Juin
Le Syndrome de l'Orangerie de Grégoire Bouillier
Une écriture différente de tout ce que j'ai pu lire, à la fois drôle et profonde, déroutante, farfelue, éprouvante, pleine d'auto-dérision et de sérieux. Ce récit nous parle de l'inconscient. Il traque les idées qui se répondent, les correspondances. Caché derrière une privé improbable, il révèle des vérités qui, si elles ne sont pas toutes vraies (va savoir ?) frappent par leur (in)pertinences. (il adore les parenthèses, c'est vrai que c'est bien les parenthèses !). J'ai mis plus de temps à le lire qu'un autre (il demande un peu plus de concentration ! (encore une parenthèse, j'adore !)) mais il en valait le coup. Ah, j'oubliais, ça parle des nymphéas et de Monet (entre autres). Voilà vous êtes prévenus : c'est une étrangeté pétillante (et vous pourriez y prendre goût !)
Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit de Fabio Viscogliosi
De petits textes courts, parfois savoureux, parfois non. A boire et à manger, rien d'indigeste, des douceurs, de jolies nostalgies, un cocktail dinatoire, jusqu'au coup de massue final. Fabio Viscogliosi nous a enivrés l'air de rien. Tout ce temps il avait ça en tête. Ça n'est pas rien, "ça" est un choc, à peine évoqué, à mi-voix, comme le reste. On pourrait presque le dépasser, emporté par notre élan. Mais ça donne envie d'en savoir plus, en lisant ce roman où il parle de ça "Mont-Blanc".
Cap Canaveral de Grégoire Bouillier
Un récit très court, une nouvelle, une bizarrerie malaisante. Un texte parfaitement écrit, un peu dégueulasse, qui vous laissera paumé, pas longtemps. Vous voudrez l'oublier (c'est trop tard, vous l'avez lu, il est court, je l'ai déjà dit), vous secouerez la tête comme pour chasser une mauvaise pensée. Mais ça reviendra quand même, préservé dans votre esprit par le talent de l'auteur qui l'excuse. (faudrait pas trop me refaire le coup quand même, de la fille indigne !)
Chagrin d'un chant inachevé de François-Henri Désérable
Il s'agit de la relation de son voyage en Amérique latine. Le chant inachevé est celui d'Ernesto Guevara dit le Che, révolutionnaire mythique d'un continent martyrisé et surtout l'occasion de voir du pays, de côtoyer le peuple. Il ne savait même pas parler l'espagnol. Ils étaient partis à deux mais l'ami interprète avait dû rentrer en France. Comme il l'explique, ce n'est pas tant le panorama qu'il nous décrit, que la vie d'un routard, à hauteur d'homme. J'ai adoré me jucher sur son sac à dos, bien à l'abri. J'ai même appris quelques mots au passage comme "Palafitte", même si ceci est anecdotique. M'en restent de vives impressions de jungle, de montagnes et de déserts.
Magnus de Sylvie Germain
Je découvre avec enthousiasme Sylvie Germain avec Magnus. Un roman à nul autre pareil, différent de tout ce que j'ai pu lire, un genre de collage kaléidoscope autour du personnage de Magnus, de ses réflexions, de ses crises, ses fulgurances. Nous suivons le cheminement d'un homme et une quête de sens qu'il poursuit sa vie durant. Il tente d'échapper à la folie promise par une enfance brisée, obscure, malsaine. Une époque charnière qu'il devrait tout faire, pour oublier mais qui, parce que l'amnésie le frappe, devient une obsession. Il cherche partout des signes, des correspondances entre le monde et sa mémoire en miettes. Deux mères mortes, un père disparut qu'il piste. Il trouve, vaille que vaille, ses propres repères que le destin se charge toujours de remettre en question. Il poursuit sa quête vitale sans concession, toujours au bord de l'abîme. Il me reste des images de ses différentes vies et son exigence inconditionnelle de vérité. Un roman superbe !
Mauvais Élève de Philippe Vilain
J'ai lu ce roman avec enthousiasme. Mon regard glissait sur les phrases avec gourmandise. Il me fallait lire la suite. J'étais surfer sur la vague, enivré par leur intelligence, leur délicatesse. Parti de rien, sans repère, cancre méprisé il découvre la lecture (comme René Frégni) et pressent que celle-ci va le sauver. L'auteur se fait sociologue et sans renier son passé, le décrypte et nous montre, avec une humble sincérité, le chemin qui lui a permis d'accomplir son rêve : devenir écrivain. Il décrit la cité, le bahut, sa famille. Il vous dira, en passant ce qu'il pense du milieu littéraire. Tout ça pour dire que ce livre, même si j'y viens, n'est pas entièrement consacré à Annie Ernaux, dont il fut l'amant et le disciple. Bien longtemps après cette aventure qu'il nous raconte, il montre un grand respect - on sent bien qu'il fût très épris - mais remet quelques pendules à l'heure, sans acrimonie et toujours passionnant.
Un roman à mettre en parallèle avec "Le jeune homme" d'Annie Ernaux, maigre opuscule (on me pardonnera ce pléonasme, car le court récit l'est surtout littérairement) que la grande Dame fît de cette relation.
Vous avez compris, je préfère nettement Philippe Vilain !
Le jeune homme d'Annie Ernaux
Je n'ai pas aimé ces 38 pages qu'Annie Ernaux a daigné consacrer à un jeune homme suffisamment épris d'elle, pour lui consacrer plus de 5 ans de sa vie. C'est que je la lis après "Mauvais élève" de Philippe Vilain, le A. de l'histoire. Lui la respecte, montre a quel point elle a compté dans son existence d'ancien cancre devenu à force de courage, écrivain reconnu. A-t-elle réellement assumé leur différence d'âge ? Elle ne cesse de le réduire à peu de choses, lui qui parvient à vaincre les déterminismes sociaux avec une foi inébranlable. Quand elle dit que ses fils sont sa mort, elle montre sa vanité, car si nos parents nous protègent de la mort tant qu'ils sont vivants, nos enfants prolongent la vie et sont notre consolation. Elle est clairement cynique et je pense qu'elle aurait dû s'abstenir. La réponse est venue 2 ans plus tard, je vous engage à la lire.
Les Jours viennent et passent de Hemley Boum
C'est un récit cruel et attachant. On se prend à aimer les personnages et on souffre d'autant plus de les voir peiner en chemin, tenter de se construire dans un Cameroun brisé par les ombres de la colonisation et qui se reconstruit dans la haine, l'injustice et le mépris de classe. Les problèmes de couple de la fille d'Anna qui un temps occupent tout l'espace, nous paraissent à la fin négligeables en regard du destin de ceux qu'on a pas su protéger pour n'avoir pensé qu'à soit même. Un roman, pesant par moments, avec quelques longueur et des passages délicieux
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