Humiliée !

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Le repas s'était prolongé un peu plus qu'à l'accoutumée. Le souverain accordait toute son attention à son vassal, inquiété qu'il était par les forces que ce dernier envoyait à la capitale. Le Roy n'avait pas caché son mécontentement en apprenant que les renforts de l'Ouest n'atteindraient pas les deux mille hommes, mais Ronan avait su se montrer persuasif, arguant de la qualité de ses troupes et de la constitution rapide d'un second contingent, certes moins aguerri mais bien plus fourni. Ronan et Layna avaient finalement pris congé, à la grande déception du jeune prince héritier.

***

Fatiguée mais heureuse d'enfin passer une nuit sur la terre ferme, la concubine ne tarda elle pas à trouver le sommeil. Elle commençait à sombrer quand le claquement de la lourde porte la réveilla. Elle soupira. Une seule personne pouvait ainsi faire irruption dans ses appartements sans être annoncée. Même Ronan devait montrer patte blanche auprès des gardes. Eclairé par les dernières bougies agonisantes, l'intrus apparut, tout sourire.

— Durant tout le dîner, je n'ai pensé qu'à toi, lança-t-il.

Elle fit contre mauvaise fortune bon coeur, lui décochant un sourire enjôleur.

— Sire ...

Il l'attira hors du lit puis à lui. Dans la lumière mourante, il écarta le tulle qui la couvrait et qui, de toute manière, ne dissimulait rien.

— Ma Layna, je savais que tu serais du voyage. Tu es toujours aussi belle. Regarde-toi, fit-il en posant une main sur sa hanche et en enserrant de l'autre un sein.

Lascive, elle se laissa aller à la caresse. Elle dominait le petit homme d'une tête, si bien qu'il n'eut aucun mal à poser un baiser entre les deux globes puis sur le téton offert.

— Si je puis encore plaire à sa majesté, j'en suis heureuse, chuchota-t-elle d'une voix suave.

— Grands dieux oui, tu me rends fou et tu le sais.

Il la malaxait maintenant plus qu'il ne la caressait.

— Ah ces seins, ces seins ! Le futur roi est lui aussi sous le charme, il ne les a pas quittés des yeux durant toute la soirée, s'exclama-t-il. Mais peut-être l'as-tu remarqué ?

Elle feignit d'être offusquée.

— Sire ... je n'avais d'yeux que pour vous ... et la Reine.

— Menteuse ! Je suis certain que tu l'as remarqué. Je suis même sûr que tu en as joué, ne manquant aucune occasion de te donner en spectacle devant ce pauvre enfant.

— Mon beau Sire, le Prince n'est plus un enfant ! Quel âge a-t-il maintenant, quinze printemps ? Seize ?

— Quatorze.

Il marqua un temps, plaqua sa main sur le sexe de son amante.

— Et cela t'excite n'est-ce pas ? Dis-moi que cela t'excite ...

Elle ne l'avouerait bien entendu pas. Mais secrètement, Layna remerciait le ciel de l'intérêt que lui portait le Prince héritier. Car c'était effectivement le souvenir de ses oeillades appuyées qui étaient la cause de la tiédeur qui naissait au plus profond de son intimité, bien plus que les caresses maladroites de son père. Et quand elle imagina le jeune garçon se caresser dans son lit, la tête pleine des images de ses seins, elle sut que la nature allait lui faciliter la tâche ce soir. Car déjà, la moiteur se répandait entre ses cuisses, souillant la paume de son illustre amant. Se méprenant sur la cause de cette joyeuse inondation, ce dernier se gonfla d'orgueil et de désir.

— Belle Layna, à peine arrivée en ces lieux et te voici déjà affamée ! Puisse mon vit satisfaire ton vorace appétit. La douceur de ta bouche n'est pour moi plus qu'un lointain souvenir, il me tarde d'y goûter à nouveau. Honoreras-tu ton Roi comme il sied à la catin que tu te plais à être ?

— Commandez Sire, et je m'exécuterai ...

Déjà, elle avait glissé à genoux et offrait sa bouche au chibre royal. Elle ferma les yeux pour éviter de voir la panse velue contre laquelle son front viendrait buter à chaque assaut. Sa majesté était facile à contenter, elle n'aurait pas à supporter bien longtemps un tel traitement. Elle s'appliquait, mécanique. Encore un effort et elle pourrait enfin s'en aller dormir. Mais l'homme, sans ménagement, la repoussa.

— C'est en toi que je veux me vider.

Docile, elle rejoignit son lit. Elle savait les goûts de son Souverain, aussi prit-elle sans tarder la pose qu'il affectionnait. A quatre pattes, croupe tendue et offerte. Il escalada à son tour l'immense lit et vint l'agripper solidement par les hanches après s'être maladroitement introduit dans son antre. A nouveau, il se méprit sur la cause de l'état de la belle.

— Ton fourreau à plaisir est bien humide, belle Layna. Il me plait de te faire cet effet-là.

