La Putain de Volonté
Je prends le putain de chemin du retour. Et c'est con, mais j'ai cette impression de te rejoindre, comme si on était censés se retrouver au bout de cette route. Pas à un rendez-vous fixé, non. Juste une de ces fatalités que la vie te balance à la gueule. C'est un cauchemar unilatéral, un truc qui ne concerne que moi, je le sais bien. Une putain de pièce de théâtre dont je suis le seul spectateur, à te regarder bouger sur scène sans même que tu saches que je suis là, dans le noir, à fumer mes clopes.
C'est comme si lorsqu’on s'est quittés l'an dernier, ce n'était qu'une pause. Une de ces pauses où tu attends le prochain acte, le moment où le rideau va remonter sur la suite. Alors que je doute fortement de ton retour dans ma putain de machine de vie. Ma machine rouille, tu sais. Elle a besoin d'huile, et de chaos pour la faire tourner.
Mais ça fait vibrer, putain. Ça me donne de l'espoir. Je ne sais pas lequel, quel genre d'espoir. L'espoir de te voir sourire pour de vrai ? L'espoir que notre gamin retrouve cette paix que sa petite gueule mérite ? Ou juste l'espoir que ce foutu film ne soit pas encore terminé ? Genre attendre la scène post générique d’un film de super-héros en espérant qu’il y aura une suite plus badass. Peu importe, ça donne de l'espoir. Ce truc vicieux qui te cloue au sol même quand tu veux t'envoler.
Même de loin, physiquement, émotionnellement, j'ai cette putain d'impression que rien ne nous a vraiment quittés. Il n'y a rien de terminé, non. Pas vraiment. Peut-être juste un vieux vase à recoller. Ça ne serait pas parfait, je le sais. Il y aurait des fuites, des cicatrices, des fêlures visibles à l'œil nu. Mais on pourrait toujours la remplir. La remplir, putain. Avec du vin rouge, ou juste de la putain d'eau, peu importe. L'essentiel, c'est que ça puisse contenir quelque chose. Que ça ne soit pas vide. Que ça soit encore nous, même brisé.
Parce qu'au fond, cette putain d'idée de reprendre là où tout s'est arrêté, elle me traque. C'est pas une flamme qui te bouffe, non. C'est un putain de besoin ancré, cette connexion, cette putain d'intensité que tu ne trouves nulle part ailleurs. Même si je sais, bordel, que ça sera un putain de chemin de croix. Mais je doute que ça se fasse. La vie n'est pas un conte de fées. Elle est un crash test.
Regarde à quel point on se lâche pas. Regarde notre clebs, même de loin c'est un peu moi qui le gère. Et lui et son môme qui veulent en faire de la charpie ! Franchement ça me donne envie de le cogner !
Tu te souviens de tes délires de flammes jumelles ? Peut-être que je suis celle-ci. J'y crois pas, non. Mais je peux me résigner à faire comme si j'y croyais. Parce que l'espoir, même de cette nature, ça maintient en vie.
Mais si je te dis tout ça, c'est que je voudrais te voir sourire pour de vrai à nouveau. Comme sur nos vieilles photos, où ton rire ne venait pas d'une comédie jouée pour masquer la peur. Un vrai putain de sourire. Et que notre gamin, il soit heureux de ça. Que le bonheur, ça soit pas un concept lointain pour lui. C'est l'image d'une paix, même précaire, qui me tient au bide.
Même avec un gamin de plus qui n'est pas le mien. Parce que le grand inconnu, c'est un tremplin, et on ne peut pas continuer à vivre comme si on n'était pas vivants. Faut foncer, même si on sait que ça peut péter à tout moment. La vie, c'est pas un film de cul hollywoodien, c'est un putain de crash test permanent. Et toi, t'es la plus belle des épaves.
Annotations
Versions