Mars

4 minutes de lecture

Coeur de Thibault de Montaigu

Il est question dans ce roman de l'obligation pour un fils de se montrer digne de son héritage, d'être à la hauteur du père ou du grand-père. D'un lien qui unit, au travers du temps, plusieurs générations et gâche des vies. Mais qu'en est t-il, lorsque l'exemple se révèle trop écrasant ? Le père ne sait pas vivre et contamine l'enfant qui à son tour transmet la malédiction.

Pour faire plaisir à son père Emmanuel, en fin de vie, je ne dis pas mourant, car sa nuit dure plusieurs années avec des éclaircies, Thibault songe à écrire l'histoire de son arrière grand-père Louis, Capitaine de cavalerie, mort dans une charge héroïque en 1914. Il ne sait pas encore que son père lui donne la clef pour défaire la malédiction familiale. Il s'efforcera pourtant à comprendre les raisons de cet acte insensé, des sabres et des chevaux contre des mitrailleuses, et stopper sa résonance afin de libérer les vivants. Voyage au pays des nobles estropiés et de leurs misères hautaines.

Une très belle plume au service d'une réflexion profonde et salvatrice.

Adèle et moi de Julie Wolkenstein

Pour évoquer son arrière-grand-mère Adèle, Julie invoque ses maisons, sa façon de les habiter, pour parler de sa vie et de son temps. Elle nous invite dans sa demeure de Normandie à Saint-Pair, à la Croix de Gaud, size dans un hameau qui lui servit de refuge lors de la défaite de Sedan en 1870, elle avait alors 10 ans et qui lui laissa une empreinte indélébile. Nous l'habitons à notre tour, avec elle. Elle nous sert de guide pour traverser le temps, les chagrins comme les joies. L'autrice y mêle un peu de sa propre vie, en écho à celle de son aïeule. La maison se fait navire, prête à affronter les tempêtes d'une vie. Un secret de famille ronge Adèle sans qu'elle le sache, fruit vénéneux des conventions de la belle époque, qu'elle découvrira avec nous et n'aura de cesse de cacher avant que tout cela ne perde son importance, au fil du temps. Et toujours les lieux demeurent, ses maisons l'abritent et lui font un repère dans son âpre voyage immobile. Une langue simple et belle au service d'une pensée ciselée. Un livre qu'on quitte à regret.

La route des estuaires de Julie Wolkenstein

J'ai voulu retrouver l'ambiance immersive que Julie Wolkenstein avait créée dans "Adèle et moi", dix ans plus tôt. J'ai terminé ce court roman, par fidélité pour une autrice qui avait tant su me charmer alors. Le récit commence réellement à la page 55. Avant ce sont des bavardages. L'autoroute de l'Ouest, l'A13, censée servir de fil rouge, ne mène nulle part, si ce n'est à Saint-Pair dans la Manche dont j'ai la nostalgie depuis Adèle. Les sentiments qu'elle dépeignait avec tant de précision dans le roman précédent se sont effilochés au vent du souvenir. L'évocation du drame qu'ont vécu ses parents et qu'elle même, bien qu'enfant, n'a probablement pas pu occulter, est poignante. Cet événement, qui est le centre du récit, est peut-être resté trop proche d'elle, malgré un demi-siècle de distance, pour qu'il me touche au cœur, tant il est vrai qu'en la matière, le temps ne change rien. Les blessures d'enfance restent toujours vives quoiqu'on fasse. J'ai trouvé son écriture remplie de digressions fatigantes, obligeant à revenir sur ses pas, pour retrouver son chemin, comme elle le dit assez finement au travers d'une citation d'Alfred Hitchcock. J'en garde tout de même le souvenir agréable d'avoir pu à nouveau me promener avec elle, comme avec une amie qu'on retrouve changée mais dont on aime le souvenir.

Des gens sensibles d'Eric Fottorino

Dans ce court roman, Eric Fottorino évoque les débuts d'un écrivain, à Paris, dans les années 90. Il découvre le monde de l'édition avec pour guide, son attachée de presse, Clara excessive, passionnée et engagée. Elle lui fait découvrir la littérature algérienne, avec ses héros, traqués par un régime assassin, à la fois magnifiques et fragiles, en écho à la propre recherche identitaire de l'auteur. Un voyage au royaume des idées et de la fidélité en amitié avec l'écriture tendre de Fottorino.

Toutes les familles heureuses d'Hervé le Tellier

Hervé le Tellier s'est battu tout le roman pour me convaincre. Il parle de son enfance et de sa drôle de famille. "On n'échappe jamais à ce qui nous a manqué". Cette phrase toute simple, il la écrite et je l'ai reçue, non comme un mantra à se réciter pour comprendre sa détresse et tenter de survivre à son enfance, mais comme la parole d'un homme normal, capable de surmonter les épreuves d'une vie, sans haine. Il y a de la grandeur dans sa constance et c'est petit à petit qu'il a emporté mon adhésion. J'ai apprécié la compagnie de cet homme courtois et sensible et j'ai écouté comme une faveur, ses confidences toutes en délicatesse. Il m'a profondément ému lorsqu'il a évoqué son premier amour et sa présence auprès d'une mère à qui je n'aurais pas su garder mon affectation. Un récit tendre, drôle et triste tout à la fois, que je recommande.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Philippe Meyer ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0