Chapitre cinq : Zetian

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Lieu : temple de le Grande Déesse

Heure : 19h00

Depuis des heures, Zetian dévorait les ouvrages les uns après les autres, avec l’acharnement d’une âme affamée de savoir. Chaque page tournée faisait jaillir un flot de questions, auxquelles Astral répondait avec une patience sans faille, lui transmettant les clés de ce monde nouveau.

Le soleil déclinait lentement, projetant sur les murs de longues ombres d’ambre et d’encre. La lumière mourante enveloppait le sanctuaire d’une atmosphère solennelle et presque irréelle.

— Ma chère, il se fait tard, dit Astral doucement. Nous devrions faire une pause et profiter d’un bon dîner.
— Non, je ne peux pas m’arrêter maintenant, répondit-elle, inquiète. Il me reste tant à apprendre… et si peu de temps.
— Tu te trompes. Tu as encore plusieurs jours devant toi pour parfaire tes connaissances, répondit-il avec douceur.

Elle baissa les yeux sur le manuscrit qu’elle peinait à lire.

— Comment peux-tu en être aussi sûr ? As-tu oublié la vision de l’astrolabe ? En cet instant même, des innocents fuient ou tombent sous les griffes du chaos. Ils attendent... des héros.
Elle s’interrompit, les lèvres tremblantes.
— Et je ne suis pas ce héros. Je ne sais même pas me défendre... Alors protéger un peuple ? C’est absurde.

Malgré ses doutes, elle rouvrit son livre, bien décidée à continuer. Mais ses pensées tourbillonnaient, les mots s’emmêlaient, les lettres dansaient, et ses mains tremblaient comme si elle s’accrochait à une planche de salut.

Allez, Zetian. Tu ne peux pas faiblir maintenant.

Ce fut la main chaude d’Astral, posée sur son épaule, qui la ramena doucement à la réalité.

— On ne peut pas sauver tout le monde, dit-il. C’est une vérité difficile… Mais il reste mille vies à protéger. Mille raisons de se battre. Et pour cela, il faut aussi savoir s’arrêter. Se ménager. S’entraîner. Prendre soin de toi.

Zetian le fixa longuement, puis referma lentement le livre.

— D’accord.

Un mince sourire éclaira le visage du Tisseur du Ciel.

— Dans ce cas, suis-moi. Je connais l’endroit parfait pour se détendre après une journée d’étude.
— Vraiment ? Lequel ?
— Une auberge du quartier sud : Le Lotus Blanc. L’ambiance y est aussi chaleureuse que la tenancière, et les plats… un délice.
— Tu m’as convaincue. Allons-y.

Astral frappa trois fois dans ses mains. Aussitôt, les livres s’envolèrent pour regagner leurs étagères, ce qui fit écarquiller les yeux de Zetian. Ils descendirent les longs couloirs du temple, saluant les prêtresses croisées sur leur passage. Lorsqu’ils franchirent le seuil du sanctuaire, une bise glacée les cueillit de plein fouet. Zetian frissonna violemment : sa robe de lin n’offrait qu’une illusion de chaleur.

Sans un mot, Astral retira sa longue cape et la posa sur ses épaules.

— Ça va mieux ?
— Oui… mais… Et si tu tombais malade à cause de moi ?
— Je suis plus résistant qu’il n’y paraît, répondit-il en souriant. Et puis… je n’aimerais pas que tu prennes froid. Pas toi.

Touchée par son geste, Zetian baissa brièvement les yeux.

— Il ne manque plus qu’Espérance, dit Astral gaiement, et nous serons au complet.

Il leva la main, qu’une douce lumière céleste enveloppa.

Sniojer-suon !

Un cri fendit la nuit. Zetian leva les yeux juste à temps pour voir Espérance fondre des cieux, ailes déployées, avant de se poser avec grâce sur l’épaule d’Astral.

— J’espère que tu as une bonne raison de m’avoir dérangée de ma sieste.
— Je vais amener Zetian au Lotus Blanc, répondit Astral avec un sourire.
— Dans ce cas… allons-y ! On a déjà perdu assez de temps ! s’écria Espérance avec enthousiasme.

Zetian les suivit silencieusement à travers plusieurs jardins royaux, jusqu’à ce qu’ils atteignent une ville animée, illuminée par des lanternes multicolores.

— Bienvenue dans notre magnifique capitale, déclara Astral d’un ton enjoué.
— C’est magnifique…
— Et encore, tu n’as rien vu ! lança Espérance d’un air taquin.

Ils traversèrent les allées d’un marché nocturne. Des lanternes suspendues diffusaient une lumière douce qui baignait les pavés. L’air embaumait les épices, les viandes rôties, les pâtisseries mielleuses… Tous les sens de Zetian étaient en éveil. Son regard glissait sur les étals : tissus chatoyants, instruments de musique sculptés, fioles de verre contenant des liquides luminescents…

Si seulement Roxanne était là… Elle aurait adoré cet endroit.

— Zetian, attention !

Un ruban incandescent s’abattit à quelques centimètres de son visage. Elle poussa un cri, figée par la surprise. Astral la tira vivement contre lui, la sauvant de justesse.

— Est-ce que ça va ? Tu n’as pas été touchée ?
Encore déboussolée, elle secoua lentement la tête.
— Qu’est-ce que c’était ?
— Les danseurs de feu, soupira Espérance. Je t’ai appelée trois fois, mais tu étais trop absorbée par tes contemplations.

