CHAPITRE 5 : Câlin céleste
J’étais assise côté passager dans la voiture de Philippe, mon mari, qui conduisait tranquillement. Il était huit heures du matin, nous étions quelques jours avant Noël. Nous roulions vers notre magasin de jouets, épuisés par l’écrasante charge de travail à fournir en cette saison cruciale dans notre domaine. Ce n’est pas rien d’aider le père Noël dix heures par jour, debout sans pause, à déballer, étiqueter et ranger des dizaines de caisses de marchandises, à conseiller, vendre et emballer les joujoux à la chaîne. Cela nous coûtait cher de gagner un peu d’argent. Nous ne ménagions pas nos efforts dans une ambiance familiale souriante et sympathique. Au fil des ans, nous avions constitué, Philippe et moi, une équipe de choc. Ses parents, Paul et Liliane, à l’énergie débordante, nous donnaient un énorme coup de main. Fraîchement retraités, ils entamaient une seconde carrière pour nous aider bénévolement, tout dévoués à leur fils unique. Mon amie d’enfance, Sandra, adorable jeune femme aux immenses yeux verts et au sourire radieux a passé quinze ans à nos côtés à distiller sa gentillesse et ses conseils avisés à une clientèle fidèle. Beaucoup d’autres encore ont marqué l’histoire de notre magasin « Christiaensen » de la chaussée D’Ixelles, je le précise pour ceux d’entre vous qui l’ont connu. Certains nous sont longtemps restés attachés, je pense à Sébastien, Nelle, Kristine ou encore Sonia ; tous ont été appréciables et appréciés. Nous les avons vus grandir, se marier, avoir des enfants. D’autres à l’inverse nous causèrent beaucoup de soucis. Ainsi, en passant un dimanche devant le magasin, nous avons trouvé la porte ouverte et Rachida, notre vendeuse principale, en grande conversation téléphonique avec sa sœur restée en Algérie ! Son cynisme nous consterna lorsque nous comprîmes dans la foulée qu’elle profitait de sa position pour se servir en douce dans le stock des jeux Nintendo afin de les revendre tranquillement à notre insu, mais le cas le plus extrême fut celui d’une jeune femme douce et jolie qui nous volait sans vergogne, pillant la caisse à pleines poignées, profitant lâchement de notre absence pour cause d’accouchement !
Au regard de son passé difficile, nous l’avions accueillie dans notre équipe avec délicatesse et bienveillance. Elle nous avait confié avoir été mariée contre sa volonté au Maroc alors qu’elle était encore adolescente avant d’être purement et simplement répudiée ! Nous lui avions fait confiance d’emblée comme nous l’avons toujours fait, grosse erreur puisque pendant nos quelques jours d’absence, le temps de mettre au monde notre fils, elle s’était allègrement servie dans la caisse au nez et à la barbe de ses collègues.
En fin de compte (compte déficitaire dans ce cas-ci !), la voleuse au visage d’ange a été arrêtée en flagrant délit par la police. Ce n’est pas une façon de parler, avec l’accord préalable du commissaire, Philippe avait discrètement relevé les numéros des billets qu’une agente retrouva en fin de journée dans les poches de l’effrontée détrousseuse. Son premier réflexe fut de nous accuser de les y avoir mis, ce qui est quand même culotté puisqu’il s’agissait de la poche gousset et des poches avant de son jean, néanmoins face aux preuves irréfutables, elle finit par avouer son méfait.
En plus de devoir gérer ces situations délicates, nous devions faire face aux tracasseries administratives et à la prolifération des taxes qui se multipliaient plus vite que les pains dans la Bible ! Être indépendant en Belgique confine à l’héroïsme. Quoi qu’il en soit, la naissance de notre poupon Mimi nous combla de bonheur. Pour notre fils, François, qui est son aîné de deux ans, j’ai aussi travaillé debout, des heures durant, le gros ventre contre le comptoir en pleine saison de Noël. Il est né un 2 janvier comme sainte Thérèse de Lisieux, ma protectrice, mais j’y reviendrai.
