Chapitre 7 ou la mer

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Il me fallut quelques secondes pour arrêter mes pieds et rouvrir mes yeux. Nous étions dans les airs, la ville en dessous de nous, bien trop au-dessous de nous… Eruk, qui me tenait toujours par la hanche en souriant, se tenait droit comme sur le sol. Il rit en me voyant éberluée et prit ma main.

- Tu ne crains rien, voler est ma spécialité.

- On vole.

- Tous les meyers ne savent pas voler, je suis comme une élite sur ce point-là !

- On vole, putain.

- Je sais, c’est trop fort, je suis trop fort !

Je restai silencieuse. Je n’arrivais pas à formuler de mots devant l’étendue qui se dressait devant nous. On voyait ma maison, mon lycée, la gare… Et moi j’étais dans les airs, touchant le vide comme si c’était solide. Bientôt, mon corps me fit comprendre qu’il serait temps de reprendre de l’oxygène et lentement la base pensante de celui-ci commença à refonctionner. Je jetai encore un regard vers Eruk. La bouche ouverte et les yeux écarquillés à s’en faire mal.

- Et si quelqu’un nous voyait ? Finis-je par formuler.

- Je nous ai rendu invisible, seules nos rétines sont visibles là. Sinon on serrait aveugle.

La logique de ceci me fit reprendre un peu d’oxygène. Comme si j’avais besoin d’explication pour respirer.

- Oh !

Eruk leva son index et sourit de fierté.

- Je sais comment l’invisibilité marche ! Il suffit de laisser passer la lumière à travers ton corps, et hop ! Comme tu ne bloque pas de lumière, tu es comme invisible !

- Ok, mais si on laisse passer sur la rétine, la rétine elle-même ne reçoit pas d’information, nous rendant aveugle. Mais voler ? C’est beaucoup plus compliqué, non ?

- A vrai dire, on ne vole pas vraiment. Voler, c’est défier la loi de la gravité. Moi je ne fais que nous créer une plateforme plus haute juste sous nos pieds. Tu sais comme ces écureuils qui planent… J’utilise un vent très fort juste sous nos pieds pour nous faire tenir.

- C’est intelligent.

- Le vent est mon élément préféré. Ce n’est pas compliqué à maîtriser je trouve. Pourtant c’est impressionnant. Et pratique. Bon, dans quelle direction est la mer ?

Je lui montrais l’ouest du doigt et il fronça les sourcils un moment comme un élève devant une évaluation de maths.

- Ok, tiens-toi bien à moi, sinon le Xyrès ne passera pas à travers toi et j’aurais du mal à te garder dans les airs.

J’aimais ma vie, je m’agrippai à son bras et fermai les yeux. Je sentis bientôt le vent me fouetter le visage et le froid du printemps me geler des oreilles aux orteils. J’étais comme poussée par le vent, ça m’obligeait de m’allonger un peu, de pousser mes pieds derrière mon corps. Mon corps me brulait un peu et je me sentis nauséeuse pendant un instant. J’ouvris un œil, le paysage était flou et je sentis mon petit déjeuner revenir dans ma gorge.

- Elle est à combien de kilomètre la mer ?! Me cria-t-il sans pour autant s’arrêter.

- Une centaine !

- On y sera dans une vingtaine de minute alors !!

Je fis un rapide calcul en croix.

- Tu veux dire qu’on va à un peu plus de deux cent cinquante kilomètres heures là ?!!!

- Tu sais que je suis un Meyer et que je n’ai absolument aucune idée de ce qu’est un kilomètre par heure, n’est-ce pas ? Les kilomètres passent encore mais je n’ai absolument aucune idée si là tu trouves que c’est trop rapide ou trop lent !

- TROP RAPIDE BIEN SÛR !!!

Il ralentit pour s’arrêter et je pus me détacher un peu. Il leva un sourcil et son sourire le quitta. Puis il posa sa main libre sur mon épaule d’un geste plutôt tendre pour un personnage tel que lui.

- Tu pourras le supporter pendant une vingtaine de minute ou tu veux rentrer ?

- J’essaie juste de digérer tout ça. Pour moi, c’est la vitesse de nos avions de croisière…

- Tu veux faire le trajet en trente minutes ?

- Ça reste deux cents kilomètre heure…

- Ou je peux vraiment aller vite en on y sera en 5 minutes.

- Tu rigoles ? Attends.

