Le cri de la Louve
Lydia referma la porte derrière elle d’un geste lent, presque solennel. Boursicot l’attendait, assis dans son fauteuil de cuir, un verre à la main. La pièce était plongée dans une semi-obscurité, seulement troublée par les éclairs qui zébraient le ciel et projetaient des ombres mouvantes sur les murs. Son regard était vide, fatigué, comme celui d’un homme qui avait déjà tout perdu.
Lydia referma la porte derrière elle d’un geste lent, presque solennel. Boursicot l’attendait, assis dans son fauteuil de cuir, un verre à la main. La pièce était plongée dans une semi-obscurité, seulement troublée par les éclairs qui zébraient le ciel et projetaient des ombres mouvantes sur les murs. Son regard était vide, fatigué, comme celui d’un homme qui avait déjà tout perdu.
— Alors, murmura-t-il en faisant tourner le liquide ambré dans son verre. C’est toi qui viens pour me faire tomber, Lydia ?
Elle s’approcha lentement du bureau, les mains crispées sur un dossier de documents qu’elle jeta devant lui. Des preuves, des signatures, des traces de transactions macabres. Tout ce qu’il fallait pour prouver sa culpabilité.
— Tu n’as pas idée de ce que j’ai dû faire pour rassembler tout ça, souffla-t-elle, sa voix tremblante d’émotion contenue.
Boursicot prit les feuilles du bout des doigts, mais ne les regarda même pas. Il lâcha un rire amer.
— Pourquoi cette mascarade, Lydia ? Je sais déjà que c’est fini.
— Tu ne réalises même pas à quel point… gronda-t-elle. Fatla… notre fille… elle est morte à cause de toi. À cause de ta cupidité, de tes magouilles. Elle ne devait pas mourir ce jour-là !
Sa voix se brisa sur les derniers mots. Elle se mordit la lèvre pour ne pas éclater en sanglots. Une colère froide la maintenait debout, mais elle sentait la douleur lui scier le cœur à chaque seconde. Elle voulait le voir souffrir, le voir implorer, nier, se débattre. Mais au lieu de cela, il posa enfin son verre et la fixa avec un regard insondable.
— Tu crois que c’est moi qui l’ai tuée ? demanda-t-il d’une voix plus rauque.
Lydia trembla. Elle ne répondit pas tout de suite. Il n’y avait pas d’autre explication, pas d’autre coupable possible. Elle s’était laissée aveugler par son amour pour lui, par l’homme qu’il avait été avant de se perdre dans la corruption et le crime.
— Dis-moi que ce n’est pas vrai, murmura-t-elle, une lueur vacillante d’espoir dans les yeux.
Boursicot détourna le regard, sa mâchoire se contracta. Il ne nia pas. Lydia sentit une lame invisible lui transpercer la poitrine.
— Mon Dieu… souffla-t-elle, reculant d’un pas. Comment as-tu pu ?
Il passa une main sur son visage fatigué et secoua lentement la tête.
— Lydia… ce n’est pas moi.
— NE MENT PAS ! hurla-t-elle, la rage balayant toute retenue. Tu savais ! Tu savais que cet accord pouvait mal tourner ! Tu savais qu’ils s’en prendraient à elle si tu ne respectais pas ta part du marché!
Boursicot se leva lentement, contournant le bureau. Il la regarda droit dans les yeux, les siens brillaient d’une tristesse profonde.
— Je l’aimais aussi, Lydia… Je donnerais tout pour remonter le temps.
— Tu ne peux pas, cracha-t-elle. Tu es un monstre.
Un silence pesant s’installa entre eux, seulement troublé par les hurlements du vent dehors et le grondement sourd de la tempête.
Puis, doucement, presque dans un souffle, Boursicot murmura :
— Ce n’était pas moi….
Lydia cligna des yeux.
— Quoi ?
Boursicot s’approcha d’un tiroir et en sortit un vieux dossier. Il le lui tendit et, d’une main tremblante, Lydia l’ouvrit. À l’intérieur, des photographies. Des pages jaunies.
Lydia porta une main à sa bouche, ses jambes vacillant sous elle.
— Non… ce n’est pas possible…
Les images défilaient devant ses yeux. La femme en deuil. La mère éplorée. Celle qui priait pour la justice. Celle qui, dans l’ombre, avait choisi de rendre coup pour coup.
Elle tomba à genoux, un cri silencieux enfermé dans sa gorge. Elle s’était trompée. Depuis le début… et là, elle réveilla de son rêve sinistre.
Boursicot s’accroupit près d’elle, les mains tremblantes, il la rassura :
— Nous avons tous perdu, Lydia. Tous.