Il est indispensable d’avoir la santé, l’énergie et les nerfs à toute épreuve pour être commerçant. Beaucoup de jeunes ont postulé afin d’obtenir une place chez nous, mais rares sont ceux qui n’ont pas abandonné précipitamment tant la fatigue physique est prenante. C’est dans cet état de fatigue avancé que je me trouvais en cette aube froide de décembre 2005, en route vers la chaussée D’Ixelles. Mon Philippe conduisait calmement dans la pénombre de ce matin d’hiver en écoutant la radio. J’étais toute pimpante à l’extérieur, sentant bon le savon de Marseille et le First de Van Cleef, vêtue d’un pantalon en crêpe de laine bleu marine pour cacher mes généreuses rondeurs, d’un élégant chemisier blanc, classique et frais malgré le temps frisquet ainsi que de confortables mocassins Tod’s (achetés en solde !) pour agrémenter ma tenue d’une touche chic. Un maquillage net et subtil, de longs cheveux en cascade de boucles blondes vénitiennes peaufinaient l’ensemble. Mais en réalité, sous la couche de vernis, j’avais mal partout, les jambes gainées dans des bas de contention pour tenir le choc d’interminables heures en station debout ! Je fournissais de gros efforts tout comme mon mari et chaque membre de notre équipe pour être avenante et présentable. J’étais en effet moins charmante au petit matin, mes bigoudis chauffants sur la tête, me traînant péniblement jusqu’à la douche à petits pas saccadés comme une vieille. Dans la voiture, alors que mon esprit vagabondait, j’examinai mollement ma main droite pour en vérifier la manucure quand mon regard s’arrêta net sur le « Youkounkoun ». Il éclatait le moindre rai de soleil en centaines de mini-arcs-en-ciel et j’adorais cela. C’est un beau solitaire de quatre ou cinq carats surnommé ainsi avec malice par mon frère Marc en hommage au film culte de notre enfance, Le Corniaud, dans lequel l’inoubliable Bourvil et le truculent Louis de Funès donnent toute la mesure de leur talent pour notre plus grand plaisir. Souvenez-vous : le Youkounkoun est planqué dans le klaxon de la magnifique Cadillac blanche décapotable grâce à laquelle Bourvil « emballe » les filles !
Je pensai alors à maman qui m’avait raconté que bien souvent lorsqu’elle le portait, elle entendait des chuchotements dans son dos : « Tu crois que c’est un vrai ? » Le doute planait. C’est une belle pierre, vestige d’un passé flamboyant, mais ridicule à côté des cailloux à la Kardashian ! À propos, connaissez-vous l’anecdote qui est à l’origine du prénom de la plus célèbre des filles du clan en question, celle dont les initiales font K K ? (Oups !) Comble de l’ironie, il fut inspiré par la délicieuse mademoiselle Tartine en hommage à son espièglerie car elle, contrairement à l’autre, ne s’était jamais prise au sérieux. Vous savez : Kimberley, Kimberley Tartine ? (Qui me beurre les tartines ! Pardon, je n’ai pas pu résister !)
