prononcer.
-Pardon ? Répondit simplement le professeur, l’air perplexe.
-Toute cette histoire est une mascarade ! Les Ké, les Dieux, nous n’avons aucune preuve qu’ils existent. Je n’en peux plus d’entendre cette histoire à tout bout de champ. Tout ça a été monté de toutes pièces pour discriminer les mages noirs ! Le jeune homme semblait très en colère.
-Je savais que cela devait arriver. Vous êtes bien Nat Berson, n’est-ce pas ? Demanda le professeur en consultant sa liste d’élève.
L’adolescent hocha la tête.
-Si j’en crois les informations que l’on m’a transmises, vous êtes un mage noir. En trente ans de carrière, c’est la première fois que j’ai un mage noir dans ma classe et évidemment, il faut q’il se fasse remarquer. Et après ça, vous viendrez encore dire que vous n’êtes pas de mauvaises personnes et que vous ne cherchez pas à semer la pagaille partout où vous allez, soupira le professeur.
-Je ne cherche pas à semer la pagaille. J’exprime juste mon opinion sur un sujet, se défendit Nat.
-NON, ESPÈCE D’INSOLENT ! C’est très grave ce que vous venez de faire. En doutant des Dieux protecteurs de notre belle nation, vous allez provoquer leur courroux et ils nous lanceront une malédiction. C’est un de nos gros principes de ne pas manquer de respect aux Dieux et vous le bafouez sans vergogne. Mais enfin, je ne vois même pas pourquoi je me fatigue à vous le dire car vous le savez déjà. Après tout, les gens dans votre genre agissent dans l’unique but de semer la discorde, s’énerva l’enseignant.
-Je ne veux pas semer la discorde. Tout ce que je veux c’est qu’on me laisse tranquille avec ces histoires de Dieux. En leur nom, j’ai perdu toute ma famille et les gens comme moi se font persécuter depuis des années. Tout ça pour quoi ? Pour des êtres dont on ne peut même pas prouver l’existence. Laissez-moi rire !
-Très bien dans ce cas, jeune homme, si les Dieux et les Ké n’ont jamais existé, comment expliquez-vous la présence de magie sur cette île ?
-Je ne suis qu’un simple humain de seize ans et je ne suis clairement pas le mieux placé pour répondre à la question. Cela dit, je pense qu’un jour la science nous permettra de répondre à cette question, mais en attendant, je préfère me tenir loin de ce genre de préoccupations.
Le professeur se tut pendant quelques secondes et se mit à haleter. On pouvait voir qu’il perdait son sang-froid.
-QUOI ? JE N’APPRÉCIE PAS VOTRE IMPERTINENCE, JEUNE HOMME! JE VOUS ORDONNE DE SORTIR DE MA CLASSE SUR LE CHAMP ! PLUS JAMAIS JE N’ACCEPTERAI D’ENSEIGNER À UN MAGE NOIR, VOUS M’ENTENDEZ ? VOUS N’ÊTES QUE DES FLÉAUX, DES VERMINES QUI SEMEZ LA PAGAILLE PARTOUT OÙ VOUS ALLEZ. MAINTENANT, DÉGUERPISSEZ, ORDURE ! HORS DE MA VUE !
Nat s’exécuta aussitôt et quitta la classe sans un mot. Il voulait pleurer mais n’y arriva pas. Après tout, cette scène était tellement habituelle. Comme tous les autres mages noirs, il était voué à être discriminé partout où il allait. Les gens associaient les mages noirs aux descendants du double maléfique du Dieu Olav dans la mythologie vårlandaise et s’en méfiaient pour cette raison. Cela expliquait en partie pourquoi Nat avait autant de mépris pour cette même mythologie qui le faisait souffrir depuis sa plus tendre enfance. Ce n’était que la première journée du jeune homme à l’académie de magie, mais elle commençait déjà très mal. Par ailleurs une preuve irréfutable que les gens comme lui étaient discriminés de tous est qu’aucun de ses camarades n’était venu prendre sa défense lorsque monsieur Jaðåtson l’avait humilié et insulté. À la place, ils l’avaient simplement tous regardé avec dédain.
Nat ne comprenait pas pourquoi il devait être logé à cette enseigne alors qu’il était si gentil et qu’il n’avait jamais fait de mal à personne.
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