Chapitre sept : Astral

7 minutes de lecture

Lieu : le Palais Céleste
Date : 11 aérien 909

Avant le lever du soleil, Astral quitta ses appartements pour rejoindre Espérance, qui l’attendait déjà à l’entrée du temple.

— Bonjour, jeune maître.
— Bonjour, ma bonne amie. Es-tu prête pour un nouveau vol matinal ? demanda-t-il.
— Toujours !
— Bien. Dans ce cas… reprends ta forme originelle.

À ces mots, la véritas se mit à rayonner d’une douce lumière. Son corps se déploya avec majesté : son cou se redressa, ses ailes s’élargirent et ses pattes s’épaissirent, semblables à celles d’un oiseau céleste.

Lorsque sa transformation fut achevée, l’élégante créature s’inclina pour laisser le tisseur du ciel s’installer sur son dos, avant de s’élancer dans le firmament obscur.
Le vent vif fouetta le visage d’Astral, tandis que les étoiles éclairaient son chemin jusqu’au Palais Céleste.

Espérance atterrit sans bruit devant les grandes portes du palais. Elle se pencha pour qu’il descende, prête à reprendre sa forme d’emprunt, mais il posa une main sur son bec pour l’en empêcher.

— Tu dois accomplir une mission pour moi avant de me rejoindre.
— Je t’écoute.
— Va jusqu’à la demeure des Oiseaux Célestes et demande-leur s’ils savent où se trouvent Edvald et Roxanne.

La créature ailée hocha la tête, puis s’élança vers l’horizon à grands battements d’ailes. Astral la suivit du regard jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’un point lointain.
Alors seulement, il s’avança vers les imposantes portes rougeâtres gardées par deux sentinelles en armure écarlate, gravées de nuages stylisés. Leurs casques, ornés d’ailes dorées, symbolisaient leur lien sacré avec le ciel.

Ils lui barrèrent le passage en croisant leurs lances.
— Halte ! Montre-nous ta plaque d’identification.

Astral détacha la plaquette de bois accrochée à sa ceinture et la tendit à deux mains, s’inclinant légèrement, comme le voulait l’usage. Le soldat la prit, la scruta, puis se détendit en reconnaissant un tisseur du ciel.
— Ouvrez les portes ! ordonna-t-il.

Les lourds battants s’écartèrent dans un grondement sourd, révélant un long corridor aux murs d’onyx illuminés par des vermillons aux écailles flamboyantes, perchés sur des colonnes dorées.

Astral avança dans le couloir, mais une voix familière retentit derrière lui.
— Astral !

Il se retourna et aperçut Rayum accourir.
— Tu as de la chance que les gardes ne t’aient pas vu courir ! Sinon, ils t’auraient…
— Astral, dis-moi tout. Pourquoi la prêtresse t’a-t-elle amené avec elle ? Es-tu le nouveau…
— Je t’expliquerai tout en temps voulu. Pour l’instant, concentrons-nous sur notre tâche divine, répondit Astral, légèrement gêné.
— Bien. Mais pas question de te défiler après !
— Promis, dit-il avec un sourire embarrassé.

Ils poursuivirent leur marche jusqu’au pavillon de l’Harmonie Céleste, où les autres tisseurs de l’aube se tenaient déjà alignés dans la cour.
— On arrive juste à temps ! s’exclama Rayum d’un ton enjoué.

Au premier coup du gong, ils se mirent en rang.
Au second, les portes s’ouvrirent dans un fracas pour laisser passer la matrone.
Au troisième, les tisseurs du ciel nocturne sortirent du pavillon pour se placer face à leurs successeurs.
Au quatrième, ils se saluèrent mutuellement par respect.
Au cinquième et dernier coup, ils entrèrent et prirent place devant leur métier à tisser.

Un silence solennel s’installa. La matrone leva les bras.
— Les étoiles s’éteignent, et la lune se couche pour retourner dans l’étreinte de l’obscurité, récita-t-elle.

Astral effleura du bout des doigts les fils sombres ; aussitôt, ils se teintèrent d’orange.
— Les enfants du ciel se lèvent pour préparer l’arrivée de l’astre solaire.

Alors, il se mit à l’œuvre. Ses pieds alternaient entre la première et la quatrième pédale, soulevant et abaissant les fils du cadran. La navette glissait entre eux, revenant dans l’autre sens au rythme du poème récité.

— L’aube s’éteint pour laisser place au jour.

Astral s’immobilisa. Il se leva lentement, puis répéta les gestes solennels accomplis à son arrivée, comme une révérence silencieuse à la lumière naissante du jour.
Au moment où il quitta les lieux, Rayum lui attrapa l’avant-bras.

— Pas si vite, tu me dois encore des comptes !
— Bien, bien. Je vais t’expliquer, mais nous devrions aller dans un endroit à l’abri des regards.
— Est-ce si sérieux que ça ? demanda Rayum, confus.
Astral hocha la tête solennellement sans dire un mot.
— Dans ce cas, suis-moi, dit Rayum.

Le jeune homme suivit son ami jusqu’à l’endroit le plus reculé du Palais Céleste : le temple de la déesse Haracia. Arrivés dans le lieu sacré, ils se réfugièrent sous la statue représentant la divinité.

— Déesse, protège-nous. Nous devons nous confier. Préserve-nous des oreilles indiscrètes, demanda Astral.

À ces mots, les yeux et les mains de la statue s’illuminèrent, et une bulle violacée les enveloppa.

— Nous sommes seuls. Tu n’as plus d’excuse.
— Je le sais… C’est juste que je ne sais pas par quoi commencer. Tout s’est passé si vite ces derniers jours.
— Commence par ce qui s’est passé après ta disparition, ce serait un bon début, dit Rayum en posant une main sur sa hanche.