Ma douce maman avait expressément laissé un mot manuscrit dans sa boîte aux trésors en velours rouge. D’une écriture malade, elle avait inscrit : « Je désire que mes bijoux reviennent à ma fille Brigitte. » Quel courage ne lui a-t-il pas fallu dans ces instants terribles pour envisager si jeune encore sa fin toute proche ? Quel courage ne lui a-t-il pas fallu pour se projeter dans un avenir lointain où elle n’aurait pas sa place lorsque sa petite fille deviendrait à son tour une femme en âge de porter un tel joyau ? Elle avait des doigts très fins, pourtant cet anneau en platine seyait parfaitement à mon annulaire. J’étais émue de pouvoir la porter après celle qui me manque tant. En admirant cette pierre, la pensée qu’elle avait une vie propre me foudroya, une vie bien plus longue que la mienne. Je ne faisais que passer, elle resterait. C’est en cela qu’elle est précieuse et aussi pour le message d’amour qu’elle représente à mes yeux. À qui la transmettrai-je lorsque mon tour viendra ? Philippe et moi n’avons pas de fille. Vivrions-nous assez longtemps pour connaître nos petits-enfants ? François et Michel avaient huit et dix ans et moi quarante-deux déjà ! Maman la tenait de sa maman, ma grand-mère Yvonne. Je savais que mon grand-père Jean l’avait achetée pour elle ou alors, il n’est pas impossible qu’il l’ait troquée contre un de ses camions, j’ai le vague souvenir d’avoir entendu cette histoire lorsque j’étais petite, mais je ne suis sûre de rien ! J’essayais d’imaginer cette bague au doigt de ma grand-mère, j’essayais d’imaginer la personnalité et le destin de cette femme que j’aurais tant aimé connaître. Il émane une telle douceur de son regard et de son beau visage peint sur le portrait que papa vénérait littéralement que je me sens irrésistiblement attirée par elle. Avouez qu’il est assez rare de rencontrer un homme qui accroche toute sa vie dans ses maisons successives le portrait de sa belle-mère à la place d’honneur. Il ne tarissait pas d’éloges sur la bonté de cette femme extraordinaire qui l’avait accueilli dès le début comme un fils. J’étais profondément touchée par l’infinie délicatesse avec laquelle papa évoquait la mémoire de mon aïeule bien-aimée dont je caresse désormais la joue tous les soirs sur le fameux portrait qui trône à présent chez moi à la place d’honneur.
Bercée par les menues secousses de la route et perdue dans mes pensées, tout en caressant machinalement mon Youkoukoun du bout des doigts, j’étais toujours confortablement installée à la place du passager lorsque l’image de ma grand-mère Yvonne s’imposa impétueusement à mon esprit ; je me retrouvai aussitôt – comment vous décrire cela chers amis ? – dans un bain de lumière et d’amour. Je sentais chaque cellule de mon corps tendrement bercée et joyeusement régénérée. Je pouvais presque les voir vibrer comme des particules lumineuses s’entrechoquant. Une douce et bienveillante clarté, vivante, emplie d’amour et de compassion à mon égard comblait mon être tout entier qui se satura d’une énergie intense dont je me délectais. Ce délicieux ravissement me projeta hors du temps et du monde au-delà des horizons habituels, sur les rives d’un paradis satiné. Suspendue en moi-même, intrinsèquement sereine, je savais comme une évidence que cette lumière enchanteresse était ma grand-mère et qu’elle me faisait un câlin céleste. En une seule vague enveloppante, je ressentis toutes les émotions positives et les plus nobles sentiments que l’on puisse éprouver sur cette terre : amour, joie, sourire, tendresse, douceur, plénitude, certitude d’être aimée et choyée comme un nouveau-né dans les bras rassurants de la plus tendre des mères. J’entendis ou plutôt je ressentis en mon âme ces paroles : « Toi aussi, tu comptes. »
Ces mots s’imprimèrent en moi avec une infinie suavité. J’avais la certitude que ma grand-mère m’adorait. Quel bonheur ! Depuis la mort de maman et les basses discussions d’héritage, d’argent et de propositions douteuses de rachat de mes actions de la société familiale pour un prix dérisoire par mon oncle Robert qui m’avait niée et reniée, j’étais déchirée, coupée en deux. Aux yeux de mes parents, j’étais une petite princesse, une héritière, mais cette chimère sombra lamentablement avec la disparition de ma protectrice et l’immense chagrin qui submergea papa. Contre vents et marées, il lutta vaillamment pour reconstruire sa vie personnelle tout en aimant et en protégeant ses trois enfants. Mais pour mon oncle, lorsque j’eus dix-huit ans, après m’avoir traitée en apparence comme sa fille, s’en fut fini de la petite princesse. Il savait, contrairement à moi, que l’argent et le pouvoir n’ont aucune importance, l’important c’est d’en avoir, d’en avoir beaucoup !