Je refis le calcul. La vitesse du son est de trois cent quarante mètres par seconde dans l’air à quinze degré or là nous ferions cent kilomètres en cinq minutes. Donc notre vitesse serais de cent kilomètres en zéro virgule zéro huit (puisque cinq sur six est égal à zéro virgule huit) heures. Soit mille deux cents et des cacahuètes kilomètres par heure. Or la vitesse du son est de…

- Tu me dis que tu comptes aller à vingt kilomètres de moins que le son ? T’as pas de peur de briser le mur du son ?!

Il se tut et se gratta le menton. Sa bouche prit la forme d'un bec de canard et il mordit ses joues d'un air pensif.

- C'est que le Xyrès passe mal sur Terre. A cause de votre air pollué. Alors je ne préfère pas essayer d’utiliser trop de puissance. Bon, retour à 20 minutes de trajet. Arrête de faire ta chochotte, je suis déjà allé à beaucoup plus vite que le son.

- Sans dommage ? Sans blessure ?

- Une fois, je me suis casser un os. Mais c’est parce je maîtrisais mal les atterrissages. Mais ne t’inquiètes pas. A cette vitesse-là, il n’y a pas de problème.

Il sourit en rougissant de fierté. Je ne sais pas si Eruk était un génie du vol ou si tous les meyers sachant voler pouvaient aller aussi vite mais il s'en vantait beaucoup trop pour n’être qu'un débutant. Je décidai de lui faire confiance et je me raccrochais à son bras. Il rit doucement et le vent se remit à souffler dans mes oreilles. Et je vécu les vingt minutes les plus terrifiantes de ma vie. Je rouvris les yeux, après avoir senti à nouveau la douce, dedureté du sol, la mer me faisait face, brillante et joyeuse. Presque vide en cette période de pluie et de froid. Nous étions sur une plage de galets, ce qui donnait un côté azuré à la mer, et nous donnait la possibilité de marcher avec les chaussures sur la plage.

- Tu es trop fort.

Le sang monta jusqu’à la pointe de ses oreilles. Il bégaya un peu, ne sachant que répondre, comme s'il ne recevait pas souvent de compliments. Il répondit que ce n'était rien, vraiment rien. Puis il changea abruptement de sujets en cherchant une crêperie.

Eruk était, pendant un long moment, un mystère pour moi. A la fois sauvage et attentionné, fière mais facilement gêné… J’avais lu, à mes heures perdues, un bouquin de sociologie décrivant un modèle de catégorisation des personnalités. Celui-ci séparait les personnalités en quatre couleurs : bleu, rouge, jaune et vert. Comme les quatre maisons de Poudlard mais l'analogie s'arrête là puisque le type bleu, aussi appelé « le policier » ou « le juste », se comporte comme les consignes et les normes de la société lui indique d'agir et aime énormément suivre les règles, mettre en place un planning et que tout soit en ordre. Ce n'est pas un type qui va montrer ses émotions non plus. J'aime beaucoup cette couleur, elle me correspond bien. Le type jaune, à l'inverse, est quelqu'un de toujours très enjoué, très social et un désordonné. C'est celui qui rajoute une touche de créativité, un autre point de vue, plus humain[1]. En rencontrant Eruk, je le pensais de type jaune à cause de son côté un peu sauvage et enthousiaste. Très bavard et insouciant. Le type bleu et jaune sont à l'opposé dans le camembert des quatre personnalités. Ces deux types sont à la fois inversés et complémentaires. Avoir un jaune et un bleu dans une équipe de travail c'est vraiment le pied : l'un apporte une dynamique de groupe et de l'inspiration tandis que l'autre structure, partage les tâches et créé un planning. Le truc, c'est que le bleu et le jaune ne peuvent pas s'encadrer, genre vraiment pas : le bleu déteste la frivolité du jaune qui lui reproche sa psychorigidité. En tant que pure bleue, l'attitude d'Eruk m'avait dégoutée. Mais à bien le repenser, il devait être un rouge vert. Le rouge, ou le « leader », est quelqu'un d'ambitieux et fier, en gros c'est un Serpentard. Même s'il a un peu trop d'énergie en lui. Le vert, l'opposé du rouge (Ils ne peuvent donc pas se voir en peinture), aussi appelé le « sage », est plutôt du genre attentif et un peu lent. C'est souvent lui qui va résoudre les conflits et qui note les idées de son groupe. Il aime prendre son temps pour tout peser et être sûr de ses résultats, faire une belle présentation. Souvent silencieux, ce n'est pas lui qui va faire avancer le groupe de travail. Ce côté vert d'Eruk, devait venir de ses origines meyers. Dynamique et sauvage par nature, son éducation ou ses gènes le bridait. C'est pourquoi il était vu comme un fou colérique par ses congénères, sûrement que sa nature ressortait parfois. Dans une explosion de frustration.