Elle ferma les yeux à nouveau. L'image fugace de l'adolescent se caressant dans son lit lui traversa l'esprit. Mais déjà, le rythme s'accélèrait. Le Père du royaume allait et venait en elle sans aucun ménagement, la secouant comme un prunier, occupé qu'il était par son seul plaisir. Layna connaissait sa partition. Ce rôle, elle l'avait si souvent endossé. Elle se laissa d'abord aller à de discrets gémissements, puis distilla ça et là quelque petits cris presque incongrus. Tout était savamment orchestré pour donner à son amant l'impression qu'elle perdait le contrôle. Plus il la labourait, plus elle couinait, comme un petit animal pris au piège de son plaisir. Mais de plaisir il n'y avait point, bien sûr. Juste la satisfaction de tenir entre ses cuisses l'homme le plus puissant du royaume de l'Ordre.

Il la pilonnait maintenant si fort qu'elle sentait ses bourses venir cogner sur son bouton magique. Mais il n'en avait plus pour longtemps, ce battage somme toute agréable, serait bien trop bref pour la faire s'envoler. Il était temps aussi, pensa-t-elle, d'entamer le dernier acte. Elle fit naître la plainte au plus profond de sa gorge, une plainte d'abord lascive, envoûtante, qui se fit rauque, métallique puis enfin animale. Quand elle sentit sa semence se répandre en elle et les assauts se faire désordonnés, elle lança un long cri, presque lugubre, et fit mine de s'affaiser tout en contractant son sexe. L'illusion était parfaite, il s'y laissa prendre. Il s'y laissait toujours prendre. Comme tous les autres.

***

Les toutes premières lueurs perçaient le sombre manteau nocturne quand Layna émergea. L'aube n'allait plus tarder. Elle se dégagea de l'emprise de son amant, le secoua doucement. Il avait refusé de regagner ses appartements après ce qu'elle avait peine à considérer autrement que comme un accouplement. Il avait argué du fait qu'elle lui avait tant manqué qu'il il voulait profiter de chaque instant pour la sentir auprès de lui. Il n'avait pourtant pas dû beaucoup en profiter, si elle se fiait aux ronflements qui, à intervalles réguliers, avaient troublé son sommeil.

— Sire ... Sire ... vous devez regagner vos appartements.

Il ouvrit un oeil, puis l'autre. Bâilla. S'étira. S'ébroua. Sa main se perdit sur un sein.

— Tout doux ma belle, je suis ici chez moi. Nul ne m'attend avant que le soleil ne soit levé et la Reine préfèrerait passer la journée enfermée que de seulement risquer me surprendre sortant de ta couche.

Devant son air contrarié, il ajouta.

— À moins que ce ne soit ton mari qui t'inquiète.

Le cœur de Layna bondit dans sa poitrine. L'occasion était trop belle ! Elle se lova dans les bras du monarque, laissa courir sa main sur son torse, allant jusqu'à caresser le gros ventre qui d'ordinaire la répugnait. Elle se fit fondante. D'une petite voix un peu contrite, elle passa à l'attaque.

— Vous oubliez, Sire, que Ronan n'est pas mon mari ...

Comme il ne réagissait pas, elle arbora une moue très étudiée avant d'ajouter :

— À ses yeux, de mariage il n'est point question. Il prétend que l'amour ne s'embarrasse guère des rites et fait fi des convenances, que le mariage engendre la routine et que la routine tue l'amour.

Le Roi était toujours silencieux. Il pensait peut-être que Ronan était plus malin encore qu'il ne le croyait.

— Ne trouvez-vous pas, Sire, que cette situation ne convient pas à un homme de son rang ? Vous êtes marié, le Légat d'Orient est marié, même le Seigneur des Terres Sombres est sur le point de prendre épouse, paraît-il.

Le monarque attendit un moment avant d'arguer que peut-être, Ronan avait ses raisons. Mais elle revint à l'assaut.

— Je ne vous aimerais pas moins si j'étais sienne devant les prêtres, mon Roi. Que du contraire, je vous aimerais probablement plus encore quand il me faudra faire face à cette routine matrimoniale.

La louve sortait du bois.

Il resta silencieux un instant encore. Son calme apparent contrastait avec la colère sourde qui doucement, faisait son chemin. Ils en avaient déjà discuté, Karyl Khan Pradesh avait été très clair. Il ne se mêlerait pas d'une décision qu'il considérait comme privée et l'avait sommée de ne plus revenir avec lui sur le sujet. Elle devait régler ça avec Ronan. Il le lui expliqua une fois de plus.

— Mais Sire, un Légat n'est-il pas dans une grande mesure un personnage public ? Il vous représente, représente l'Ordre, le bien-fondé des choses. Dans pareil contexte, la sphère privée n'est-elle pas intimement liée à la vie publique ?