Je tombai de haut car ce n’est pas à la légère que je dis qu’il me traitait comme sa fille. En effet, mon oncle et ma tante avaient quand même poussé la chose jusqu’à évoquer devant moi leur désir de m’adopter ! Ce choc me fit réaliser à douze ans déjà le peu de considération qu’ils avaient dans le fond pour mon père. Tout cela est logique quand on sait que mon père, lui, était bon comme le pain. Rien n’aurait jamais pu nous séparer, j’étais tout pour mon père et mon père était tout pour moi. Quant à mon oncle Robert, il décida de nous évincer papa, mes frères et moi, profitant de l’onde de choc de notre deuil. Je dois reconnaître qu’il était doué, il s’y tint consciencieusement et y parvint petit à petit. Quelques années plus tard, il nomma ses propres fils à la tête de la compagnie ayant le culot de bouleverser l’organigramme sans consulter mon père. Pour l’humilier et le pousser vers la sortie, Machiavel lui retira sans états d’âme son titre de directeur commercial pour en affubler l’un de ses gamins. Parallèlement à cette indigne vexation – une parmi tant d’autres – il travailla au corps son père Jean, mon grand-père maternel, fondateur de l’entreprise usé par le grand âge afin qu’il nous déshérite des biens restants et nous laisse uniquement la part réservataire soit le minimum imposé par la loi. Je le compris seulement à sa mort lorsque, à la lecture du testament par le notaire de famille plus fourbe que la fourberie – il était dans le coup –, j’entendis ces mots : « Je lègue tout à mon fils Robert et à défaut à mes petits-fils Tristan et Dylan. » C’est comme si mon propre grand-père me poussait brutalement dans le dos alors que je me trouvais déjà au bord d’une falaise ! Cette vertigineuse chute dans le vide d’amour fut d’une violence inouïe. Comprenez-moi, je n’ai pas pensé une seconde à l’aspect matériel, j’étais abasourdie, je n’avais rien fait de mal, c’était tout bêtement affreux, j’étais rejetée, niée, anéantie. Mon grand-père ne nous reconnaissait plus, mes frères et moi, les enfants de feu sa bien-aimée fille, seuls ceux de son fils existaient à ses yeux. Rien dans son comportement ni dans nos relations ne le laissait supposer et cela me fit plus mal encore de repenser à nos dernières rencontres, désormais éclairées sous ce jour nouveau, souillées par sa funeste trahison à l’affection filiale que je lui vouais. Il tuait sa propre fille au moment de la rejoindre dans la mort. Des années plus tard, je compris qu’il me fallait cesser d’en vouloir à mon grand-père. À la faveur d’un dîner chez des amis, mon voisin de table, un notaire compatissant m’expliqua qu’il voyait souvent dans son étude et celles de ses confrères des histoires semblables : un individu sans scrupule, dévoré par la cupidité à la sauce revancharde manipule son vieux parent malade, à bout de résistance pour évincer ses frères et sœurs qu’il jalousait depuis l’enfance. Cruel, mais banal travers de la nature humaine!