Zetian baissa les yeux, gênée.

— Je suis désolée… murmura-t-elle, se dégageant de son étreinte.
— Ce n’est rien, lui répondit Astral avec tendresse. Ce monde mérite d’être contemplé. Mais il faut aussi rester attentif.

— Bon, si on continue à ce rythme, on n’arrivera jamais ! s’exclama Espérance, déjà agacée.

Astral gloussa et caressa la tête de sa véritas.

— Très bien. Il est temps de prendre un raccourci.

Il décrocha une petite fiole de sa ceinture et en déversa le contenu sur lui et Zetian.

— Qu’est-ce que c’est ?
— De la poudre d’étoiles.

Zetian sentit son corps s’alléger… puis ses pieds se détachèrent du sol. La panique la submergea.

— Pourquoi est-ce qu’on flotte ?! Qu’est-ce qui se passe ?!

— On prend un raccourci, répondit Astral avec amusement.

— Je vais nous chercher une table, lança Espérance avant de s’élancer dans le ciel nocturne.

Zetian, pétrifiée, s’accrocha au bras d’Astral. Il lui murmura des paroles apaisantes, des mots doux comme des plumes dans le vent. Peu à peu, elle se détendit. Sa peur s’effaça, remplacée par un émerveillement nouveau.

Sous elle, la ville s’étendait comme un tapis de lumière. Les lanternes flottaient dans les airs comme des lucioles, les toits sombres reflétaient les feux du marché, et les rires s’élevaient dans la nuit comme un chant lointain.

— C’est… magnifique, murmura-t-elle en relâchant peu à peu sa prise.
— Je savais que ça te plairait.

Ils survolèrent un lac paisible aux eaux scintillantes. Juste en contrebas, niché entre les arbres, se trouvait un restaurant dont le reflet dansait sur l’eau comme une peinture vivante.

— Accroche-toi. Nous allons atterrir, murmura Astral.

Elle s’agrippa à lui, et ils descendirent doucement jusqu’au sol.

La façade du Lotus Blanc était ornée de lanternes de soie, chacune portant des vers dorés ou des plats calligraphiés. Une douce mélodie de pipa s’échappait de l’intérieur, enveloppant les lieux d’un charme serein.

Une jeune hôtesse à la peau écarlate, vêtue d’une blouse verte et d’une jupe blanche nouée d’un ruban bleu, les accueillit avec grâce.

— Bienvenue au Lotus Blanc, honorables invités. Je vais vous conduire à votre table.

Zetian suivit Astral à travers la salle. Chaque tapis racontait une histoire. Chaque fresque représentait des jardins célestes baignés de lumière. Elle n’osait même pas cligner des yeux.

— Ma chère, nous arrivons dans la salle principale, dit Astral.

Les lourdes portes s’ouvrirent. Au centre, Espérance les attendait déjà.

— Enfin ! Je commençais à désespérer, lança-t-elle, faussement indignée.

Autour de la table basse, des coussins brodés les invitaient à s’asseoir. Dessus s’étalaient des mets colorés : riz parfumé, raviolis en forme de lotus, bouchées vapeur, poisson frit, artichauts farcis, côtes de porc à la vapeur…

— Prends place, ma chère, dit Astral.

Elle s’installa, encore fascinée.

— Le Lotus Blanc est l’un de mes refuges préférés. Rien de tel pour apaiser les tourments, tout en dégustant des plats sublimes.

Zetian hésita devant l’abondance de choix.

— Si tu veux un conseil, commença Espérance, commence par le riz gluant dans cette sauce sucrée-salée. Ensuite, tu empiles un artichaut grillé et un ravioli. Et là, tu comprendras…

Elle suivit les instructions. À la première bouchée, ses yeux s’agrandirent.

— C’est… incroyable.
— Je t’avais prévenue, dit la véritas, triomphante. Et attends de goûter le dessert.

Tout au long du repas, les rires se mêlèrent aux parfums. Zetian oublia le poids du destin, les visions sombres, ses propres doutes. Elle se resservit, savourant chaque bouchée. Astral l’observait avec un sourire discret, heureux de la voir enfin relâcher la pression.

Pour le dessert, elle goûta au bi luo : une pâtisserie croustillante en forme de feuille, garnie d’un cœur moelleux à la cerise. Un pur délice.

— Nous devrions rentrer, murmura-t-elle. Il se fait tard…

— Bien. Laisse-moi régler l’addition.

Une servante s’approcha avec un plateau de laiton. Astral y déposa dix pièces d’or et cinq d’argent. Elle les salua avec respect.

— Allons-y. Mais cette fois… on rentre à pied, déclara Espérance en traînant les pattes. Je n’ai pas le cœur à voler avec le ventre aussi plein…

Astral la prit dans ses bras, attendri.

— Très bien.

Ils marchèrent en silence à travers les ruelles. La ville, paisible, semblait s’être assoupie. Les marchands rangeaient leurs marchandises et dépliaient leur étal.

Ce fut une promenade simple, mais pleine de complicité. Au temple, deux prêtresses les accueillirent et les escortèrent jusqu’à l’aile ouest.

— Bonne nuit, Zetian. Tu auras besoin de toutes tes forces pour demain, dit Astral avec calme.

— Bonne nuit, Astral.

Elle entra dans sa chambre, ôta ses chaussures, et s’effondra sur le lit. Le sommeil l’emporta aussitôt.

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