Chapitre 11:Hazvorbak le dépravé
— Elle m’a abandonné, mein imperator ! J’étais sur le point de réussir… j’allais vous donner la légion des anciens… mais elle m’a abandonné !
Allongé sur le sol marbré de son repaire souterrain, le vieillard lança un regard suppliant en direction d’un jeune elfe torildar. Ce dernier le regardait avec un curieux mélange de mépris et de pitié.
Le Torildar était entouré d’une hemisphère de protection luminescente. Quatre Nadzirdari l’encerclaient, attendant visiblement la fin de cette protection.
L’un d’eux porta un violent coup de pied au vieil homme.
— Dégage, raclure !
Le vieillard roula sur le sol et s’éloigna à quatre pattes… mais un obstacle encombrait le passage : le cadavre encore chaud d’un second seigneur torildar.
— Mort ? S’exclama-t-il. Il n’aurait pas dû mourir… il aurait dû servir ma fureur !
Le vieil homme fixa le cadavre droit dans les yeux, avec une curieuse expression mêlant regret et désir. Ses doigts caressèrent le visage du cadavre… un nouvelle fois, un Nadzirdar vint le tirer violemment de sa rêverie.
— Je t’interdis de toucher au noble Telathir ! Nous ne l’avons pas tué pour satisfaire tes pulsions nécrophiles !
Sous la menace d’un nouveau coup de pied, le vieil homme battit en retraite vers un coin de la salle dont il ne bougea plus.
La salle contenait d’autres cadavres d’elfes : des Nadzirdari. Telathir n’avait pas été facile à tuer.
Une explosion se fit entendre, immédiatement suivie d’un crépitement électrique… les quatre elfes sombres et le dernier Torildar encore en vie reportèrent leur attention vers une lourde porte en chêne qui venait de voler en éclats…
— Tu es toujours vivant, Irildar ! ricana le chef du groupe. Viens nous rejoindre, il ne manque que toi pour que la fête soit complète.
Oxidor fit irruption dans la salle, l’arme au poing.
— Toujours aussi lâches pour s’attaquer aux vieillards et aux enfants ! S’exclama-t-il en désignant le coin de la pièce ou le vieil humain était toujours recroquevillé.
— Cet enfant est un monteur de griffon, répliqua le Nadzirdar, et ce vieillard est la terreur d’Iril-Ranor… le massacreur d’elfes sylvain… l’homme qui a mené de victorieuses campagnes contre votre peuple. Je te présente Hazvorbak le dépravé.
— Ça ? S’exclama Oxidor.
— Il était plus fier lorsqu’il est arrivée à Solarys pour la première fois, il y a cinquante ans… il avait pris le contrôle, les dieux savent comment, d’une créature infernale aux pouvoirs tout à fait exceptionnels : la Dame Rouge. Mais il en a perdu le contrôle, et voilà ce qu’il en reste. Sans magie les humains ne sont rien… Quoi qu’il en soit, nous avons promis de le ramener vivant à l’empereur, et nous tiendrons notre marché. Mais nous n’avons jamais promis de vous laisser la vie.
Un des quatre Nadzirdari montait la garde devant la sphère protectrice de Thénarion tandis que les trois autres se deployèrent autour de l’elfe sylvain.
— Vous n’êtes pas assez nombreux, ricana ce dernier. Je vais tout juste égaler mon record des arènes.
* * *
Enfermé dans sa sphère de protection, qui l’empêchait également de combattre, le jeune elfe avait le regard rivé sur le cadavre de son père.
Telathir de Hautecour n’était pas seulement un des plus importants seigneur torildar, c’était aussi un puissant guerrier-magicien et un redoutable manipulateur : il avait toujours un plan, un plan de secours et un plan derrière chaque plan… Les Nadzirdari s’étaient montré moins subtils, mais ils étaient arrivé à leurs fins.
La sphère de protection était son dernier sortilège. Il l’avait lancé grâce à l’anneau magique qu’il portait à l’index gauche. « L’anneau du dernier recours », comme il l’appelait lui-même. Mais l’anneau contenait d’autres sortilèges, assez puissants pour renverser la situation si Thénarion aurait pu s’en servir… mais il ne connaissait même pas le mot magique pour l’activer.