Ce qu’il pensait être une réussite devint à mon sens un fardeau pour mon oncle Picsou ; une fois passé de l’autre côté du miroir, l’argent n’existe plus, seul compte l’amour. Il a dû prendre la mesure de la souffrance qu’il m’avait infligée quand sonna l’heure de retrouver sa mère, ma chère grand-mère Yvonne qui, en me saluant par-delà la mort, le temps et l’espace me restituait mon statut d’héritière à part entière et me rendait ma juste place dans l’histoire familiale. Je comptais à ses yeux, je comptais sur cette terre, mais aussi bien au-delà, c’est le cas de le dire. Je compte dans l’Amour. Vous comptez, vous aussi, chers amis. Chacun de nous compte. Soyez-en sûrs. Chacun de vous est important. Votre vie a une valeur infinie, ne la bradez pas, ne retranchez pas d’un iota un seul instant de bonheur. C’est merveilleux de réaliser que l’on compte vraiment. Ce fut une découverte. Cette sensation d’éternité me quitta simplement comme elle était venue. Tout ceci ne dura qu’un instant impossible à mesurer. Mon mari n’avait rien remarqué, nous avions parcouru quelques kilomètres. Je me tournai vers lui et lui dit : « Chéri, tu ne vas pas me croire ! » avant de lui raconter mon expérience. Il me crut spontanément et prit cela comme si je venais de lui raconter une simple conversation téléphonique.
Oh mon Dieu, comme je l’aime mon Philippe, je peux lui confier tout ce que je désire sans me sentir jugée. Depuis toutes ces années, je partage avec lui en plus de ma vie, l’intimité de mon évolution spirituelle. Mais, ce truc- là, quand même, je ne l’avais encore jamais connu ! Évidemment les mots atténuent considérablement l’intensité du vécu.
La fatigue s’était envolée, je passai la journée sur un petit nuage, mes pieds ne foulaient plus le sol, j’avais des ailes. Je venais de ressentir un amour universel sans limite et mon cœur le partageait spontanément. Une longue queue de clients serpentait le long des comptoirs et je lançais un sincère « Joyeux Noël » à chaque personne qui se présentait devant moi à la caisse pour régler ses achats. Je formulais alors intérieurement le souhait que cette personne ait une vie heureuse. L’ambiance dans la boutique devint enjouée et conviviale au point qu’un monsieur me répondit : « Si tout le monde avait votre sourire, Noël serait réellement joyeux et même magique ! » Les gens acquiescèrent et tous se mirent à parler, à sourire et à rire. Ce jour-là, mon bonheur fut contagieux et la magie de Noël opéra vraiment.
En écrivant ces lignes, j’ai le cœur qui bat car je reçois la grâce de revivre ces instants bénis, gravés dans ma mémoire. C’était carrément fantastique. Attention, ne vous méprenez pas, j’ai connu des heures moins glorieuses. Sans l’aide du Ciel, je ne suis pas toujours dans d’aussi bonnes dispositions, je dois sans cesse y travailler. Aimer son prochain, c’est vouloir consciemment aimer son prochain et cela demande un effort d’ajustement constant. Bien souvent j’échoue, ce qui ne veut pas dire que je n’aime pas mon interlocuteur, mais je ne lui donne pas sciemment le meilleur de moi-même, j’oublie sottement de fournir ce petit effort. Je ne vis décidément pas dans le monde des Bisounours, même si j’en ai beaucoup vendus. Cependant, l’Amour prend sa source en chacun de nous et je serais folle de laisser filer ici l’occasion en or de vous dire à quel point j’aime chacun de vous, mes compagnons de route. Nous partageons la même aventure si passionnante, si émouvante, si difficile d’être humain. Je vous aime et je vous respecte, je vous souhaite de réaliser vos rêves, je vous souhaite d’aimer, d’être joyeux et légers, mais aussi d’être graves et heureux, ne vous sous-estimez pas et soyez toujours plus pleinement humains. L’amour que j’ai reçu de ma grand-mère est celui que je nous souhaite, il est rare en cette vallée de larmes, attendez, après réflexion je me dis qu’il n’est peut-être pas si rare après tout, disons plutôt qu’il est à la fois inestimable et essentiel, je l’ai retrouvé dans les mots vibrants de saint Paul, on n’a jamais mieux dit, jugez-en vous-mêmes : « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais. »
C’est de cet amour que nous devrions tous aimer et être aimés. Alors, tout compte fait, j’ai très envie de faire le Bisounours, de vous étreindre, de vous serrer sur mon cœur, vous savez comme Amma lorsqu’elle donne le darshan, sa bénédiction qui ouvre un chemin spirituel, tourné vers ceux qui souffrent. Mais oui, vous connaissez Amma, cette « Mère de la béatitude immortelle » qui a câliné pas loin de quarante millions de personnes, à peine plus que moi qui affiche au compteur une bonne trentaine d’enlacements ! (Jusqu’ici, je me suis cantonnée au cercle de mes proches, mais cela va changer dans un instant.)