Elle releva un regard noyé de larmes vers lui. Elle voulait continuer à le haïr. Mais il ne restait que des cendres.
Les mots commençaient à diminuer. Elle les sentait glisser hors de son corps, un à un, comme si son âme vidait son dictionnaire. Rien n’avait plus de sens.
Pourquoi le monde semblait-il aussi injuste ? Et surtout… pourquoi la mort ne meurt-elle pas ?
Vivre, c’est peut-être donner du sens. Mais elle en avait tellement que, parfois, elle ne savait même plus d’où il venait. Trop de sens. Trop de douleurs masquées sous des justifications. À la fin, ce sens-là ne voulait plus rien dire.
Un jour, sa mère lui avait dit :
— Si tu entends une louve hurler, c’est qu’elle appelle sa meute.
Et Lydia… elle criait seule, encore et encore. Est-ce que son cri avait encore un lien avec elle ? Ou existait-il juste pour exister ?
Le silence faisait trop de bruit. Et la parole… la parole, elle était trop silencieuse. Alors elle imaginait. Pour survivre. Pour tenir debout. Comme si elle devait naître une seconde fois, mais en sachant déjà ce que ça fait de perdre.
On a tous un jour où l’on ne croit plus. Où notre âme se tait. Où les mots deviennent trop durs à dire. Et pourtant, on continue d’essayer… juste pour rendre les paroles plus émouvantes.
Boursicot se leva d’un bond, les yeux écarquillés, la mâchoire serrée.
— Ah bon ? T’étais jamais heureuse alors ? lança-t-il, le ton glacial, presque tranchant.
— Pourtant je t’ai tout donné. Tout ce que tu voulais.
— J’ai travaillé comme un chien, jour et nuit, pour t’offrir ce que tu jugeais nécessaire pour vivre…
Il fit un pas vers elle, le regard noir.
— Et toi, qu’est-ce que t’as fait ?
— Tu t’es laissée séduire par Jean Pendant ce foutu voyage politique…
Silence.
Ses mots étaient des gifles. Pas seulement pour elle. Pour lui aussi. Chaque phrase sonnait comme une trahison prononcée à voix haute. L’air était devenu trop lourd pour respirer. Elle ne répondit pas. Pas tout de suite.
Il s’approcha d’elle. Lentement. Trop lentement. Elle savait ce qui allait suivre. Elle connaissait ce rythme : d’abord le silence, puis les mots cassants, puis les mains.
Elle ne recula pas. Plus maintenant. La peur, elle l’avait déjà usée jusqu’à l’os.
— T’as même pas le courage de nier ? cracha-t-il.
Il leva la main. Comme tant de fois auparavant. Pas par surprise. Non. Par habitude. Par contrôle.
— Tu sais ce que j’ai sacrifié pour toi ? Pour cette maison ? Pour ce putain de faux bonheur que tu exposais aux autres ?
La gifle claqua. Sèche. Pas trop forte — il savait exactement comment frapper sans laisser de traces trop visibles.
Elle ne pleura pas. Pas cette fois.
— Tu frappes plus fort tes regrets que moi, dit-elle doucement.
Il resta figé. Ce n’était pas la réponse qu’il attendait.
Elle essuya le coin de sa lèvre, sans se plaindre. Sans fuir
— Tu veux savoir si j’étais heureuse ? Non. Jamais Parce que chaque jour avec toi, c’était mourir à petit feu Parce que tu confondais aimer et posséder. Parce que ton amour avait des poings, pas des bras.
Il fit un pas de plus. Mais elle ne bougea pas.
— Tu frappes parce que tu veux garder le contrôle. Mais ce soir, t’as perdu. C’est fini.
Elle avança à son tour. Le regard droit. Enfin.
— Je n’ai plus peur de toi.
Et pour la première fois, ce fut lui qui recula.
Il rit. Un rire amer, sale, presque animal.
— T’as plus peur de moi ? T’es sérieuse ? T’es qu’une putain d’ingrate !
Il balança un verre contre le mur. Les éclats volèrent, comme ses mots.
— Tu crois que tu vaux mieux que moi maintenant, hein ? Depuis quand t’as des couilles pour me parler comme ça ?
Il s’approcha encore, trop près. L’odeur de colère, de sueur, de bière.
— Tu crois que je te frappais pour le plaisir ? Hein ? C’est toi qui me poussais à bout avec tes airs de sainte-nitouche, toujours à pleurnicher pour rien !
Elle ne dit rien. Pas encore.
