Le test (3/3)

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Le maître d’armes fait les cent pas dans la petite salle d’audience quand Dwan y pénètre pour lui annoncer que Dame Layna le recevra dans ses appartements. Alors qu’ils vont de concert dans les corridors, Akhan ne peut s’empêcher de demander à l’eunuque ce qui lui vaut ce traitement particulier et inhabituel.

— Ne vous alarmez pas Maître, Dame Layna n’a tout simplement pas eu le temps de se préparer et elle ne voulait pas vous faire attendre. Elle vous recevra en toute … décontraction.

La Favorite se lève pour l’accueillir, geste plus inhabituel encore. Le visiteur ne peut s’empêcher de penser que Dwan était loin du compte. Le déshabillé de tulle, s’il la couvre des épaules aux chevilles, ne laisse rien ignorer de son anatomie. Akhan ne peut s'empêcher d’admirer le magnifique encrage qui orne ce corps parfait.

— Prenez donc place Maître, l’invite-t-elle.

L’homme s’assied dans le fauteuil situé de trois quart face à elle. Elle a pensé à tout et semble prête à lancer toutes ses forces dans la bataille pour obtenir ce qu’elle désire.

— Il est encore récent.

— Ma Dame ?

— Mon nouvel encrage. Vous l’observiez.

— Il est de toute beauté ma Dame, mais il n’y a pas de mots pour qualifier la splendeur de son écrin.

Flattée, Layna résiste à la tentation de demander à son invité s’il veut l’observer de plus près. En lieu et place, elle entre sans crier gare dans le vif du sujet.

— Je veux que vous l’enseigniez.

Le maître d’armes reste un instant silencieux avant de répondre.

— La fille a sans conteste du potentiel. Elle est rapide et tonique, mais elle est petite et légère, elle peut à peine tenir une épée. La loi des masses est un fait.

— Elle n’a fait qu’une bouchée de vos deux élèves !

— Après s’être fait d’abord rosser.

— Son épée était presqu’aussi grande qu’elle et devait peser une fraction appréciable de son propre poids. Le combat était perdu d’avance.

Akhan n’en démord pas. Une épée plus légère ne résisterait pas à une autre plus lourde et plus solide. En outre, réduire le poids impliquait aussi de limiter la longueur, l’arme perdrait en allonge, exposant ainsi celle qui la manie à un plus grand risque. Et puis, imaginez donc cette gamine au combat, recouverte d’une armure pesant la moitié de son poids : elle serait clouée au sol comme une tortue sur le dos. Rien de tout cela n’est raisonnable.

— Connaissez vous, Maître, la légende de la lionne et du buffle ?

Devant le silence de son interlocuteur, Layna enchaîne.`

— Il se dit que les buffles pesaient alors le poids de quatre à six lionnes. Pourtant, quand une de ces « frêles femelles » s’attaquait à l’un de ces « vigoureux mâles », elle lui faisait très souvent mordre la poussière. Avant de le dévorer.

Layna n’a pas ménagé ses effets, insistant lourdement sur le « femelle » et accompagnant le mot d’un geste théâtral pour désigner son propre corps. Mais le vieux renard ne se laisse pas démonter.

— Vous l’avez dit vous même ma Dame, il s’agit là d’une légende. Personne n’a jamais vu ni buffle, ni lionne.

— De nombreux livres attestent de leur existence. On peut même en trouver des représentations très précises.

— Des livres ma Dame ? Ne sont ils pas interdits ? Je pensais que tous les livres de Saad-Ohm et alentours avaient été brûlés ? Comme tous les autres d’ailleurs. Auriez vous donc accès à ce genre d’ouvrage ?

Layna, rit. L'homme a de la ressource, mais elle décide de ne pas s’engager sur le dangereux terrain du Grand Bannissement. Aussi préfère-t-elle recentrer la conversation.

— Allons Maître, vous savez que j’ai raison. Je suis certaine que vous « sentez » vous aussi tout le potentiel que recèle cette « petite », comme vous vous plaisez à l’appeler. Enseignez la. Ou essayez, à tout le moins. Ne voudriez-vous pas faire cela pour moi ?

Elle s’est redressée dans son siège, sourire aux lèvres, prenant soin de venir au passage découvrir un sein. Elle feint de ne pas s’en rendre compte.

Sur le globe ferme et laiteux, la vipère à la gueule grande ouverte semble n’attendre qu’un mouvement pour planter ses crocs dans le tendre mamelon. Une telle morsure doit être bien douloureuse, et son venin, mortel. Le Maître d’arme décide de se ranger à la prudence.

— Je l’enseignerai. Mais je délèguerai cette tâche à Seth. J’ai déjà bien assez à faire avec la Cour et les officiers supérieurs, sans compter votre … compagnon et le Général qui s’ils sont bien moins assidus aux cours, aiment à converser longuement avec moi sur la chose militaire.

Seth est le plus fidèle disciple d’Akhan. Son meilleur élève. Il est d’ailleurs appelé à lui succéder quand le bras de ce dernier sera devenu trop faible pour encore enseigner. Il est plus jeune aussi. Si la petite servante pourrait être la fille et presque la petite-fille du Maître, elle verrait plutôt en Seth un grand frère. Une douzaine de printemps doivent les séparer, quinze tout au plus. La Concubine fait la moue, mais elle sait que cela pourrait être un avantage. La petite n'a pas besoin que de leçons d'escrime, et il est des choses que seul un homme peut apporter. Il faudra qu'elle y réfléchisse.

— Vous déléguerez à Seth, mais j’insiste pour que vous les supervisiez régulièrement.

— Je le ferai ma Dame. Aussi souvent que je le pourrai.

— Et il faudra qu’elle s’entraîne dur. Elle n’a que cinq lunes, six tout au plus.

— Mais … ma Dame …

— Je veux qu’elle soit prête pour les joutes de printemps. Je compte en faire ma championne.

Le Maître d’arme en reste coi. Bouche bée, il suit des yeux la Favorite qui dans un volute de tulle, a déjà quitté la pièce.

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