Les foules se pressent partout où elle passe ; chacun se fait bercer quelques secondes par cette femme extraordinaire qui a fait de l’Amour sa religion. Vous voyez à présent de qui je parle, Claude Lelouch l’a mise à l’honneur dans son film Un + Une où on la voit enlacer Jean Dujardin et Elsa Zylberstein.
Les « cajolés » se disent envoutés par l’amour inconditionnel et portés par la joie sereine qui émanent de la guide spirituelle, laquelle redistribue au monde les nombreux dons via son organisation humanitaire Embracing the World.
Dans les bras maternels d’Amma, les larmes coulent, on peut enfin déverrouiller les soupapes émotionnelles et l’on se sent mieux. Voilà pourquoi, je brûle d’envie, moi aussi de vous câliner, de vous aimer sans conditions, je n’ai aucun diplôme de gourou, mais après tout que risquez-vous à venir vous blottir dans mes bras grands ouverts ? Rien, je vous promets que je sens bon la rose, la violette et l’ylang-ylang, subtiles notes fleuries qui sont symboles et promesses de douceur, d’humilité et, je l’espère de quelques lumières flamboyantes. Venez donc, approchez, fermez vos beaux yeux et laissez-vous allez, lâchez tout, on a le temps, aucune contrainte dans notre étreinte. Détendez-vous, accueillez l’amour bienveillant qui réchauffe le cœur, qui console. Je désire partager ce que j’ai reçu, venez dans mes bras qui vous enveloppent délicatement avec tendresse et fermeté, absorbez l’énergie réconfortante et rassurante de mon doux embrassement maternel, abandonnez ici les angoisses qui exercent leur empire tyrannique sur nos vies. Vous êtes en sécurité, savourez ce moment de sérénité que vous pouvez créer à l’infini. Que ressentez-vous ? Comment vous sentez-vous ? Vous pouvez rester autant qu’il vous plaira, vous êtes libres.
Le jour, béni entre tous, où je fus comblée de cette faveur exceptionnelle, je me souviens m’être adressée à mon amie Sandra qui travaillait courageusement pour lui dire que ma fatigue s’était envolée et que je me sentais par miracle pleine d’énergie positive et elle de me rétorquer l’air dépité, mais l’œil goguenard : « T’en as de la chance !»
Cet état de grâce persista quatre ou cinq jours puis s’atténua progressivement. Ensuite la vie reprit son cours habituel, à mon grand regret. Aujourd’hui, lorsqu’un gros coup de fatigue complique mon quotidien, j’ai beau lustrer mon Youkounkoun comme s’il s’agissait de la lampe d’Aladin, aucun génie, ni aucune grand-mère ne vient à ma rescousse, mais je ne désespère pas…
Je n’oublierai jamais le bain d’amour de ma grand-mère, j’y replongerais volontiers en attendant de me jeter dans le grand bain d’amour qui nous attend au bout du chemin. J’en ai tiré un bienfait que je peux reproduire dès que j’en ressens le besoin et qui tient lieu de méditation ou de prière, je me concentre en moi-même sur une vibration d’amour que je projette vers le Bon Dieu, vers mes proches et vers le monde si je suis d’humeur généreuse ou bien je me contente de la développer en moi lorsque la nécessité de me rasséréner se fait sentir. À cet effet, j’ai découvert que le sentiment de gratitude décuple la satisfaction que je retire de chaque journée. Mon bain d’amour se transforme en jacuzzi avec profusion de mousse, de parfums délicats, de savons luxueux et dilate mon esprit dans une féerie de bulles iridescentes.