— Et puis quoi ? Tu t’es offerte à Jean pour quoi ? Pour du champagne ? Pour un peu de douceur ? Mais t’es qu’une salope comme les autres. Habillée en femme modèle, mais t’as le cul sale comme tout le reste !
Elle ferma les yeux. Pas de peur. De dégoût.
Il continua, comme un poison qui déborde.
— Tu crois que tu vas t’en sortir ? Que tu vas me quitter comme ça ? Tu vaux rien sans moi. Rien. Même ton nom, c’est moi qui te l’ai donné. Tu veux quoi, retourner vivre chez ta mère avec ta honte entre les jambes ?
Puis le silence.
Elle le regarda. Il était là, tremblant, rouge, presque ridicule. Plus homme. Plus mari. Juste un monstre qui se noie dans sa propre haine.
Cette fois, elle parla. Calme. Tranchante.
— T’as fini ? T’as vidé ton venin ?
Il recula, un peu. Hésita. Comme s’il ne reconnaissait plus la femme devant lui.
Elle s’essuya la joue. Ramassa ses clés. Et murmura :
— Tu peux me traiter de tout ce que tu veux. Mais t’as plus de pouvoir sur moi. Plus jamais.
Elle ouvrit la porte.
Il cria encore, des insultes, des menaces, des mots vides. Mais elle ne se retourna pas.
Ce soir, c’était lui qui restait seul avec ses hurlements.
Elle était partie. La porte avait claqué. Le silence lui fit l’effet d’une bombe.
Il resta debout, au milieu du salon, le souffle court, les yeux vides. Les éclats de verre autour de lui brillaient comme des cicatrices qu’il ne sentait même plus. Son visage tremblait. Pas de chagrin. De rage rentrée. D’humiliation pure.
Elle était partie. Elle avait osé. Et il n’avait rien pu faire.
Il se laissa tomber dans le fauteuil, les coudes sur les genoux, le regard planté dans le vide. Il aurait pu pleurer. Mais les larmes, il les avait désapprises il y a longtemps.
Alors, il fit ce qu’il savait faire : reprendre le contrôle. Froidement.
Il attrapa son téléphone, les mains sales de colère. Un numéro, sans nom. Juste un code.
Il appela.
— Allô ? dit une voix rauque à l’autre bout. — C’est moi.
Un silence. Puis une tension qui s’installe.
— Ah. J’me disais bien que tu finirais par rappeler. Ça fait longtemps.
Il serra les dents.
— J’ai un problème. Personnel. Et politique. Je veux que ça reste discret, mais net. — Tu veux qu’on la fasse flipper ? Qu’on l’efface ? Qu’on ruine sa vie ? — Pas encore. Mais je veux que tu la suives. Que tu saches où elle dort, avec qui elle parle, ce qu’elle fout de ses journées.
Un ricanement gras lui répondit.
— Tu reprends les bonnes vieilles habitudes, hein ? — Je ne perds jamais. Tu me connais. Et je ne laisse personne m’échapper sans en payer le prix.
Il raccrocha. Lentement.
Le masque était revenu sur son visage. L’homme public, impeccable, souriant, n’était qu’un vernis. Derrière, il n’y avait plus que du marbre froid et du calcul.
Elle pensait être libre. Mais il comptait bien lui faire comprendre qu’on ne quitte pas un homme comme lui. Pas sans conséquences.
Elle ne pouvait pas aller loin. Elle le savait. Même en claquant la porte, même en quittant cette prison dorée, elle avait senti le regard sur elle. Un frisson. Pas de froid. D’instinct.
Les hommes de Boursicot n’étaient pas discrets. Ils n’en avaient pas besoin. Ils étaient là pour intimider, rappeler qu’elle appartenait encore au système, à lui.
Elle les avait vus. Un faux livreur. Une voiture stationnée trop longtemps au coin de la rue.
Elle savait comment ça marchait. Elle avait vécu trop longtemps dans l’ombre du pouvoir pour l’ignorer.
Mais ce qu’elle ignorait… c’était l’autre présence. Quelque chose qui ne faisait pas de bruit. Pas de démonstration
Elle avait toujours fait semblant de ne rien comprendre. Mais elle avait tout noté. Sur un carnet. Mais l’homme à sa trousse… lui, savait qu'Il n’était pas là pour la surveiller. Il était là pour la faire taire.
Les mots commençaient à diminuer. Elle les sentait glisser hors de son corps, un à un, comme si son âme vidait son dictionnaire. Rien n’avait plus de sens.
Pourquoi le monde semblait-il aussi injuste ?
Et surtout… pourquoi la mort ne meurt-elle pas ?
