Enfance

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Jusqu’à mes 6 ans, j’ai passé une enfance joyeuse. Je me rappelle les Noël avec ma petite sœur que j’aimais tellement et mes parents qui, dans ces moments-là, étaient de vrais parents attentionnés. On passait parfois cette fête avec toute la famille, puis je me souviens des nouvels ans avec Nicolas, mon copain d’enfance et ses parents que j’ai perdu de vue à mes 13 ans sans aucune explication. C’étaient toujours des moments de grande joie. Ces repas familiaux chez mes grands-parents aussi, où tout le monde était réuni dans la bonne humeur. C’était le bon vieux temps. Depuis que mon grand-père est parti, ma grand-mère est fatiguée de vivre, elle est suicidaire dans ses propos, et les repas se font en petit comité. Je ne me rendais pas bien compte du monde environnant alors je vivais sans angoisses. Mes parents n’invitaient jamais personne à la maison, mes relations avec mes rares copines s’arrêtaient à l’école. Mon monde était ma maîtresse d’école, ces quelques connaissances de cours de récréation et ma famille. Ma maîtresse s’appelait France et a toujours dit à mes parents que j’irai loin dans la vie. Je n’ai jamais compris pourquoi ! Puis l’ironie quand on pense qu’à 30 ans, je suis toujours sans emploi et sans diplôme.

A 6 ans, je suis entrée à la grande école. Ça aura été une rentrée angoissante pour une petite fille comme moi nouvellement sujette à l’anxiété. Ma mère m’a accompagnée ce premier jour, m’a clairement jetée dans la gueule du loup sans le savoir. Ma maîtresse était ni plus ni moins qu’un tyran, je n’avais personne à qui me confier. Je ne connaissais personne vu que je venais de déménager. Madame Siano criait sur tout le monde, hurlait même. Elle enfermait régulièrement un africain dans le cagibi, dans le noir. Elle devait être raciste. J’étais apeurée face à elle et je ressentais une grande injustice pour ce garçon qu’elle traumatisait. Une fois, j’ai eu écho d’une élève qu’elle aurait attachée, car elle bougeait trop. Cette femme m’aura beaucoup perturbée. En plus d’elle, cette année, j’étais à côté d’un garçon, Amir, qui me menaçait de me frapper à chaque fois que je m’approchais de Manon.

J’ai rencontré Manon en début d’année, dans la cour de récréation. J’ai tout de suite eu un coup de cœur amical, un coup de foudre pour cette fille que je trouvais si belle et si attachante. Je lui ai demandé « tu veux être ma meilleure amie ? » sans même avoir eu de réelles conversations avec elle, elle m’a pourtant répondu « oui » et depuis, nous sommes inséparables. Quel flair on a pu avoir ce jour-là !

L’année suivante, j’étais en classe avec Amir encore. Notre professeur était un monsieur qui toujours, lisait le journal, fumait sa clope, buvait son café… Pendant que nous, nous jouions aux robots et autres, nous déplacions souvent les tables à notre guise. Amir se montrait dominateur et me faisait toujours aussi peur, mais cette année-là, j’ai réussi à plus ou moins vaincre ma peur pour au final passer des moments parfois agréables avec lui jusqu’à rire ensemble. Nous jouions ensemble pendant les cours et, avec le temps, j’ai fini par comprendre que ces menaces n’étaient que paroles. Donc, cette année-là, je me suis mise à côtoyer Manon sans peur qu’il ne me tombe dessus.

Ces deux années chaotiques m’ont rendue timide et anxieuse à l’extrême. Ma première professeur d’école qui tétanisait tous les élèves, Amir, puis le silence de mon second professeur face a ce qu’il pouvait voir en classe comme les fois où Amir me menaçait... Je les ai très mal vécus ces deux années et je n’osais pas en parler à mes parents ni à Manon. Je n’avais pas confiance en l’adulte. J’avais peur de leurs réactions, qu’ils ne puissent rien faire aussi, j’avais peur qu’ils mettent la faute sur moi, j’étais complètement muette quant à ce qu’il se passait à l’école.

Malgré tout, j’avais un bon niveau scolaire, car entrée en CE2, lors des évaluations globales, j’ai eu de très bons résultats. J’étais d’ailleurs la chouchoute de mon professeur et, en début d’année, j’ai eu la gigantesque surprise de ne pas voir Amir parmi les élèves. Mon persécuteur avait dû changer d’école.

A 7 ans, je me souviens avoir été invitée chez ma cousine handicapée moteur. Elle est en fauteuil roulant depuis toujours, elle a manqué d’oxygène à sa naissance. Mon papy nous a déposées devant la maison de son père, ma sœur et moi, et est reparti. Nous avons donc toqué à la porte et, là, mon oncle nous a ouvert. Il était en tee-shirt sans rien en bas, le pénis à l’air. Il n’était pas en érection. Je me rappelle que ma cousine est revenue de sa chambre en larmes, à moitié nue. J’ai donc attrapé le bras de ma petite sœur, nous nous sommes mises à côté de ma cousine et nous avons fait bloc devant son père. Là, le pénis en face de mes yeux, il nous a dit « mettez-vous à l’aise ! » ce qui voulait dire « déshabillez-vous comme nous, ne gardez que le tee-shirt ». Je lui ai fais signe de la tête que non. Puis black out, impossible de me souvenir de la suite…

Malgré cet événement, les trois dernières années de primaire se sont passées disons normalement. Je n’ai pas eu de problèmes particuliers hormis mes angoisses. En revanche, une chose que j’aimais beaucoup durant ces trois années, est qu’avec ma nouvelle amie Edwige, nous écrivions des petites histoires dans des carnets. Nos petits cahiers se remplissaient assez vite, nous mettions en vie des personnages comme vous et moi.

La primaire est passée assez vite, je n’étais pas du tout épanouie, vous l’imaginez bien, mais pas malheureuse non plus. J’étais un fantôme à l’école, personne ne me remarquait et j’appréciais beaucoup cela. Je côtoyais beaucoup Edwige, maintenant que Manon avait changé d’école au CE2, comme Amir, suite au divorce de ses parents.

Je n’ai pas aimé mon enfance. Je me sentais mise à l’écart par mes parents qui, sans aucun doute, préféraient ma petite sœur à moi. Elle avait toujours de meilleurs cadeaux, elle était toujours chouchoutée, il ne fallait rien lui dire sous peine que mes parents me tombent dessus.

Une enfance des plus banales, mais ô combien déprimante.

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