Si vous désirez mettre un peu de magie dans votre quotidien, développez en vous cette source d’énergie agréable. Pour cela, rien de plus facile, vous n’avez même pas besoin de voler deux minutes et demie à votre emploi du temps chargé, vous pouvez vous parler à vous-même en vous rasant et/ou en vous maquillant (chacun fait fait fait c’qui lui plaît plaît plaît), sous la douche, assis au calme, en vous promenant dans la nature, en marchant dans la rue ou allongé dans votre lit. Faites l’expérience de vous aimer vous-même, laissez tomber une bonne fois pour toutes votre schéma habituel de pensée, cessez de vous accabler de reproches à longueur de temps, abandonnez les opinions négatives que vous ressassez sur vous-même, changez de point de vue pour vous accepter pleinement, soyez votre meilleur(e) ami(e), appréciez enfin la personne que vous êtes et laissez grandir la petite flamme d’amour tapie en vous, cultivez-la sans vanité, mais avec bienveillance. Sentez-vous naître cette vibration d’amour ? C’est une sensation de douce chaleur et de légèreté dans le thorax. Vous êtes digne d’amour du simple fait d’exister, allumez cette étincelle divine qui sommeille en vous et faites-en un brasier qui réchauffera votre existence ainsi que celle de toutes les personnes qui vous entourent. Soyez conscient(e) d’être en vie et du miracle que cela représente, vous aurez automatiquement besoin de dire merci. Manifestez votre gratitude au Créateur, ne vous jugez pas, ne vous regardez pas en train de le faire, lancez-vous, il n’y a rien de ridicule à cela. Témoignez votre reconnaissance pour les plaisirs que vous avez ressentis aujourd’hui : le baiser d’un enfant ou d’un ami sur votre joue (bon, moins ces derniers temps, j’en conviens, mais cela reviendra !), le sourire d’une collègue, le goût sucré d’un fruit juteux. Cherchez un peu, je vous garantis que vous serez ému(e) en trouvant mille raisons de rendre grâce pour des choses que vous ne remarquiez même plus : le lit douillet que vous avez quitté ce matin, l’interrupteur qui vous permet d’une simple pression du doigt d’éclairer votre chambre, l’arôme du café qui se répand dans la cuisine, l’eau chaude de la douche qui coule sur vos épaules, n’est-ce pas merveilleux ? En plus de tout ce luxe matériel auquel on ne prête plus attention, remercions pour les multiples bonheurs qui illuminent nos journées, mais qui sont souvent engloutis par l’agitation ambiante : un gentil texto que l’on envoie, un mot aimable que l’on reçoit, une bonne nouvelle professionnelle, à travers les carreaux un rayon de soleil, le chat qui se frotte à vos jambes, votre fils qui vous donne un dessin, une série captivante, l’amoureux qui réclame un câlin, votre mère qui vous serre dans ses bras, le patron satisfait d’un contrat, un ciel propice à la flânerie, chanter et danser sous la pluie.
