CHAPITRE 7 : Vol de nuit

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Comme je vous l’ai dit précédemment, chers amis, j’ai conscience de la présence à mes côtés de mon ange gardien. Notre rencontre m’est revenue en mémoire comme une évidence au début de ma quête. Je me suis souvenue de Lui, être sans âge, majestueux, gigantesque et familier. Par une belle nuit d’hiver dans mon sommeil d’enfant de sept ans, sans savoir comment, je me suis retrouvée totalement libre et heureuse, euphorique même, virevoltant dans un espace infini à la lumière neutre sans jour ni nuit. Tout cela me semblait complètement naturel, je ne me souciais de rien toute à ma joie de pirouetter dans mon nouveau corps, léger et souple, d’une agilité invraisemblable, jamais connue encore de la petite ballerine que j’étais pourtant. Je ressentais l’énorme concentration et le sérieux qui émanaient de mon ange, soucieux de ma sécurité. Ça ne rigolait pas ! Il planait au-dessus de moi, légèrement en retrait. J’avais conscience de son état d’esprit : il veillait sur moi avec la plus grande vigilance, me laissant toutefois une liberté sans limite. C’est moi qui dirigeais l’expédition nocturne, lui me suivait. Concentrée uniquement sur la fascinante découverte des nouvelles aptitudes de mon corps éthéré qui défiait les lois de la pesanteur, je ne m’intéressais guère aux autres personnes qui découvraient comme moi dans cet étrange environnement l’allégresse du vol de nuit. De nombreux enfants et adultes expérimentaient les mêmes sensations que moi. On aurait dit une cours de récréation suspendue dans les airs, sans contour, sans sol, sans plafond, sans limite, sans bruit. Chacun volait accompagné de son ange, je n’ai jeté qu’un rapide coup d’œil à mon entourage, absorbée par mes cabrioles. Je n’ai frôlé personne, je n’ai pas expérimenté la vitesse. Je pense que j’aurais pu si je l’avais voulu, mais je savais au plus profond de moi ce que ressentais mon ange : il me voulait prudente. Il ne me reste qu’un vague souvenir de mon apparence, je n’étais plus en pyjama, il me semble que je portais une longue robe grise ou plutôt une aube fluide sans cordon à la taille. Ni mon corps, ni mon vêtement n’étaient de ce monde, ils se confondaient presque et la matière en était sublimée. Mon noble protecteur à la large carrure faisait office de garde du corps. Son visage inspirait le plus grand respect, il semblait avoir la cinquantaine taillée dans le marbre, mais je savais qu’il était sans âge.

Perfection faite homme ou plus exactement perfection faite ange, extrêmement viril, à la stature plus qu’imposante, mon gentil géant prenait soin de moi. Comme je dois être précieuse aux yeux de Dieu pour mériter un si grand honneur, telle est la pensée qui me traverse l’esprit en y repensant. Cette fugue involontaire n’avait pas la saveur d’un songe, je suis certaine d’avoir réellement « pris mon envol » durant cette nuit bénie, escortée par celui qui m’accompagne chaque jour, dont j’ignore le nom et que je ne peux ni voir ni toucher, mais dont j’entends bien souvent la pensée de manière intuitive. Son air sérieux presque tendrement sévère n’était qu’une façade car mon meilleur ami a beaucoup d’humour, parfois même à mes dépends. Ainsi à l’aube de mes quarante ans, je le priai de m’aider à reprendre le volant. En effet, j’ai passé mon permis de conduire à dix-huit ans, âge auquel je fus très gâtée puisqu’une Golf Cabriolet bleu ciel métallisé à capote noire flambant neuve, cadeau de mon grand-père (à l’époque où il me considérait encore) m’attendait au garage. J’ai beaucoup conduit pendant mes jeunes années, je sortais souvent avec mon amie Fabienne et plus tard avec mon amoureux Philippe qui n’avait pas encore son permis. Mais les choses se sont inversées par la suite. Comme nous travaillions ensemble, c’est toujours Philippe qui prenait le volant. Je ne faisais plus que de courts trajets jusqu’à l’école des enfants ou dans le quartier. Intrépide jusqu’à la trentaine, la naissance de mes fils me changea viscéralement, me faisant perdre toute confiance en moi au point de frôler la phobie de conduire. Je priai donc le Ciel de m’aider à résoudre ce problème qui me tracassait. Malicieux, mon cher ami invisible me connaissant mieux que moi-même prit une décision radicale, seule capable de me remettre en selle. C’est ainsi que mon pauvre époux se vit retirer son permis de manière absolument injuste alors que nous revenions de ma mammographie annuelle. Par bonheur, elle ne signalait rien d’inquiétant, mais comme dans ces circonstances je suis totalement mortifiée, pour ne pas dire terrifiée, mon adorable Philippe s’arrange toujours pour m’y conduire et me soutenir de toutes les manières possibles. Il roulait à la vitesse autorisée de 70 km/h sur une voie à quatre bandes lorsqu’il aperçut un nouveau panneau routier indiquant 50 km/h. Il n’eut même pas le temps de rétrograder suffisamment que déjà la police de Waterloo planquée quelques mètres après le nouveau panneau l’intercepta comme des dizaines d’autres automobilistes piégés ce jour-là pour servir d’exemples lors de la toute nouvelle politique de retrait de permis, instaurée depuis huit jours. On se serait cru en Allemagne de l’Est, à l’époque du rideau de fer où c’était un coup classique pour faire raquer les automobilistes venus de l’ouest. La police sortait de nulle part, plantait un panneau de limitation de vitesse, vous arrêtait et vous faisait cracher au bassinet.