De ce mélange imparfait résultait une personnalité un peu double, à la fois dynamique et douce, sauvage mais attentif. J'aimais ce que je comprenais, C'est un cas intéressant de psychologie (peut être que c'est moi qui devrait être psy ?).

Toutes ces explications me conduisirent devant une crêperie sans même que je ne pipe mot à Eruk.

- Pardon. J'étais perdue dans mes pensées.

- Non, ne t'excuse pas. Je comprends que tu es besoin de digérer tout ça.

- A vrai dire, ce n'est pas toute l'histoire de Xyrès et tout qui occupait ma cervelle. Mais ta personnalité. C'est comme si t'avais deux personnalités.

- Euh… pas que je sache ? Je veux dire, j'ai deux modes, genre le mode « meyer », où je suis serviable et souriant, un vrai petit ange. Et moi, sans ce masque ridicule.

Il paya les deux crêpes et me tendit celle débordant de chantilly et de Nutella.

- Avec la guerre, je n'ai jamais vraiment appris à me retenir, personne ne se plaignait que je sois colérique tant que je—

- Moi je te préfère sans ton masque. T'es pas colérique, T'es juste passionné. Puis ce n'est pas comme si tu étais méchant, je dirais même le contraire. Après tout, tu t'énerve parce que tu veux protéger ceux que tu apprécies, non ? Je trouve que c'est mieux que le comportement des Meyers.

Il s'assit sur le banc. Enfin il tomba sur le banc, ses jambes venaient comme de lâcher et des larmes perlèrent ses yeux azurs. Son nez coula un peu et il se moucha dans sa manche.

- Ça va ?

- Désolé. C’est juste que… Je crois que c’est la première fois que quelqu’un dit que je suis gentil. Des fois, c’est tellement dur. J’ai tout le temps connus la guerre et maintenant il faut que je m’adapte et que je me comporte comme un gentil petit garçon qui ne ferait de mal à personne… Et ça me donne vraiment envie de tout casser… Les adultes ne peuvent pas comprendre, ils ne font que revenir à leurs habitudes. Nous qui les avons sauvés pendant la guerre, ils nous enferment dans ces rôles, nous gronde quand nos habitudes ressortent. Nous menacent quand nous crions cette colère. En plus, avec toute cette histoire avec la Terre… Je suis encore plus perdu. Qu’est ce que je fais ici ? Qu’est-ce qu’on fait ici ? On a tellement mieux à faire que de suivre une prophétie idiote !

- Une prophétie ?

Eruk se cacha la bouche, les yeux grands ouverts. Il avait encore gaffé et bien fort cette fois. Apparemment cette histoire de prophétie était plus que top secret défense. Mais il avait déjà trop gaffé et savait que je ne le lacherais pas.

Il soupira douloureusement en se grattant la tête et me regarda droit dans les yeux.

- Il arrive que naissent des Meyers beaucoup plus puissants que la normale. Genre VRAIMENT beaucoup plus puissants. On les appelle les « Elus », parce qu’ils sont comme élus par la Lumière.

- La Lumière, c’est la religion principale meyer ?

- Plus que la religion principale, c’est la seule. Toute autre religion est une branche de celle-ci. Comme le catholicisme, l’orthodoxie et le protestantisme pour le christianisme. C’est la croyance que tout vient de la lumière et est destiné à y retourner. Elle nous protège et nous enveloppe tous. En gros.

- Oh, c’est plutôt mignon comme religion.

- Oui, puis la science a toujours fait la paire avec celle-ci. Après tout, la théorie de la création de l’univers la plus populaire c’est le Big Bang. Une explosion de lumière et d’énergie…

- Et donc les élus ?

- Oui, reprit Eruk après mordue dans sa crêpe. Les élus sont tellement puissants qu’ils ont plein de capacités que les Meyers n’ont pas. Dont la divination.

- Genre. Y a des Meyers qui peuvent lire l’avenir ?!

- C’est plus compliqué que ça apparemment. Je ne connais pas d’élus personnellement mais apparemment c’est juste que des fois, il leur survient une vision de l’avenir.

- Je vois.

Je pris le temps de prendre un bout de ma crêpe avant de continuer. Eruk me suivit et reprit après avoir terminé la moitié de sa crêpe.

- Ces dernières années, une élue s’est démarquée encore plus : Aishé Orthnam. Elle est à l’origine de deux prophéties. La première est celle de l’arrivé de la guerre et de comment la gagner. La deuxième est celle de la résurrection de la Reine Fée.

- La résurrection de la Reine Fée ?