Telathir ne partageait pas ses plans avec son propre fils.
L’aura de la sphère de protection crépita un bref instant et reprit immédiatement sa consistance d’origine. L’elfe sombre qui montait la garde manifestait des signes d’impatience… la sphère pouvait tenir encore cinq ou six minutes avant qu’il n’ait le plaisir de tuer un deuxième elfe des montagnes. Ses compagnons avaient repoussé leur adversaire à l’entrée de la salle et ne tarderaient pas à en finir avec l’elfe sylvain tandis que lui… devait attendre devant un gosse incapable de se défendre. Sa réputation en souffrirait certainement.
Un cri d’agonie résonna dans la salle… un Nadzirdar venait de se faire tuer… sans doute cet imbécile de Natchen He’Nek qui prenait toujours trop de risques pour être le premier à blesser un adversaire réputé. L’elfe sombre en fut soulagé… avec un peu de chance, le combat durerait assez longtemps pour qu’il ait le temps de finir le gamin et de rejoindre ses compagnons.
Le « gamin » en question agita les bras et prononça une incantation. Peut-être s’était-il enfin décidé à sortir de sa bulle et recevoir une mort de guerrier… Le Nadzirdar se prépara au choc, mais au lieu de disparaître, la sphère de protection se mit à briller d’un nouvel éclat… cette misérable larve avait prolongé son sort de protection pendant que ses amis se faisaient tuer pour lui.
Le Nadzirdar cracha par terre de rage et de mépris. Ce nouveau coup du sort réduisait à néant ses chances de devenir un des « tueurs d’Oxidor Trucidel »… à moins qu’il n’abandonne son poste pour rejoindre ses compagnons qui avaient certainement besoin d’aide.
Son regard allait de l’elfe des montagnes à l’entrée de la salle, revenait à l’elfe et retournait à l’entrée…
Puis soudain, un jet d’acide lui brûla le visage.
La sphère de protection avait disparu.
Le Nadzirdar s’écroula, terrassé par la douleur, sans même comprendre qu’il avait été berné par un simple sortilège d’illusion.
* * *
Il ne restait que deux Nadzirdari en face de lui, mais Oxidor avait lui-même subit quelques blessures… il avait entendu les hurlement de l’elfe sombre brûlé à l’acide et il évaluait ses chances de survies et celles de Thénarion.
Les siennes étaient nulles, mais il pouvait sauver l’elfe des montagnes s’il abattait encore un adversaire. Les deux elfes sombres se gênaient mutuellement, il trouva une ouverture et frappa, un Nadzirdar s’écroula, l’épée du sylvain enfoncé dans la poitrine. Le second poussa en avant le cadavre de son compagnon et fit perdre l’équilibre à l’elfe sylvain. Le dernier elfe sombre s’élança et se jeta sur son adversaire maintenant désarmé.
— Pour un champion des irildar, ricana-t-il, je m’attendais à beaucoup mieux.
Il leva son épée pour donner le coup de grâce…
Et un carreau d’arbalète lui traversa la poitrine.
Au fond du couloir, un guerrier en armure avançait lentement…
Oxidor se redressa, toujours désarmé, pour faire face à son sauveur.
— Tengo ! s’exclama-t-il. Comment avez-vous su…
— su quoi ? J’étais venu vous chercher et j’ai vu que vous étiez en danger.
Thénarion apparut à l’entrée de la salle.
— Le dernier est hors de combat, je ne l’ai pas achevé… je n’ai jamais…
Il n’osa pas achever sa phrase.
— Tant mieux, répondit Oxidor. Les Nadzirdari s’étaient engagé à s’occuper d’Hazvorbak pour le compte de l’Empereur, ils ont autant que nous intérêt à tenir leurs engagements. Tengo ! Je vous dois une vie… pourquoi aviez vous besoin de nous ?
— Zaragh a assassiné Tabor, puis il a assomé Henrik et enlevé le Prince Wotsaben.
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