De nombreux témoins dénoncèrent à la télé ces contrôles à la hussarde et obtinrent rapidement un assouplissement sur le terrain aux mesures drastiques prises par le gouvernement. Vous ne trouverez personne qui soit plus attentif que moi à la question de la sécurité routière, mais dans ce cas précis, il y avait de l’abus. Aujourd’hui, même si vous dépassez légèrement le taux d’alcool autorisé, on ne vous interdit de prendre le volant que pour trois heures ! Jamais avant cela ni par la suite, Philippe qui conduit depuis plus de quarante ans n’eut la moindre amende, rompu à la prudence par les cris d’une épouse comme moi à ses côtés, stressée à la moindre accélération. Vous voyez la scène de la bonne sœur en 2CV qui donne des frayeurs à Louis de Funès dans Le Gendarme de Saint-Tropez ? Bon ben, je fais la même tête que lui dès qu’on dépasse les 70 km/h ! Je sais ce que vous en pensez et vous n’avez pas tort, je devrais envisager de me faire soigner !

Quoi qu’il en soit vous imaginez bien que je compris instantanément que je venais d’être exaucée puisque j’avais prié la veille pour me donner le courage de reprendre le volant ! Je fus dès lors contrainte par la force des événements de redevenir le chauffeur de mon homme comme au bon vieux temps. Pendant deux semaines, je réappris donc à conduire dans la circulation bruxelloise et repris un peu d’assurance. J’entendais intérieurement le rire gentiment moqueur de mon ange : « Voilà, voilà, fais attention à ce que tu demandes car tu ignores comment tu seras exaucée ! » Hilarant ! Non, pas vraiment !

Pour moi Jésus s’est fait Petit Poucet ! Je mène une vie banale, mais lorsque j’y reviens, je vois clairement les heureux hasards, synchronicités et autres épisodes inexplicables de ma vie comme autant de petits cailloux semés sur ma route afin que je retrouve le chemin du ciel. Avec l’expérience, j’ai appris à faire appel à mon intuition et à flairer quand une situation ou un endroit me convient ou non. Je demande toujours la protection de mon ange et celle de sainte Thérèse, je prie aussi la Sainte Vierge pour la sécurité de mes enfants et de mes proches. Un petit Ave Maria le matin comme le conseillait vivement le saint Curé d’Ars ne peut pas faire de mal. Si une situation ou un endroit me convient, je me sens sereine, sinon je ressens une vibration diffuse d’angoisse et de mal-être, auquel cas j’évite de m’engager plus avant. C’est on ne peut plus simple, mais il m’a fallu des années pour en prendre conscience tant notre société nous formate, nous apprend à raisonner sans ressentir, nous demande de faire fonctionner notre matière grise et nous incite à peser le pour et le contre rationnellement. C’est l’intellect qui prend le dessus. Tout cela est fort beau, mais ce n’est pas le seul outil dont nous disposons pour avancer, il en existe un autre très fiable : notre petite voix intérieure. Quand on ne l’écoute pas, on se fourvoie.

Recourir à la prière n’est pas non plus une mauvaise idée pour éviter quelque stupide déboire, elle est encore plus puissante lorsqu’elle vient du fond du cœur. Elle ne permet pas toujours l’évitement des épreuves incontournables que l’on a choisies pour évoluer spirituellement ou de celles que le destin nous impose, mais il me semble qu’elle les adoucit, qu’elle nous donne la force de rebondir plus facilement, qu’elle favorise l’épanouissement spirituel et offre tous les bénéfices de la méditation. C’est une ligne directe avec le Bon Dieu qui peut faire des miracles. La prière sincère, profonde lancée vers Dieu avec respect, force, conviction et surtout confiance nous apporte des grâces matérielles et spirituelles très concrètes. Confiance : le grand mot est lâché. En relisant les Évangiles pour les besoins de ce livre, j’ai été frappée par la confiance que Jésus nous demande envers et contre tout, comme s’Il était impuissant à nous sauver sans notre confiance. C’est un gros morceau à avaler, j’ai beau me dire que l’on choisit ses épreuves pour apprendre à aimer, je le supplie d’intervenir quand cela devient trop pénible et quand Il me laisse en plan, la confiance en prend un coup ! Alors j’en tire la conclusion que Jésus voit plus loin que ma vie terrestre. Parfois la pilule est amère, mais je constate que la prière confiante est bien plus efficace que la prière mécanique ânonnée distraitement du bout des lèvres comme je l’ai pratiquée de bonne foi, c’est le cas de le dire, des années durant. J’en ai tout simplement fait l’expérience. Cette prière intense me demande un effort de concentration ; c’est comme si je rassemblais en moi une énergie invisible et que je la projetais vers le Bon Dieu dans un élan d’amour de l’âme tout en formulant ma demande ou en remerciement. Je ne peux l’exprimer autrement que par l’idée un peu abstraite d’une élévation de vibrations. En revanche, la fatigue physique qui en résulte pour moi pendant quelques instants est bien concrète.