- Le peuple des fées est une légende que partage tous les habitants de notre planète. Selon les contes pour enfant, tout le monde peut devenir une fée, il suffit d’être choisi par la Reine Fée. Mais, toujours selon les légendes, celle-ci n’apparait que lors de l’avènement d’un âge d’Or, ce serait elle qui pousserait les peuples à évoluer. Mais elle ne reste qu’un demi-siècle au plus puis elle disparait.

- Tu veux dire qu’elle meurt ?

- Pas vraiment, son corps meurt mais son âme erre jusqu’à arriver dans un autre corps avec lequel elle se remettra à régner. En gros, elle sert de conseillère à ceux qui deviendrons les meilleurs dirigeants de leur époque, disparait et réapparait quand un autre dirigeant avec le bon potentiel nait aussi.

- Mais c’est une légende ou un vrai truc ?

- Personne ne sait vraiment, sa dernière « apparition » remonte à il y a quatre cents ans. Et bah… à l’époque pas de photos…

- Même pas une peinture ?

- Il y a bien des peintures d’un roi avec sa femme qui était supposée être la reine Fée mais celle-ci ne présente pas les caractéristiques légendaires des fées.

- Les caractéristiques ?

- Ouais, tu sais chez nous ce sont les oreilles un peu plus pointues que vous. Les elfes ont des oreilles encore plus pointues et longues qu’ils peuvent bouger, les démons des cornes etc. Les fées sont censées avoir des ailes fines dans le dos.

Oh… Des ailes dans le dos… Des cornes… Des démons… Du vocabulaire fantastique…

Attends.

Attends…

Peut-être que chez les Meyers, Fée et Démon ne prononce pas pareil et c’est juste quelqu’un qui, en remplissant leur formulaire, a dit que des gens avec des ailes ou des cornes sont des fées ou des démons !

- Tu pourrais désactiver ton traducteur et dire « Fée » et « Démons » ? Demandai-je impatiente de savoir si j’étais dans un scénario typique de fantasy ou si j’étais juste perdue dans la traduction[2].

Il se plaignit de mes demandes farfelues mais passa tout de même derrière sa nuque et prononça un chaos de trois syllabes. Il fit une pause et prononça un autre mot. Je secouai la tête de bas en haut pour lui faire comprendre que j’avais compris et il réactiva son traducteur.

C’était bel et bien une erreur de traduction enfin pas vraiment puisque c’était les Meyers qui avaient décidé de traduire ces mots propres.

- Ok, super ! Merci Eruk.

- T’es un peu bizarre quand même comme meuf, tu sais ?

- Bref, mais du coup la femme du roi là, sur la peinture, ce n’est pas une fée ?

- On ne sait pas vraiment car les ailes peuvent être repliée. Ou le peintre a décidé de ne pas les peindre.

- Et les textes ?

- Elle signait sous le nom de Reine Fée tout comme sous le nom de Reine Démone. Il y a beaucoup de théories qui disent qu’elle se faisait passer pour la Reine Fée pour mieux négocier des contrats.

- Ah oui. Je suppose qu’avoir une fée à ses cotés c’est la preuve que tu es un bon dirigeant.

- Oui. Sachant que les fées « normales » conseillent des petits dirigeants comme le chef d’une ferme, un maire, un dirigeant d’hôtel… Le truc c’est que, sans reine, le reste des fées restent en stase.

- Et du coup la meuf a prédit la résurrection de leur reine. Ok d’accord, mais quel rapport avec la Terre ?

- Apparemment, pour que la prophétie se réalise, il faut que nous nous liions d’amitié avec vous ou truc du genre. Certains disent même que la prochaine reine sera d’origine terrienne…

- Ouche. Ça fait un peu mal à l’honneur ça, non ? De devoir se lier d’amitié avec un peuple que vous méprisez juste dans l’espoir qu’une reine de légende apparaisse.

- Ne me le fais pas dire. Le pire c’est que je ne comprends même pas pourquoi c’est secret défense.

- Peut-être que c’est Aishé qui l’a demandé.

- J’espère que ce n’est pas le cas. Sinon ça voudrait dire que j’ai brisé la prophétie en te le disant.

Il se tut et regarda dans le vide en suant à grosses gouttes. Ses yeux s’écarquillèrent et il se défigura. Sa réaction me faisait penser à cette citation de film : « it was at that moment he knew: he fucked up »[3].

Eruk se tourna vers moi, la crêpe dans la main gauche, une larme de panique dans l’œil droit.

- Meuf… J’espère vraiment que ce n’est pas ça… Si la supérieur Elena apprend que c’est moi qui ai cassé la prophétie… Elle va maharem pekt ! Genre vraiment !

- On dit péter les plombs. Elle va carrément péter les plombs.