Elle avait laissé glisser sa main qui depuis un moment déjà, enserrait un sexe déja dur comme la pierre. Petit miracle matinal. Mais Karyl, bien que sensible à la douceur des doigts et aux charmes de la belle, restait avant tout le Roy. Il gouvernait avec sa tête, rarement avec son coeur, jamais avec son membre. À grand renfort de volonté, il écarta la main de la jeune femme avant de reprendre sur un ton qu'il voulait détaché mais qui trahissait son irritation :

— Quand je t'ai ramassée dans ce bordel infâme ...

Il se reprit.

— Au temps pour moi, quand le Capitaine de ma garde t'a ramassée dans ce bordel infâme, tu écartais les jambes devant mes soldats et les brigands de la ville basse. Quand la nature leur refusait ta chatte, c'est ton cul qu'ils prenaient. Combien de fois par jour, combien de fois par nuit leur offrais-tu ton corps en pâture ?

Layna serra les dents, amère. Elle savait à peine compter à l'époque. Elle se souvenait de cet officier ténébreux, il devait avoir trois fois son âge. Il la payait parfois simplement pour lui parler. Elle écoutait, sans rien dire, priant pour qu'il ne s'arrêtat jamais, chaque parole repoussant un peu plus l'échéance de la prochaine passe. Et quand parfois il cédait à ses instincts, il la prenait avec une délicatesse que jamais personne ne lui avait témoignée. Layna, si elle ne prenait à l'époque que très rarement du plaisir, savait comme personne comment en donner, et l'homme avait vite compris qu'il tenait là une perle. Quand l'officier s'était mis en tête de l'offrir pour une nuit à son Roi, la maquerelle avait fait monter les enchères. Pas suffisament pourtant, car jamais plus la gamine n'eut à remettre les pieds dans son bordel.

— Quand Khalid t'a ramenée ici, tes côtes saillaient sous ta peau. Tu puais le foutre et la sueur, tes pieds étaient si noirs de crasse que lorsque l'on t'a préparée, on ne voyait plus le fond de la baignoire.

Elle se souvenait de ce bain. Elle y était restée si longtemps que la peau de ses doigts s'était frippée comme celle d'une grand-mère. Elle n'avait jamais vu ça et avait pris peur avant qu'une servante ne la rassure. Elle s'était ensuite amusée du phénomène, riant et chantant. Elle ne s'était jamais sentie aussi bien. Aussi propre. Ce bain, c'était la plus belle chose qui lui fût arrivé dans sa courte vie.

— Tu étais si maigre, un vrai tue-l'amour. Mais quand tu as relevé la tête, il y avait ces yeux ... des yeux immenses, d'une intensité rare, et d'un bleu ... par les dieux, un bleu à se damner. Puis quand tu m'as pris dans ta bouche ...

Il ferma les yeux, ne termina pas sa phrase.

— Une lune après ton arrivée au Palais, tu t'étais déja bien remplumée et tes courbes ont dû en affoler plus d'un.

Il sourit, puis brusquement, son regard durcit. Il se tourna vers elle, plongea ses yeux dans les siens.

— Tu es toujours aussi belle, Layna. Non, tu es encore plus belle qu'alors. Tant de beauté est une insulte aux dieux. Tu as toujours ces yeux fascinants, et c'est un délice de s'y oublier, de s'y noyer. Mais n'oublie pas d'où tu viens. Tu es une putain. La putain du Roi, certes, mais une putain quand même. Je t'ai tout offert. L'asile. Ma protection. Je t'ai offert les plus belles robes, je t'ai couverte de pierres et d'or, tu as voulu apprendre à lire, à écrire, je t'ai passé tous tes caprices, t'ai offert les meilleurs précepteurs. Je t'ai même offert la liberté, tu as toujours été libre de partir. Mais tu ne l'as jamais fait avant que je ne te le demande. Et pourquoi ne l'as-tu pas fait avant, Layna ?

Elle resta silencieuse. Avant qu'il ne lui demande ... Sa "demande" avait tout d'une injonction, pensa-t-elle. Quand le jeune Roy avait décidé de prendre épouse, il l'avait éloignée, craignant, s'il ne le faisait pas, de déplaire à sa jeune fiancée. Quelle sotte elle avait été de croire qu'il aurait pu faire d'elle, la petite prostituée des bas-fonds, sa Reine.

— Parce que tu es une putain, ma belle. Une putain très douée, une putain à l'intelligence remarquable, mais une putain quand même, et je suis ton Roi. Alors ne me dicte pas ma conduite et ne me force pas la main. Regarde Ronan pour ce qu'il est. Et si un jour il te prend pour épouse, je serai aux premières loges pour tes noces et m'en réjouirai grandement. Mais pour cela, il te faudra gagner son cœur. Car ce n'est pas moi qui te l'offrirai sur un plateau.

Sur ces mots très durs que le monarque l'abandonna. L'humiliation était terrible, des larmes de rage roulaient sur ses joues. Comment avait-il osé ? Elle s'empara d'un vase précieux et le jeta au sol si violemment qu'il éclata en de multiples morceaux, certains glissant jusqu'au fond de la pièce. Elle ne savait pas encore comment, mais elle le lui ferait payer. Il n'y avait rien à attendre de lui. Ni des autres hommes.

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