La Gospa de Medjugorje nous parle de la prière dans son message du 2 septembre 2016 en ces termes : « Mon Fils attend de vous l’amour et la prière en Lui. Aimer et prier en Lui signifie – comme Mère je vous l’enseignerai – prier dans le silence de l’âme et pas seulement réciter du bout des lèvres. » Marie élève le débat en nous enseignant la prière qui donne et non celle qui quémande quand Elle ajoute : « Priez pour pouvoir répandre l’amour et l’espérance. »

Betty J. Eadie dont je vous ai déjà parlé plus haut nous donne la vision qu’elle a eue de la prière lors de son expérience au seuil de la mort, lorsqu’elle se trouvait Dans les bras de la lumière : « Je vis le globe terrestre qui tournait dans l’espace. Une quantité de faisceaux, tels ceux d’un phare, en jaillissaient. Certains étaient très puissants et transperçaient le ciel comme de gigantesques rayons lasers. D’autres semblaient provenir d’une petite lampe torche, et quelques-uns n’étaient que de simples étincelles. À mon immense surprise, on m’expliqua qu’ils représentaient les prières des Terriens. Des anges se précipitaient pour y répondre. Leur organisation permettait d’apporter un maximum d’aide. Pour contenter chacun, ils volaient littéralement de prière en prière. Leur travail les comblait d’amour et de bonheur. Ils étaient ravis de nous assister, et particulièrement heureux quand quelqu’un disait une oraison avec assez d’intensité et de foi pour recevoir une réponse immédiate. Ils s’occupaient d’abord de celles dont l’éclat et la puissance étaient plus intenses, puis de chacune selon son ordre d’arrivée, jusqu’à ce que toutes soient exaucées. Toutefois, je remarquai que le faisceau des prières récitées mécaniquement, celles qui manquaient de sincérité, était faible, sinon inexistant ; et certaines, qui ne possédaient aucune énergie, n’étaient même pas perçues. Toutes celles qui expriment un désir réel sont entendues et l’on s’applique à les satisfaire. Une fois que nous avons émis un vœu, nous ne devons pas faire montre d’impatience, mais accorder notre confiance au pouvoir du Créateur de la combler. Il est tout-puissant pour répondre à nos requêtes, mais il doit s’en tenir à Sa loi et à nos attentes. Il faut que Sa volonté devienne la nôtre. Notre confiance en Lui ne doit jamais faiblir. Une demande formulée avec loyauté et foi sera toujours récompensée. Une prière pour le bien d’autrui jouit d’un très fort impact. Mais elle ne sera exaucée qu’à la condition qu’elle n’aille pas à l’encontre du libre choix de celui qui en est l’objet, et qu’elle ne le frustre pas de ses espoirs. Dieu nous laisse agir à notre guise, mais Il tente de nous aider de toutes les manières possibles. Notre âme est capable de stimuler la foi de ceux qui l’ont perdue. S’ils sont malades, nous pouvons prier pour qu’ils la retrouvent et ainsi leur rendre l’énergie de guérir, à moins que leur souffrance soit un instrument de leur développement. Si leur mort est proche, nous devons toujours penser à demander que la volonté du Seigneur soit faite. »

Qu’en pensez-vous, chers amis ? Pour ma part, même si je sais parfaitement tout cela et si je sens que cela sonne juste, je supplie bien souvent, je harcèle, je m’impatiente et me révolte lorsque je ne suis pas exaucée. Cependant, j’ai choisi d’offrir à Jésus mon libre arbitre et je ne le regrette pas. J’entretiens avec Lui un dialogue muet incessant, enfin, muet, pas toujours ! Cela tourne régulièrement en conversation à la Don Camillo, l’accent chantant du Sud en moins ! Pour les plus jeunes d’entre vous, je précise qu’il s’agit d’une série de vieux films en noir et blanc dans lesquels Fernandel interprète un sympathique curé de campagne qui parle au Christ comme on parle à un confident, lequel lui répond de vive voix avec un bon sens à toute épreuve.

Dans son message du 25 septembre 2016, la Gospa de Medjugorje ajoute : « Chers enfants, aujourd’hui, je vous invite à la prière. Que la prière soit vie pour vous. Seulement ainsi votre cœur se remplira de paix et de joie. Dieu vous sera proche et vous Le sentirez dans votre cœur comme un ami. Vous parlerez avec Lui comme avec quelqu’un que vous connaissez et, petits enfants, vous sentirez le besoin de témoigner parce que Jésus sera dans votre cœur et vous serez unis en Lui. Je suis avec vous et je vous aime tous de mon amour maternel. Merci d’avoir répondu à mon appel. »

Ce message m’a rassurée. Non, je ne suis pas complètement folle lorsque j’entends parfois intérieurement le Seigneur répondre à mes interrogations :

— M’enfin Seigneur, pourquoi laissez-vous des assassins s’en prendre à d’innocentes victimes ?

— Tu sais bien que vous êtes libres de choisir la voie de l’Amour ou de la rejeter ; et ceci à chaque instant, pour les petites ou pour les grandes décisions.

— Mais quand même, la victime, elle, n’a pas eu le choix !

— Tu crois ? Certains se sacrifient pour montrer au monde la voie de l’Amour et permettre à une multitude de se remettre en question.

— Mais beaucoup persistent dans l’erreur et font de cette planète un enfer. Et les enfants qui vivent et meurent dans des conditions abominables et dans l’indifférence du monde ?

— Personne ne se souvient du destin qu’il a choisi sur cette terre afin de parer son âme des qualités qui lui manquent encore.

— Et bien, Seigneur, votre système est pourri ! Pourquoi diable, faut-il que Dieu soit toujours du côté du plus fort ? Où que j’aille, je ne vois qu’injustice. Pardon Seigneur, mais que faites-vous lorsque nous souffrons ?

— Je souffre aussi.

— Pardonnez-moi, mon Jésus. Je suis ingrate, vous avez tant souffert pour nous racheter et nous permettre d’accéder à l’Amour malgré nos pires penchants. Par votre sacrifice, vous nous avez ouvert les portes de la vie après la vie. Si seulement, nous nous en rendions compte et daignions le reconnaître.