Il ne dit rien et, toujours la bouche tremblante, sortit sa tablette pour entrer la traduction.

- Ecoute Eruk, je ne pense pas que se soit ça. Sinon ta Aishé elle aurait carrément fait une apparition pour dire de ne surtout pas le répéter, non ?

Il émit un glapissement et prit sa tête entre ses mains.

Oh Eruk…

- Non mais calme toi ! Ce n’est pas parce que tu l’as dit à moi que ça va changer quoique se soit. Ecoute, je te promets de ne rien dire. Ma bouche sera scellée, ok ?

Il détendit ses épaules et reprit sa respiration. Son visage reprit peu à peu des couleurs.

- Promis, hein ?! Genre vraie promesse !

- Si tu veux faire un des rituels bizarres de ta planète genre une promesse de sang pour que tu sois rassuré…

- UNE PROMESSE DE SANG ??!! C’EST UN TRUC CHEZ LES HUMAINS ?! VOUS ÊTES FOUS MA PAROLE !!!

- Eh ! Calme-toi, on n’a pas de promesse de sang ! c’est juste un truc dans les livres de fantasy ! On ne maitrise pas de magie nous ! Je voulais dire, si t’as un rituel qui me ferrait taire. Je veux bien le faire, pour te rassurer.

- Ah ! ah. Je n’en connais pas. Je sais que ça existe mais je ne sais pas en faire. Mais je te fais confiance. Tu es quelqu'un de bien aussi, Agathe.

Nous sommes partis à la plage après avoir terminé nos crêpes pour regarder la mer. Malgré le froid et l'air encore gris du début de printemps, l'immensité de la mer m'éblouissait à chaque fois. Laissons encore ces galets quelques millier d’année et ils seront poussières. Toute cette existence qu'est la mienne n'est rien face à ça.

Je pris un galet et l’enfonçai dans la poche de mon manteau. Un beau coupe-vent moderne noire dont je ne me séparais qu'en été. Ce galet venait avec moi, je n’allais pas le laisser se transformer passivement en sable. Mon action qui, même à mon échelle, n'allait pas changer le monde. Mais un galet en moins sur cette plage signifiait tout et rien. Eruk prit aussi un galet. Et il le jeta pour en faire des ricochets. Le galet, bien rond et plat, plongea dans l'eau glacée et noire quelques mètres plus loin, dans un bruit presque décevant.

Eruk, jusqu’à maintenant les yeux rivés sur la mer, plongea son ciel dans mes yeux. J'eus l’impression qu'il essayait de communiquer sans parler. « Toi garde ton galet, vois ce que j'en fais, moi ? C'est ma façon de vivre ». Ces yeux, toujours aussi globuleux et cernés, prirent la couleur de la mer et de ce ciel grisâtre. Il tendit la main comme pour demander quelque chose. Le vent se leva brusquement mais ses yeux ne brillèrent pas. C’était comme si le destin venait observer.

- On est amis ?

Je pris sa main et la serra comme lorsque l’on rencontre un homme d'affaire.

- On est amis.

Il sourit jusqu'aux oreilles et plissa les yeux de contentement. Il secoua ma main continuellement jusqu'à je retire, un peu de force, ma main de peur de me froisser le poignet.

- On rentre ?

- Ok. Répondit-il simplement.

C'est comme ça que me liai d’amitié avec ce qui m'avait sembler, au début, mon pire ennemi. À bien y penser, je préférais l’amitié d’Eruk à l'indifférence de Geneviève. Celle-ci n'avait même pas surgit dans mes pensées lors de ma sortie. Peut être était ce mieux comme ça. Le poison de cette relation m’étourdissait. Et l'eau salée de la mer que nous avions partagée avec Eruk avait dilué cette toxine.

Revenue chez moi, je souriais étrangement mais ma mère ne dit rien en m'ouvrant la porte, elle soupira en disant que c'était bien la première fois qu'elle me voyait aussi joyeuse. Et me réprimanda de ne pas lui avoir envoyé de sms sur ma position. J’écoutais mais je ne le gardai pas en tête[4]. Le dîner fut servi et je partis dormir, la mer calme et salée derrière les yeux.

[1] N.d.a : à ceux qui se pose la question, je suis type jaune.

[2] N.D.A : Je fais ici référence au film « Lost in translation », Agathe est la fois perdue à cause de l’erreur de traduction mais aussi dans tout ce scénario.

[3] « c’est à cet instant qu’il sut qu’il avait merdé ».

[4] N.D.A : « J’écoute mais je ne le garde pas en tête » est expression éponyme russe tirée d'un film soviétique. Ici le relief comique est que le personnage écoute mais s'en fiche.

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