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Une minute de lecture

Un regard mi-clos dans une foule d’hommes en uniformes bleus. Son premier souvenir de Charlotte.

Assise bien droite, ses cheveux blonds noués dans un sempiternel chignon discret. Ses lèvres charnues contrastaient sur sa figure pâle et sérieuse, comme un appel. Autour d’elle, d’autres femmes, peu nombreuses, soufflaient mots derrière leurs mains en paravent. Toutes en uniforme bleu.

Natalya, elle, avait choisi l’uniforme vert. Elle était seule.

Sentiments amers.

Charlotte paraissait pourtant seule, elle aussi. Les commérages de ses voisines ne l’attiraient pas. Elle demeurait statique, rigide, la mimique impassible, les mains sur les genoux, le regard fixe. Un automate qui attendrait son ordre. Elle tenait Natalya dans sa ligne de mire.

Le président de l’Assemblée réclama l’attention générale. Le silence gagna progressivement les quatre bords de cette arène sans armes, où public et combattants ne font qu’un. Les Verts furent les derniers à se taire. On les disait désœuvrés, indisciplinés, enragés. La guerre n’avait pas eu raison de leur réputation. Au contraire : elle leur avait conféré l’impunité. Ils riaient, outrageaient, saccageaient et l’on se devait de les applaudir en toutes circonstances. Avant Charlotte, Natalya se sentait fière d’appartenir au rang des guerriers, des conquérants. À travers leur supériorité, c’était en la sienne qu’elle croyait. Bien sûr, elle en avait dressé quelques-uns, histoire de prouver à tous sa valeur. Sa détermination plaisait à ses supérieurs.

Ce jour-là, Charlotte avait posé les yeux sur elle pour la première fois. Elle employa la séance à trouver un moyen de lui rendre son regard.

« Un duel ? Pour quel motif ? »

On ne la fixait pas dans les yeux impunément. Natalya laissa à son adversaire le choix des armes. Ce fut le pistolet. Elle eut préféré l’épée mais n’en dit rien. Elle savait tirer et ne doutait pas de sa réussite. Pour son malheur, Charlotte ne se contentait pas de savoir tirer. En guise de trophée, elle la dénonça à leur hiérarchie. Les duels dans l’armée étaient interdits. Infirme, Natalya fut privée de terrain jusqu’à nouvel ordre. Elle le paya doublement d’être la risée de ses camarades. Elle enrageait.

Tôt ou tard, elle prendrait sa revanche.

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