— Je ne te le fais pas dire ! Bibi, je t’aime, je t’ai toujours aimée et je t’aimerai toujours.

— Moi aussi Seigneur, je vous aime.

Il arrive aussi qu’Il esquive en plaisantant mes questions trop insistantes concernant mon propre avenir ou celui de mes proches :

— Je ne suis pas Madame Irma, bien que je sois l’Alpha et l’Oméga, réfléchis donc à ça !

On dit que seule une trace dans notre chair, le creux juste au-dessus de l’arc de Cupidon de la lèvre supérieure, témoigne du doigt de l’ange posé sur la bouche du nouveau-né dans un grand « chuuut ». Par ce geste, l’ange nous plonge dans l’oubli et nous rend notre liberté. Cette idée me plaît. La folie des hommes qui utilisent cet inestimable cadeau divin qu’est le libre arbitre pour répandre le malheur dans le monde torture Jésus sans répit (et nous aussi). Ce nonobstant, notre sauveur demanda à sainte Faustine de devenir l’apôtre de son insondable Miséricorde pour la proclamer au monde entier. Quel mystère ! Jésus est lent à nous juger et prompt à nous pardonner. Il nous aime encore et toujours.

Par une fraîche journée de printemps, deux sœurs de douze et quinze ans montent dans le bus. Nous sommes à Bierges, paisible petite ville wallonne pas très loin de chez moi. Il est 16 h 40, l’école est finie, elles rentrent à la maison. Au second arrêt elles s’apprêtent déjà à descendre lorsqu’elles entendent un passager assis au premier rang s’adresser d’une voix forte au chauffeur en ces termes : « T’as vu ça, Jeff, quelles fainéantes, ces gamines ! Même pas capables de marcher cinq minutes ! Les jeunes d’aujourd’hui sont vraiment paresseux. Elles ont pourtant deux jambes comme tout le monde. » Les jeunes filles, choquées descendent dans la précipitation sous le rire moqueur des deux acolytes. Voici en gros ce que leur maman a répondu aux deux abrutis décérébrés dans la rubrique du courrier des lecteurs d’un magazine sur lequel s’est portée mon attention. Elle y explique que le jour même, sa fille de douze s’était méchamment blessée le pied pendant la récré et que sa grande sœur était venue l’aider à porter son cartable. Ses filles ne l’ont pas appelée, elles n’ont pas voulu la déranger car elles savaient bien que leur maman se tenait, comme chaque jour, au chevet de la petite dernière hospitalisée depuis un an. Cette famille souffrait beaucoup. La cadette, tétraplégique depuis un surdosage de chimiothérapie avait à peine neuf ans ; elle avait terriblement besoin de sa maman à ses côtés ! Il est facile de comprendre les larmes de ses grandes sœurs blessées par le jugement hâtif et le persiflage injuste de quelques messieurs bien-pensants qui auraient mieux fait sur ce coup-là de mettre en pratique le bon conseil du Seigneur : « Ne jugez point et vous ne serez point jugés. »

Nous jugeons, c’est le moindre de nos vices car nous nous abaissons constamment à pire vilenie ; j’en veux pour preuve l’état catastrophique dans lequel se trouve notre pauvre monde où de nombreuses populations manquent de tout. L’âme humaine est parfois si sombre et si cruelle que pour nous donner une dernière planche de salut, Jésus qui nous aime et ne désire pas nous punir, nous inonde de sa miséricorde ; voici comment il s’y est pris pour nous le faire savoir :

La belle Hélène voulait aller danser. Elle se rendit au bal, elle y rencontra son prince charmant, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants et elle entra au couvent. Avez-vous deviné qui était son prince charmant ? Élémentaire mon cher Watson : au moment où la belle commença à se trémousser sur un air entraînant, elle aperçut Jésus à côté d’elle ! Non, Il n’avait pas revêtu son smoking anthracite ni sa chemise à jabot, Il se montra dépouillé de ses vêtements, supplicié et couvert de plaies. C’est osé pour un premier rendez-vous, mais le Fils de Dieu désirait si ardemment cette belle âme qu’il joua la carte de la provocation : « Jusqu’à quand vais-je te supporter, et jusqu’à quand vas-tu me décevoir ? » lui reprocha-t-il.

Comment réagit-on quand on se fait remonter les bretelles de sa belle robe de Cendrillon par Jésus en personne ? On pose sa vodka-pomme et on se rue dans la première cathédrale disponible. Bon, pour la vodka-pomme, j’invente, mais le reste est véridique. Devant le Saint Sacrement, Hélène entendit ces mots : « Pars tout de suite à Varsovie, là tu entreras au couvent. » Cela s’est passé en Pologne en 1925, la belle avait vingt ans lorsque son divin cavalier, à bout de patience (j’ai envie de dire « au bout de sa vie », mais dans ces circonstances, je n’ose risquer ce jeu de mot d’un goût douteux) la rappela à l’ordre en la pressant d’entrer dans les ordres. Elle se précipita à la maison, expliqua comme elle le put la situation à sa sœur, la chargea de dire adieu à ses parents et sauta dans le train. Guidée par la Mère de Dieu, elle passa la nuit en lieu sûr. Le lendemain pendant la messe, Jésus lui demanda de tout raconter au prêtre qui, étonné mais confiant, lui trouva un hébergement chez une dame pieuse en attendant de rentrer au couvent. La belle Hélène avait entendu l’appel du Seigneur depuis l’âge le plus tendre, mais à dix-huit ans, faute de revenus suffisants pour payer la dot exigée par les congrégations religieuses, elle s’inclina devant le refus catégorique de ses parents. Cette vive contrariété ne mit guère fin aux tourments que lui causait l’incessant appel de la vocation à la vie religieuse qu’elle tenta d’étouffer en fuyant la voix de la grâce qui résonnait en son âme. Elle s’adonna aux vanités de la vie sans y trouver de soulagement jusqu’à ce fameux bal. Avez-vous remarqué que le Seigneur n’épargne pas les êtres qu’Il destine à accomplir Ses œuvres ? Leur amour fou pour Lui vient toujours à bout des obstacles qui se dressent sur le chemin de la sainteté. Ce fut le cas de cette jeune paysanne polonaise qui, plus connue sous le nom de sainte Faustine Kowalska, fit et fait encore connaître au monde entier un des plus grands attributs de Dieu qui s’avère indispensable à la majorité d’entre nous : le pardon qu’Il accorde sitôt demandé. Arrêtez gentiment dans la rue la première Polonaise croisée ou interrogez un ami polonais qui vous tombe sous la main, ils connaîtront à coup sûr l’apôtre de la Miséricorde de Dieu, Sainte Faustine, je vous en fiche mon billet.