Lorsqu’elle rime et qu’elle rame comme tartine et boterham, la vie est aussi faite de mille contrariétés, c’est pourquoi il faut savourez les bonnes choses sans modération. Si vous en bavez particulièrement en ce moment (je sais combien certaines épreuves sont cruelles), je pense que cela vous aidera à entrevoir une lueur d’espoir, dégustez la moindre miette de consolation semée sur votre chemin. Utilisez à présent ce sentiment de gratitude qui monte en vous pour vous féliciter de la redécouverte de toutes ces pépites saupoudrées sur votre vie pour la rendre plus douce. Faites durer le plaisir, laissez rayonner l’amour que vous éprouvez en le concentrant dans votre corps – pour ma part, je ressens physiquement une agréable sensation de chaleur, comme une légère titillation intime et voluptueuse au niveau du cœur (à quoi donc pensiez-vous, bande de coquinous ?) Envoyez ce flux d’amour au Seigneur qui vous aime passionnément tel que vous êtes, prodiguez-le sans retenue aux personnes de votre choix, à tous les êtres qui souffrent, distribuez votre énergie d’amour au monde entier. Faites comme il vous plaira. Puisqu’il n’y a pas de limite et que c’est gratuit, ne vous privez pas de propager l’onde d’amour où bon vous semble et recommencez quand cela vous chante. Si en plus vous vous remémorez sans orgueil les gestes altruistes que vous avez posés dans votre vie et vos bonnes actions les plus minimes, vous dilaterez votre bonheur, décuplant la joie et la félicité. En y mettant de la bonne volonté et de la sincérité, vous améliorerez follement votre qualité de vie (et automatiquement celle des autres) dès la première séance. Comme pour tout dans la vie, si l’on désire avancer, savoir persévérer est un atout, cependant une seule fois suffit à donner l’envie de recommencer car cela fait beaucoup de bien d’illuminer sa journée en se focalisant uniquement sur les bons moments alors qu’habituellement on se plombe le moral en faisant strictement l’inverse.
Un sentiment de plénitude s’attachera à vos pas ; on peut naturellement approfondir la pratique du bain d’amour en élargissant le champ des sujets dignes de gratitude à ceux qui mordent sur les domaines métaphysiques et spirituels. À chacun de voir selon ses convictions et selon ses priorités ; personnellement, je remercie Jésus qui est amour inconditionnel, don, puissance infinie, bonté, générosité, beauté, patience, miséricorde, amitié, charisme, douceur, délicatesse, sourire bienveillant, joie, lumière, force protectrice, rire, accueil, écoute, vie, chemin, vérité, délivrance, humilité et pour tout ce que je dois encore découvrir de Lui. Ce ne sont pas des mots en l’air, j’éprouve réellement Ses bienfaits au quotidien. Je Lui parle directement des événements de ma journée en insistant sur les côtés positifs que j’en ai retirés, je comprends quelquefois avec le recul pourquoi Il ne m’a pas accordé ce que je lui avais demandé puisqu’Il a une vue d’ensemble de ma situation qui est hors de ma portée et qu’Il a l’obsession de vouloir mon bien, ce qui ne fait pas toujours mon affaire car nos avis divergent parfois sur la question. Disons que la notion que j’ai de mon propre bien est plus terre à terre que la sienne, c’est logique ! (Ceci est une façon élégante pour moi d’éviter de dire frontalement que je suis capricieuse.)
Pour être tout à fait honnête, je ne comprends en fait que trop rarement – pour ne pas dire pratiquement jamais – pourquoi je ne suis pas exaucée, mais je suppose que nous en sommes tous là. Je ne peux qu’accepter le mystère et tâtonner dans le doute. Quand il s’agit de problèmes mineurs, c’est déjà très irritant, cela pique un peu, mais lorsque l’inertie du Bon Dieu porte atteinte à la santé de proches, son silence se fait tranchant comme une lame aiguisée qu’Il planterait avec une dextérité sadique au ralenti dans la chair battante de mon pauvre cœur abandonné, c’est terrible.
Malgré tout, cela n’entame pas l’Amour car en cherchant à justifier l’absurdité de ma douleur et celle des autres, rien à faire, je « tombe » systématiquement sur la Croix, tout me ramène à Son sacrifice altruiste qui dépasse largement l’humble entendement de ma petite personne qui serait bien incapable d’aimer ses propres bourreaux.
Aux cyniques qui ricanent en proclamant que les bons sentiments c’est gnangnan, je rétorque que je ne suis pas si « kounkoun » que j’en ai l’air et que si tous les adeptes du bain d’amour du monde voulaient se donner la main, on pataugerait gaiement dans un océan d’amour !
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