Mai

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Yoga d'Emmanuel Carrère

Je ne sais pas si on peut vraiment résumer Yoga. Cette discipline que Carrère a pratiqué toute sa vie, sert d'épine dorsale au roman, comme à l'auteur.

Carrère nous prête son regard, nous donne à voir ses pensées, dit tout, sans fard, sans faire joli, parle d'amour, d'angoisse, de sueur, de crasse, de mort, de folie. Et c'est beau parce que c'est lui. Une histoire de survie, à boire la tasse, à couler pour de bon dans les profondeurs de ses névroses et à refaire surface in-extremis. Qu'est-ce qu'une névrose ? Un dosage de sel de lithium dans le sang ? Un regard aigu sur la réalité de l'existence ? Carrère ne donne pas la réponse. Il cherche, et nous avec, l'équilibre extrêmement ténu entre la joie et le désespoir qui font de nos vies, une aventure périlleuse.

Les âmes grises de Philippe Claudel

De Philippe Claudel, j'ai déjà lu "Crépuscule", histoire d'une enquête dans un pays reculé, un roman passionnant et magnifiquement écrit. "Les âmes grises" possèdent la même atmosphère pesante avec une once de cruauté en plus. Nous sommes pendant la première guerre mondiale, dans un village proche du front. Mêmes s'ils sont miraculeusement préservés de la guerre, les habitants mènent une vie rude, on voit les trogne, on sent l'odeur de leur misère et le poids des plus grands qu'eux qui pèsent sur leurs épaules, pire que des privilégiés de l'ancien régime. Tout est gris dans ce monde qui détruit jusqu'à l'espoir de petites gens pourtant revenus de tout. D'espoir, j'en ai encore besoin et de surprises aussi, voilà pourquoi j'ai terminé ce "beau" roman en diagonale, ravi de retrouver une existence plus légère.

Confessions d'un chasseur d'opium de Nick Tosches

De l'opium considéré comme la drogue des esthètes et le plus court chemin vers le ciel. Source d'extase et d'ouverture de l'âme, l'opium a quasiment disparu de la planète, au profit de drogues plus rémunératrices, sales, brutales et trafiquées. Nick Tosches part à la recherche de la dernière fumerie d'opium avec l'acharnement d'un pèlerin sur le chemin de l'illumination. Un texte court, fort et inspirant.

Une vie française de Jean-Paul Dubois

Ce roman raconte avec délicatesse et dérision l'histoire d'un homme qui ne vit pas sa vie, qui n'en est pas l'acteur mais le spectateur et qui se réveille quand il est trop tard. Un voyage tendre et cruel à travers une époque, le temps d'une vie. J'aime le parcours de cet homme si attachant avec ses doutes et son apparente compréhension des humains, qui pourtant nous les décrit si bien.

Le cas Sneijder de Jean-Paul Dubois

Encore une fois le personnage principal et narrateur de ce roman de Jean-Paul Dubois est un loser attachant, un type que j'aimerais avoir pour ami. Il s'est laissé porter par la vie, laissé faire par sa femme et ses fils au point de ne plus se reconnaître lui-même. Il faudra un accident pour qu'il réagisse enfin et rue dans les brancards. Mais la réalité va lui revenir comme un boomerang ! Je l'ai lu dans le train. Je l'ai terminé juste à temps pour descendre à la gare d'arrivée, en courant ! Un délice.

Nord perdu de Nancy Huston

Nancy Huston réalise ici une dissertation sur ce qu'a provoqué en elle, le fait de quitter son Canada natal et son installation en France, changement de culture et de langue. J'ai trouvé ses premières considérations intéressantes, un peu ardues et puis se faisant, passionnantes. Certes, certaines idées m'ont laissé un peu perplexes. Je n'ai pas vécu les mêmes bouleversements qu'elle, alors je l'écoute. Quand elle pense que le fait d'être venu en France lui a permis de se construire elle-même et non d'être construite par son environnement, y compris familial, je la laisse dire. Choisit-on vraiment sa vie ? Dire qu'on a construit sa vie, c'est un peu comme tricher à ces jeux de labyrinthe des magazines jeunesse, on l'on trouve plus facilement le chemin en commençant par la fin. Pourtant, devenir expatrié doit représenter un bel accélérateur personnel ! Elle est très agréable à lire et le sentiment de déphasage, voire de détresse qu'elle décrit est parfaitement crédible. Je l'adore quand elle ironise sur le temps qui passe et fait apparaître des traits ataviques gênant et elle me passionne lorsqu'elle évoque la volatilité de la mémoire. Une démonstration éloquente et juste.

Abandonner un chat, souvenirs de mon père d'Haruki Murakami

Je viens de relire ce texte court de Murakami que j'avais un peu oublié. Je note mes impressions pour l'ancrer cette fois dans ma mémoire. Avec l'écriture simple et fluide qu'on lui connaît, il raconte la vie de son père. L'anecdote du chat, que je ne déflorerais pas, lui sert de fil conducteur, pour dérouler ses souvenirs. Son père, homme doux et poète, dû partir au front à plusieurs reprises. Cette expérience l'affectera beaucoup et il en concevra un état mélancolique qu'il transmettra à son fils. Haruki Murakami refaisant l'itinéraire de son père finira par comprendre avec amertume et humilité que nos existences sont totalement liées au hasard, lui qui n'aurait pas dû naître si son père n'avait pas miraculeusement survécu à l'hécatombe collective.

Le roman de Jim de Pierric Bailly

Le roman de Jim est profondément émouvant sans chercher à l'être. L'écriture de Pierric Bailly, que je découvre, est toute simple, légère. C'est le récit d'un amour paternel qui accompagne toute une vie, qui en est le fil conducteur et lui donne son sens. Aymeric, qui vit sa vie de hasards, sans direction, sans ambition, à la marge, va rencontrer un enfant, et ce fils qu'il n'attendait pas, il va l'aimer envers et contre tout, va penser le perdre. Mais la vie recèle parfois des surprises à ceux qui savent lui être fidèle.

Intérieur nuit de Nicolas Demorand

J'ai été touché par ce témoignage courageux et nécessaire. Quand j'écris nécessaire, c'est un peu maigre : d'utilité publique ! Nicolas Demorand nous raconte son errance médicale, qui révoltera, mais n'étonnera pas, tant la maladie mentale est peu connue, à la fois de la médecine et du grand public. L'auteur nous livre avec générosité un témoignage prenant qui nous fait toucher du doigt la douleur psychique à défaut de la vivre et doit nous rendre plus tolérants.

Je suis encore une fois de plus, affligé non pas tant par l'incurie de certains spécialistes, qui ne sont que des humains comme les autres, que par leur manque d'humilité. A clamer qu'on détient la vérité, ils aggravent les tourments de leurs malades.

Ce livre, s'il est court, est dense, sans longueurs et se lit d'une traite. Je vous le recommande vivement

Une minute quarante-neuf secondes de Riss

Ce livre est d'une force, d'une intelligence et d'une tristesse à couper le souffle. Ce jour du 7 janvier 2015 a fait basculer la vie de Riss dans une autre version de la vie, celle où l'on attend la mort, celle aussi où les faux semblants, les petites lâchetés dont le monde est rempli sont devenues insupportables au survivant. Il raconte les coups bas de la profession et des politiques, l'appât du gain des faux amis et la perte irréparable des proches qui vous fait appréhender la vie comme un vieillard qui a vu mourir tous ses contemporains. Il écrit si bien, avec tant de force et d'exigence qu'on tâte ses abattis pour espérer être à la hauteur. Un récit à vivre, un coup de poing, une leçon.

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