La vie de celle qui n’était encore qu’Hélène bascula complètement lorsque après plusieurs refus, elle frappa enfin à la porte de la Congrégation de Notre-Dame de la Miséricorde Divine. (L’eusses-tu cru, ami lecteur s’il en avait été autrement ? Bizarre : j’ai tout à coup une folle envie de manger des pâtes ! Mes plus plates excuses pour ce petit accès de surréalisme à la sauce belge ou à la sauce pesto.)

La Mère Michèle (qui n’avait pas perdu son chat car elle n’en avait pas et qui ignorait de ce fait que le père Lustucru ne le lui rendrait pas ; oui, je sais, tout ça pour ça comme dirait Claude Lelouch. Je vous le confesse volontiers : j’ai cédé à l’envie de m’amuser un peu au beau milieu de ce couvent de Varsovie, de plus je maintiens que la Mère Michèle ne sait pas ce qu’elle rate, les chats sont l’avenir des mémères à chats comme moi, mais pas que !), je disais donc que la Mère Michèle invita la jeune postulante à demander au Maître de la maison s’il la recevrait. Ni une ni deux, la petite fonce à la chapelle : banco ! Jésus lui dit : « J’accepte, tu es dans mon cœur. »

Étonnant, non ? Autant que ma digression sur les chats ? Quand on y songe, pas tant que ça, au fil des siècles Jésus a beaucoup conversé avec ses élus que même les plus réfractaires à la religion croisent de temps à autre lorsque au détour d’une visite culturelle, ils tombent sur leurs représentations sculptées ou peintes dans les églises et les musées. Pour eux ce ne sont que de jolies fables, mais d’autres y puisent une force de vie sans pareil, car admettons-le Jésus est toujours de bon conseil, nous exhortant à donner le meilleur de nous-même au bénéfice d’autrui ; on gagnerait à prêter l’oreille au doux murmure de Sa petite voix qui résonne en nous à l’instar de la jeune Hélène qui reçut en effet le nom de sœur Faustine en religion. À ce sujet, elle écrit : « Si les âmes voulaient se recueillir, Dieu leur parlerait tout de suite, car c’est la dispersion qui assourdit la parole du Seigneur. » Non seulement elle entendra le Christ toute sa vie, mais elle le verra à maintes reprises et surtout elle lui obéira aveuglément afin d’accomplir sa mission. Il suffit de feuilleter rapidement son Petit Journal pour comprendre à quel point Il la guidait, en effet les lignes écrites en caractères gras qui rapportent les paroles d’un Jésus particulièrement en verve vous sautent aux yeux, on les remarque immanquablement car elles sont présentes presque à chaque page. Leurs conversations ne tournaient guère autour de la pluie et du beau temps, ils ne parlaient ni de philosophie ni du soutien émotionnel que prodiguent les chats, l’unique dessein du Christ était de faire profiter les âmes de son infinie miséricorde. C’est dans ce but que le 22 février 1931, le Fils de Dieu se montra à elle. Laissons-la raconter : « Un soir, alors que j’étais dans ma cellule, je vis Jésus vêtu d’une tunique blanche, une main levée pour bénir, la seconde touchait son vêtement sur la poitrine. De la tunique entrouverte sur la poitrine sortaient deux grands rayons, l’un rouge, l’autre pâle. En silence, je fixais mon regard sur le Seigneur, mon âme était saisie de crainte, mais aussi d’une grande joie. »

