La cage

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Le bruit du verrou tira Fille de sa torpeur. Combien de temps s’était-elle assoupie ?

Elle avai très mal dormi la nuit passée. La noirceur absolue de sa cellule en l’absence totale de lumière du jour ainsi que le silence effrayant du couloir l'avaient empêchée de trouver le sommeil. Parfois, un sanglot lointain, un éternuement ou les cliquetis provoqués par la relève de la garde troublaient pendant un bref instant ce calme épais. Au petit matin, une esclave était venue lui apporter un petit déjeuner frugal, en profitant pour vider le pot de chambre. Fille avait bien tenté de l’interroger, mais la jeune fille n’avait daigné piper mot. Elle s’était effacée en prenant soin de verrouiller la lourde porte derrière elle. Elle avait laissé le judas ouvert, seul moyen pour la prisonnière de savoir que sa deuxième journée de captivité ne touchait pas encore à sa fin. La faim commençait à lui tenailler les entrailles, la journée devait donc être bien avancée. Le soir ne tarderait peut-être point à tomber.

Une image lui vint à l’esprit. Tabor. Il devait être fou d’inquiétude. Jamais elle ne s’était absentée plus de quelques jours dans la forêt. Peut-être était-il parti à sa recherche ? Bien vaine serait sa quête, il chercherait dans les forêts du nord quand elle croupissait dans une prison à des journées de cheval au sud. Même le maître encreur devait s’être résigné. Il ne s’alarmerait pas de son absence, l’imaginant nager dans la soie, se gavant de mets fins et de vin en comptant fleurette à un prince ou un capitaine.

Tchac. Le verrou !

Elle se précipita, attrapa l’esclave par la main, lui chuchota à l’oreille.

— Qui es-tu ? Où suis-je ici ?

Elle l’assaillait de questions tandis que la maigre jeune fille, nerveuse et apeurée, secouait la tête de gauche à droite. Plus Fille insistait, plus sa geôlière s'agitait, agitant les mains en tous ses.

— Tu ne comprends pas ma langue ?

Des gestes désordonnés, encore. L’esclave plaqua ses deux mains sur sa bouche.

— Tu ne veux pas parler ?

La jeune fille fit un pas en arrière, deux. Fille tente de la retenir mais déjà, elle lui échappait. Malgré le contre-jour, ses traits apparaissaient distinctement. Elle était très jeune, Fille estima qu'elles devaient avoir à peu de choses près le même âge.

La petite esclave ouvrit grand la bouche, ses yeux criaient son impuissance et son regret de ne pouvoir aider.

Fille ne put réprimer une exclamation. Horrifiée, elle porta son poing à sa bouche.

Entre les lèvres grandes ouvertes et les deux rangées de dents en partie brisées, un trou noir.
On lui avait arraché la langue.

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