Astral raconta à son ami son voyage avec la prêtresse, sa rencontre avec Edvald, Zetian et Roxanne — en omettant de préciser qu’elles étaient humaines, afin de les protéger —, l’annonce de multiples gardiens pour la première fois dans l’Histoire de l’Éther, et le pouvoir grandissant du chaos.

— Voilà, tu sais tout à présent.

Pour la première fois, le jeune tisseur vit son ami abasourdi. Il mit plusieurs secondes avant de répondre :
— Wow… juste, wow.
— Je sais que c’est difficile à digérer.
— Difficile ? Astral, tu viens de m’annoncer l’apocalypse en personne ! répondit Rayum d’un ton outré, en passant une main nerveuse dans ses cheveux iridescents.
— Je le sais, je le sais. Ce n’est pas facile pour moi non plus, répliqua Astral avec une pointe de panique dans la voix.

Rayum marmonna quelques jurons, puis leva les yeux au ciel.
— Pourquoi maintenant ? Ce maudit dieu n’aurait-il pas pu rester scellé encore quelques décennies ? Non ! Il a fallu qu’il reparaisse pour nous pourrir la vie ! s’écria-t-il avec rage.
— Je…
— J’espère au moins que les trois autres gardiens sont des guerriers aguerris, sinon on est fichus.
— Il n’y a qu’une des deux femmes qui possède l’âme d’un guerrier, quand…
— Et le titan des glaces ?
— Il a une queue de cheval.
— Une queue de cheval ? En es-tu sûr ?

Astral hocha gravement la tête, ce qui redoubla l’agacement de son ami.
— De mieux en mieux. On a un guerrier novice, deux érudits et une seule femme au potentiel martial. Quelle équipe de rêve pour affronter la fin du monde !
— Il suffit ! hurla Astral. Ce n’est pas en insultant mes compagnons que tu changeras quoi que ce soit !

Sa voix trembla et ses mains se crispèrent, comme s’il voulait étrangler l’injustice elle-même.
— Astral, je…
— Tu crois que c’est facile pour moi ? Tu crois que je dors tranquille, Rayum ? Eh bien non ! Je suis terrifié ! Terrifié de porter sur mes épaules l’espoir de tout l’Éther !

La bulle magique vibra sous la puissance de sa voix. Rayum recula, muet.
— Alors ne me parle pas de choix, continua Astral d’une voix plus rauque. Parce que je n’en ai pas. Aucun de nous n’en a. Nous devons juste accepter ce destin tracé par les dieux, comme nos prédécesseurs avant nous.

Sa colère retomba aussi vite qu’elle était montée. Voyant l’expression effarée de Rayum, une vague de culpabilité l’envahit.
— Pardonne-moi, mon ami. Je n’aurais pas dû m’emporter ainsi, dit-il en détournant le regard, honteux.
Rayum s’avança pour poser une main amicale sur son épaule.
— Tu n’as pas à t’excuser. Je suis même flatté que tu te confies à moi.

Le tisseur du ciel esquissa un sourire timide avant de reprendre une posture plus stoïque, malgré le léger tremblement de ses mains.
— Que comptes-tu faire à présent ?
— Rentrer au temple pour rejoindre Zetian, répondit-il calmement.
— Je ne parlais pas d’elle, mais de toi. Que comptes-tu faire maintenant que tu es gardien ?
— Malheureusement, je n’en ai aucune idée…
— C’est bien la première fois que je te vois à court d’idées.

Astral laissa échapper un petit rire nerveux.
— J’ai foi en toi, et je suis sûr que tu trouveras une solution, comme toujours.
— Je te remercie pour ces mots.


" J’espère qu’il a raison."

— Confessions terminées, déclara Rayum.

À ses mots, la bulle protectrice disparut, et l’aura magique de la statue s’évanouit aussitôt.
— Allez, je ne te retiens pas plus longtemps. Va la retrouver, dit Rayum d’un ton faussement dramatique.

Le jeune tisseur leva les yeux au ciel, amusé, puis quitta les lieux pour rejoindre sa chère Espérance, qui devait l’attendre devant les portes du palais.

J’espère qu’elle a obtenu des réponses à mes questions.

En voyant son jeune maître, la véritas émit un roucoulement heureux, puis pencha la tête vers lui. Il la prit entre ses mains pour la caresser affectueusement.
— Comment s’est passé ton voyage ?
— À merveille ! J’ai même pu faire quelques pauses pour manger de délicieuses baies.
— Petite gourmande va ! J’espère au moins que tu as obtenu des informations intéressantes, et pas seulement sur les baies de minuit, répliqua-t-il d’un ton taquin.

La véritas leva la tête et gonfla ses plumes de frustration en entendant cette remarque sur sa gourmandise, ce qui fit glousser Astral.
— Bien sûr que j’ai récolté des informations ! s’indigna-t-elle.
— Je te crois, ma chère.

Comme son compagnon à plumes se mit à bouder, il dut employer la flatterie pour l’adoucir.
— Les Oiseaux Célestes m’ont confié que la Grande Déesse a envoyé Edvald et Roxanne en mission dans le manoir des Nordes.


"On ne les reverra donc pas avant plusieurs jours."


— Tu as fait du bon travail, ma douce. Je t’offrirai une récompense…
— Chouette, j’adore les récompenses !
— Mais seulement une fois arrivé au temple.

Espérance se pencha pour permettre à Astral de monter sur son dos. Lorsqu’il fut bien installé, elle reprit son envol dans les cieux



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