À présent, laissons la parole à Jésus, voici ce qu’Il lui demanda : « Peins un tableau selon l’image que tu vois, avec l’inscription : Jésus, j’ai confiance en Toi. Je désire qu’on honore cette image, d’abord dans votre chapelle, puis dans le monde entier. Je promets que l’âme qui honorera cette image ne sera pas perdue. Je lui promets aussi la victoire sur ses ennemis dès ici-bas, et spécialement à l’heure de la mort. Moi-même, je la défendrai, comme ma propre gloire. »
Songez comme la tâche fut ardue pour notre bonne sœur confinée au fin fond de son couvent. Comment s’y prendre ? Cela commença mal : son confesseur de l’époque lui fait comprendre qu’elle doit peindre cette image dans son âme ! À peine sortie du confessionnal, Jésus met les points sur les i : « Mon image est en ton âme. Je désire qu’il y ait une fête de la Miséricorde. Je veux que cette image que tu peindras avec un pinceau, soit solennellement bénie, le premier dimanche après Pâques, ce dimanche doit être la fête de la Miséricorde. Je désire que les prêtres proclament ma grande miséricorde envers les âmes pécheresses. Qu’aucun pécheur ne craigne de m’approcher. Les flammes de la miséricorde me brûlent, je veux les répandre sur les âmes humaines. »
Débrouille-toi avec ça ma fille ! Lorsque la mère supérieure qui craint d’avoir affaire à une illuminée demande un signe, Jésus répond : « Je le donnerai aux supérieures par les grâces que j’accorderai par l’intermédiaire de cette image. » Pas simple cette affaire, d’autant plus que les supérieures loin d’imaginer qu’elles s’adressent à une future sainte, la mettent en garde contre les illusions. Faustine doute, elle souffre, elle est tiraillée. Elle se débat seule au milieu de ce dilemme, pourtant alors qu’elle demande à être dispensée de peindre ce tableau, le prête lui défend de se soustraire à ses inspirations intérieures. Jésus vient à la rescousse en lui montrant par une vision intérieure l’abbé Sopocko : « Voilà l’aide visible pour toi, sur la terre. Il t’aidera à accomplir ma volonté sur terre. »

Sous la houlette de ce directeur de conscience lui-même inspiré par Jésus, les choses aboutiront (non sans peine). Sœur Faustine eut beaucoup à souffrir de cette situation, mais le Seigneur l’encourageait : « Ma fille, n’aie pas peur des souffrances, je suis avec toi. »

Pour vous donner un aperçu du manque de chaleur humaine de certaines religieuses, voici un échantillon de brimades raffinées qu’on lui infligeait : Faustine, encore postulante travaillait à la cuisine. Sœur Marcienne lui enjoignit de faire la vaisselle, puis elle sortit. Alla-t-elle faire un tour sur sa planète rouge ? On ne le saura jamais, mais ce que l’on sait car elle l’avouera plus tard, c’est qu’au moment de s’y mettre, Faustine vit les sœurs arriver de plus en plus nombreuses pour manger et les servit. Constatant à son retour que la vaisselle n’était pas encore faite, sœur Marcienne fit asseoir la postulante sur la table pendant qu’elle frottait énergiquement les assiettes sales à sa place. La pauvre Faustine brûlait de honte devant les sœurs qui entraient et sortaient, la traitant au passage de fainéante. Faustine endura cette pénitence sans se justifier, au nom de l’obéissance. Les religieuses voient ces mortifications comme un moyen de se façonner intérieurement et tirent profit de ce genre d’injustice pour s’exercer à l’humilité. Si la sensibilité ne s’accommode guère de ce cruel manque d’empathie, la raison même heurtée concède que ce levier moral biscornu semble fonctionner car quoique vivant au quotidien en étroite intimité avec le Christ, Faustine ne prit jamais la grosse tête, au contraire elle pensait en être indigne. Pourtant Jésus est fou d’elle, il faut voir comme il lui parle : « Ma fille, l’amour m’a fait venir et l’amour me retient. Si tu savais, ma fille, comme sont grands le mérite et la récompense pour un acte de pur amour envers moi, tu mourrais de joie. Je te le dis pour que perpétuellement tu t’unisses à moi par l’amour, car tel est le but de la vie de ton âme ; cet acte consiste en un acte de volonté ; sache que l’âme pure est humble ; quand tu t’humilies et t’abîmes devant ma majesté, alors je te poursuis de mes grâces, j’emploie ma toute-puissance à t’élever. »

Quand on connaît la renommée mondiale dont jouit sainte Faustine, on réalise que son puissant époux a tenu parole. D’ailleurs sainte Thérèse de Lisieux qui dans sa grande générosité répond toujours présente quand on l’appelle, lui apparut en rêve pour la réconforter et lui prédire qu’elle aussi serait sainte. En effet, Faustine qui se débattait dans d’inextricables difficultés intérieures et extérieures lui avait adressé une neuvaine. C’est bien joli les rêves, me direz-vous, quoi qu’il en soit les problèmes se réglèrent comme par magie à la fin de la neuvaine.

Quelquefois le Seigneur la met sous pression, oh ! trois fois rien : « Sache que si tu négliges la peinture de ce tableau et toute l’œuvre de la miséricorde, tu devras rendre compte, au jour du jugement, d’un grand nombre d’âmes. » D’autres fois Il lui explique pourquoi elle doit souffrir : « Apôtre de ma miséricorde, proclame mon insondable miséricorde au monde entier, ne te laisse pas rebuter par les difficultés que tu rencontres en annonçant ma miséricorde. Ces difficultés qui te touchent si douloureusement sont nécessaires à ta sanctification et pour démontrer que cette œuvre est mienne. Ma fille, prends note assidûment de chacune des phrases que je t’adresse concernant ma miséricorde, car c’est pour un grand nombre d’âmes qui vont en profiter. »

Il la console aussi : « Bien-aimée fille de mon cœur, tu m’es un soulagement parmi de terribles supplices. »

Voyant qu’un après-midi, les circonstances lui offrent le loisir d’admirer la majesté d’un lac dans la campagne polonaise, Il la comble d’amour : « J’ai créé tout ceci pour toi, mon épouse, mais sache que toutes ces beautés ne sont rien comparées à ce que je t’ai préparé dans l’éternité. »

Il la met en garde : « Ne t’étonne pas d’être parfois injustement soupçonnée. C’est moi qui par amour pour toi ai le premier bu ce calice des souffrances injustes. »
Il l’enlace tendrement : « Appuie ta tête sur mon épaule, repose-toi et prends des forces. »

