Abysses

4 minutes de lecture

Tiens vous revoilà déjà ? Alors la Vie s’était comment ? Un peu décevant n’est ce pas ? Je ne vous le fais pas dire, on en parle toujours comme si c’était un bien précieux et une chance inespérée de changer l’univers entier. Ce qui en soit… n’est pas faux, mais est tout simplement impossible en tant qu’humain comme ce jeune Sébastien. Un grain de sable dans un océan pratiquement infini.

Pour changer les lois de l’univers, il n’aurait pas fallu naître en humain. Vous avez vu l’humanité mourir, vous savez donc combien elle est insignifiante et imbue de sa prétendue toute-puissance. Les plus modestes d’entre-eux se prennent à rêver des limites du multivers, d’autres mondes plus stimulant. Comment les en blâmer ? Le sel de l’existence humaine relève de la manière d'asseoir une forme de domination sur son frère de sang. Difficile de trouver plus pitoyable.

Cela dit votre jeune narrateur avait marqué un point. Même si le destin est écrit, chacun est libre de rêver et de s’évader. Le monde a effectivement besoin de rêveur, car la Vie est aussi cruelle que monotone. La suivre sans creux, ni relief jusqu’à sa propre disparition est un aller-simple vers la folie. Voici donc probablement la raison d’exister des lignes que vous parcourez en cet instant même. Des lignes, des mots, pourvus de petits caractères s’enfonçant vers les abysses du monde connu. Il est temps de repartir.

Non vers une existence unique, pourvue d’une narration plus ou moins romancée, mais un petit tour vers les abysses de l’espace. Ainsi vous et moi, nous enfonçons vers les limites du monde connu. Ce monde scientifiquement montré est si petit, si étriqué face à la somme des possibles rendus plausibles par la raison. Loin du système de Sébastien, d’Arnaud ou du Lori à collier jaune, se trouve le néant. Un vide tant redouté par notre fragile existence, gouvernée par aucun être conscient, sans pour autant en être dépourvu.

Aux côtés des Anciens, voguent pesamment des entités brassant un panaché de créatures de notre monde, notre imaginaire et ceux hors des possibilités admises. Ainsi Artrishia, créateur de l’équilibre de toute chose, flotte sans entrave entre les étoiles mourantes. Son long corps filiforme, drappé d’un long duvet tirant vers la tristesse de l’hiver, brasse les règles de la gravité de ses larges nageoires fumantes au milieu d’étranges serpents spectraux. Sans but autre que maintenir un semblant d’équilibre au fond des âmes errantes du macrocosme, l’ancien Dieu parcourt le multivers depuis des cycles inquantifiables.

Non loin, à tout au plus une dizaine d’années lumières, un organisme vaporeux, plus grand que notre vieille galaxie tout entière submerge peu à peu le système de Folkvardr. Un corps éthéré doué d’une conscience multiple n’existant que pour engloutir les autres. Son destin… il en cherche la signification, l’objectif depuis l’aube du Temps lui-même. Même les titans oubliés sont en quête d’acception. Néanmoins, son éternité apparente touchera à sa fin aux abords du système de Kellar. La faune y est plus intelligente et lucide sur des siècles lumineux à la ronde. Alors qu’un nouveau-venu dans les limbes de l’infini goûte son pouvoir depuis les méandres de cette ancienne galaxie, l’arrivée de la nébuleuse vivante en marquera le renouveau.

En cet instant, sur les terres désertiques de Qusus, sur la plus haute dune surplombant la cité de Valuire, un être à l’intelligence sans égale, pose ses yeux sur son nouvel invité. En haut de la tour du Pendule, le regard focalisé dans les profondeurs du cosmos, son imposant télescope entrevoit la mort d’une planète vivante.

Semblable à une supernova rougeoyante, le coeur d’Inaos, Gardien des flammes originels se fissurent suite à la pire des trahisons. Garants du juste maintien du multivers les Gardiens s’affrontent depuis l’origine. D'aucuns disent qu’ils sont les enfants d'Ouroboros, d’autres les présentent comme les fragments de son âme. Toujours est-il que l’un d’entre eux vient de s’éteindre, écrasé par la puissance de l’Empereur du Néant, Nabial.

Il n’est cependant guère aisé de détruire complètement un Gardien. En quête de renaissance, les fragments du coeur d’Inaos se disperse dans l’univers. La Vie, quelle qu’elle soit, quelle que soit la forme qu’elle puisse prendre, sera leurs instruments. L’un d’entre eux s’écrase sur Neumia, dans le désert de Qusus justement. Quelques uns se perdent dans les méandres de l’univers, mais deux d’entre eux finissent par atterrir sur le manteau de la bien trop douce Gaïa. La suite relève de bien des histoires sordides…

Plus loin, sur le dos d’une planète aqueuse comparable à un fin anneau aux reflets argentés, git les restes d’une autre civilisation millénaire. Dévorée par sa propre folie. Elle aussi. Nulle vibration n’en causa la disparition, seulement une simple pression d'un bouton. Juste une toute petite pensée destructrice et cette race ancienne douée de télépathie s’évapora dans le néant.

C’est le sort de la plupart des civilisations. Rares sont celles qui prospèrent dans la paix, un soupçon d’harmonie, et étendent leur présence dans l’univers. Néanmoins, de tels êtres existent. Quelques uns sont immortels et bâtissent leur République sans animosité aucune. D’autres belliqueux envers la différence, mais soumis à des entités, souvent appelés dieux, bien plus actives que celles inventées par les terriens. Cela dit, il est difficile pour des entités qui n’existent pas de pouvoir faire quoi que ce soit pour soumettre un peuple aigri qui ne croit qu’en ce qui l’arrange.

En longeant le corps oblong, incandescent et tentaculaires d’Ordrosh, éternel vagabond céleste, ensemençant de nouveaux astres derrière son imposante ossature, vous arrivez finalement dans un système nimbé d'une relative quiétude. Une poignée de vaisseaux drapés de voiles solaires sillonnent les courants interstellaires entre les pluies de météores étincelantes où quelques lourds cétacés ondulent lentement, au rythme d’une mélopée berçant les planètes d’une lente valse perpétuelle.

Il est temps d’amerrir.

Annotations

Vous aimez lire Naethano ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0