Lorsque le peintre auquel elle avait décrit sa vision acheva le fameux tableau, Faustine tenta de cacher sa peine pour ne pas le vexer. Le Jésus du tableau n’était qu’un pâle reflet du sublime Jésus qui s’était montré à elle en majesté. Alors qu’elle s’écroulait en larmes dans la chapelle, elle entendit ces paroles : « Ce n’est ni dans la beauté des couleurs, ni dans celle du coup de pinceau que réside la grandeur de cette image, mais dans ma grâce. »

Quand son confesseur lui demanda la signification des deux rayons qui sortent du Cœur de Jésus sur cette image qui s’est répandue depuis lors partout dans le monde, Jésus donna cette explication : « Ces deux rayons indiquent le sang et l’eau – le rayon pâle signifie l’eau, qui justifie les âmes ; le rayon rouge signifie le sang, qui est la vie des âmes… Ces deux rayons jaillirent des entrailles de ma miséricorde, alors que mon cœur agonisant sur la croix, fut ouvert par la lance. Ces rayons protègent les âmes de la colère de mon Père. Heureux, celui qui vivra dans leur ombre, car la main juste de Dieu ne l’atteindra pas. Je désire que le premier dimanche après Pâques soit la fête de la Miséricorde. Demande à mon fidèle serviteur de parler en ce jour au monde entier de ma grande miséricorde, que celui qui s’approchera ce jour-là de la Source de Vie obtiendra une totale rémission de ses fautes et de leurs châtiments.

L’humanité ne trouvera pas de paix tant qu’elle ne se tournera pas avec confiance vers ma miséricorde.

Oh ! combien l’incrédulité de l’âme me blesse. Une telle âme professe que je suis saint et juste mais ne croit pas que je suis miséricorde, elle se défie de ma bonté. Les démons aussi exaltent ma justice, mais ne croient pas en ma bonté.
Mon cœur se réjouit de ce titre de miséricorde.

Proclame que la miséricorde est le plus grand attribut de Dieu. Toutes les œuvres de mes mains sont couronnées de miséricorde. »

Jésus offrit à sa bien-aimée et à travers elle à chacun de nous d’autres outils pour bénéficier de son pardon illimité. Il lui demanda d’implorer sa miséricorde pour les pécheurs à trois heures car à l’heure du Golgotha, Il ne refuse rien à l’âme qui le prie par sa Passion. Il lui enseigna pour cela le chapelet de la Miséricorde divine auquel Il attache « des grâces inconcevables » pour ceux qui le récitent et pour les mourants auprès desquels on le prononce. Jésus promit : « Quiconque le dira obtiendra une grande miséricorde à l’heure de sa mort. » Jésus promet cela même au pécheur le plus endurci qui ne le dira qu’une seule fois et ajoute qu’Il lui plaît d’accorder aux âmes qui récitent son chapelet tout ce qu’elles Lui demanderont en le disant si leurs demandes sont conformes à sa volonté. (Je pense que la volonté du Bon Dieu est notre bonheur absolu et qu’Il a une vision globale de notre évolution que nous n’avons pas, c’est pourquoi prier pour gagner au Loto est quelque peu puéril, mais bon on peut toujours essayer !)

J’affectionne particulièrement ce chapelet de la Miséricorde divine que je prie avec confiance chaque jour depuis des années à quinze heures si possible ou à un autre moment selon ma disponibilité. Quelquefois je l’offre au Seigneur pour Ses intentions, d’autres fois j’y ajoute la liste de mes demandes personnelles ! Cette prière particulière m’apporte de nombreuses consolations ainsi que l’apaisement bienvenu de ma nature inquiète. Ces cinq minutes de prière me permettent de me sentir aimée du Ciel et de faire une bonne action en implorant l’amour et la clémence de Dieu pour mes proches et pour notre monde qui en a bien besoin. Au bénéfice spirituel s’ajoute un avantage matériel, je sens s’engourdir l’angoisse alors que l’espoir fleurit sur le fertile terreau des meurtrissures de ma misérable existence. L’orbe constellé par la main du Créateur ne naît-il pas de la noirceur de la nuit ?

Jésus en personne indiqua à Faustine comment réciter Son chapelet : dites un « Notre Père », un « Je vous salue Marie », un « Je crois en Dieu ».

Puis prononcez ceci : « Père Éternel, je T’offre le Corps et le Sang, l’Âme et la Divinité de Ton Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus-Christ, en réparation de nos péchés et de ceux du monde entier », répétez ensuite dix fois : « Par Sa douloureuse Passion, prends pitié de nous et du monde entier. »

Recommencez, dites à nouveau une fois : « Père Éternel, je T’offre le Corps et le Sang, l’Âme et la Divinité de Ton Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus-Christ, en réparation de nos péchés et de ceux du monde entier », toujours suivi de dix : « Par sa douloureuse Passion, prends pitié de nous et du monde entier. »

Recommencez encore trois fois de plus, donc au total vous devez répéter cela cinq fois (si je compte bien vous aurez dit cinq fois en tout « Père Éternel, je t’offre le Corps et le Sang… » et à la fin vous aurez répété cinquante fois au total la même supplication : « Par sa douloureuse Passion, prends pitié de nous et du monde entier».

Aidez-vous des cinq gros grains et des dix petits grains de votre chapelet pour vous repérer plus facilement ou alors vos doigts feront l’affaire (si vous en avez dix, c’est pratique.)

Pour finir en beauté, prononcez trois fois : « Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Éternel, prends pitié de nous et du monde entier. »

Voilà c’est fait, cela prend cinq à dix minutes, easy peasy lemon squeezy, simple comme bonjour.

Jésus a promis le pardon complet des fautes ainsi que la remise de leur punition à ceux qui communieront le jour de la fête de la Miséricorde que l’on peut préparer par une neuvaine, on récite le chapelet de la Miséricorde divine pendant neuf jours consécutifs en commençant le Vendredi Saint. On doit aussi se confesser avant la fête de la Miséricorde qui est célébrée chaque année le dimanche qui suit le dimanche de Pâques.

Troublante coïncidence : Jésus avait prévenu Faustine que de la Pologne sortirait une étincelle qui préparerait le monde à Son ultime venue, hors lorsqu’il posa les pieds désormais chaussés des souliers de saint Pierre sur sa terre natale, Jean-Paul II confia solennellement le monde à la Divine Miséricorde, donnant de ce fait un rayonnement universel à l’exceptionnelle mission de sainte Faustine. Autre troublante coïncidence : le pape polonais s’éteindra après les vêpres de la Divine Miséricorde du samedi 2 avril 2005, veille du dimanche de la Miséricorde, fête qu’il avait lui-même instituée, laissant au monde un message posthume dans lequel il souligne combien chacun a besoin d’accueillir la Divine Miséricorde. Ce dimanche-là, son testament spirituel sera diffusé sur les ondes, amplifié par la vive émotion qui saisit la planète à l’annonce de sa mort. L’adéquation du message avec la date en décupla la portée. Tout comme Faustine, Jean-Paul II fut canonisé un dimanche de la Divine Miséricorde.

Cela me bouleverse de voir la peine que Jésus se donne encore pour nous en dépit de notre mépris et des horreurs dont on gave l’humanité endolorie alors qu’il est de notre responsabilité de la rassasier d’amour et de lumière. Il s’en désole : « Pour mes bienfaits, j’obtiens l’ingratitude ; pour l’amour j’obtiens l’oubli et l’indifférence. Mon cœur ne peut supporter cela. »

Personne n’aurait misé un kopeck sur la canonisation de la petite sœur polonaise qui travailla comme simple cuisinière, jardinière ou encore portière dans plusieurs maisons de sa Congrégation sans rien dire qui puisse trahir l’extrême richesse de sa vie mystique émaillée de phénomènes extraordinaires : extases, visions de Jésus, de la Vierge, d’anges, stigmates cachés, don de bilocation, visite de l’enfer et du paradis, j’en passe et des meilleurs. Celle que Jésus avait prédestinée à devenir la secrétaire de sa miséricorde fut emportée à trente-trois ans par la tuberculose. Pourquoi dis-je avec aplomb que cette belle âme était prédestinée ? Parce que Jésus lui avait lâché : « Ma fille, lorsque j’étais devant Hérode, je t’ai obtenu une grâce, c’est que tu saches te tenir au-dessus du mépris humain et que tu marches fidèlement sur mes traces. » Mission accomplie pour cette jeune Polonaise qui fut canonisée par Jean-Paul II en l’an 2000 après un long processus et les miracles requis (dont la guérison inexplicable du ventricule gauche du cœur de l’abbé Ronald Pytel, Américain d’origine polonaise, obtenue grâce à ses paroissiens qui avaient prié Faustine pour son rétablissement).

Dans les moments de doute ou de dérapage incontrôlé des événements, je lance à tue-tête vers Jésus cette oraison jaculatoire (j’adore ce mot rigolo qui soulage mon impuissance en insufflant un peu de légèreté dans les conjonctures chaotiques) : « Jésus, j’ai confiance en toi. »

Cela me fait l’effet d’une douche fraîche un jour de canicule et dans la vie, on a quelquefois bien besoin d’une bonne douche fraîche.

Mais quand au contraire, l’hiver arrive – winter is coming diraient les fans de GoT (Game of Thrones pour les profanes) – que dehors, il gèle à pierre fendre et que la neige étouffe les bruits, voici ce que je fais, moi qui suis fan de God (sans e final, bande de polissonnes et de garnements) : je me sers de ma foi à la manière d’une couette douillette, je m’y enroule avec délice comme dans les bras de mon divin amant après l’extase de l’amour. Le crépitement rassurant d’un feu de bois dans la cheminée, la senteur épicée du pin qui brûle, la lumière orangée et dansante des flammes donnent à la scène une allure fantasmagorique et ajoutent au plaisir des sens. Je me tiens en haut de la montagne immaculée, à la pointe de moi-même dans mon chalet en bois, cossu et accueillant. Indifférente à la tempête rageuse qui frappe les carreaux, je suis en sécurité dans mon sanctuaire intérieur. Cela ne m’est pas donné, je gravis la paroi abrupte jusqu’au sommet, construis le chalet, séduis l’amant et entretiens le feu. Lorsque se fait sentir l’urgence de trouver un sens à la turpitude de cette vallée de larmes qui blesse mon cœur plus souvent qu’à son tour, je murmure pour moi-même dans un souffle d’espérance : « Jésus, j’ai confiance en toi, Jésus, j’ai confiance en toi. »

Rassérénée par ce grisant mantra psalmodié jusqu’à m’en convaincre, qui sous-entend qu’un beau jour tout prendra sens, qu’on se dira alors bouche bée en se frappant le front de la main : « Bon sang, mais c’est bien sûr ! », j’atteins péniblement, mais assurément une zénitude quasi bouddhique.

Mais prompte à l’oubli telle Dory, affable comparse du papa de Nemo, le mignon poisson-clown héros de l’empire Disney, je ne suis qu’un petit poisson insignifiant et sans mémoire perdu dans l’immensité de l’océan. Je me vois contrainte de tout recommencer à la prochaine angoisse existentielle !


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