Vivre, c’est peut-être donner du sens. Mais elle en avait tellement que, parfois, elle ne savait même plus d’où il venait. Trop de sens. Trop de douleurs masquées sous des justifications. À la fin, ce sens-là ne voulait plus rien dire.
Un jour, sa mère lui avait dit :
— Si tu entends une louve hurler, c’est qu’elle appelle sa meute.
Et Lydia… elle criait seule, encore et encore. Est-ce que son cri avait encore un lien avec elle ? Ou existait-il juste pour exister ?
Le silence faisait trop de bruit. Et la parole… la parole, elle était trop silencieuse. Alors elle imaginait. Pour survivre. Pour tenir debout. Comme si elle devait naître une seconde fois, mais en sachant déjà ce que ça fait de perdre.
On a tous un jour où l’on ne croit plus.
Où notre âme se tait.
Où les mots deviennent trop durs à dire.
Et pourtant, on continue d’essayer… juste pour rendre les paroles plus émouvantes.
Boursicot se leva d’un bond, les yeux écarquillés, la mâchoire serrée.
— Ah bon ? T’étais jamais heureuse alors ? lança-t-il, le ton glacial, presque tranchant.
— Pourtant je t’ai tout donné. Tout ce que tu voulais.
— J’ai travaillé comme un chien, jour et nuit, pour t’offrir ce que tu jugeais nécessaire pour vivre…
Il fit un pas vers elle, le regard noir.
— Et toi, qu’est-ce que t’as fait ?
— Tu t’es laissée séduire par Jean Pendant ce foutu voyage politique…
Silence.
Ses mots étaient des gifles. Pas seulement pour elle. Pour lui aussi. Chaque phrase sonnait comme une trahison prononcée à voix haute. L’air était devenu trop lourd pour respirer. Elle ne répondit pas. Pas tout de suite.
Il s’approcha d’elle. Lentement. Trop lentement.
Elle savait ce qui allait suivre. Elle connaissait ce rythme : d’abord le silence, puis les mots cassants, puis les mains.
Elle ne recula pas. Plus maintenant.
La peur, elle l’avait déjà usée jusqu’à l’os.
— T’as même pas le courage de nier ? cracha-t-il.
Il leva la main. Comme tant de fois auparavant. Pas par surprise. Non. Par habitude. Par contrôle.
— Tu sais ce que j’ai sacrifié pour toi ? Pour cette maison ? Pour ce putain de faux bonheur que tu exposais aux autres ?
La gifle claqua. Sèche. Pas trop forte — il savait exactement comment frapper sans laisser de traces trop visibles.
Elle ne pleura pas. Pas cette fois.
— Tu frappes plus fort tes regrets que moi, dit-elle doucement.
Il resta figé. Ce n’était pas la réponse qu’il attendait.
Elle essuya le coin de sa lèvre, sans se plaindre. Sans fuir
— Tu veux savoir si j’étais heureuse ? Non. Jamais
Parce que chaque jour avec toi, c’était mourir à petit feu
Parce que tu confondais aimer et posséder.
Parce que ton amour avait des poings, pas des bras.
Il fit un pas de plus. Mais elle ne bougea pas.
— Tu frappes parce que tu veux garder le contrôle.
Mais ce soir, t’as perdu. C’est fini.
Elle avança à son tour. Le regard droit. Enfin.
— Je n’ai plus peur de toi.
Et pour la première fois, ce fut lui qui recula.
Il rit. Un rire amer, sale, presque animal.
— T’as plus peur de moi ? T’es sérieuse ? T’es qu’une putain d’ingrate !
Il balança un verre contre le mur. Les éclats volèrent, comme ses mots.
— Tu crois que tu vaux mieux que moi maintenant, hein ? Depuis quand t’as des couilles pour me parler comme ça ?
Il s’approcha encore, trop près. L’odeur de colère, de sueur, de bière.
— Tu crois que je te frappais pour le plaisir ? Hein ?
C’est toi qui me poussais à bout avec tes airs de sainte-nitouche, toujours à pleurnicher pour rien !
Elle ne dit rien. Pas encore.
— Et puis quoi ? Tu t’es offerte à Jean pour quoi ? Pour du champagne ? Pour un peu de douceur ?
Mais t’es qu’une salope comme les autres. Habillée en femme modèle, mais t’as le cul sale comme tout le reste !
Elle ferma les yeux. Pas de peur. De dégoût.
Il continua, comme un poison qui déborde.
— Tu crois que tu vas t’en sortir ? Que tu vas me quitter comme ça ?
Tu vaux rien sans moi. Rien. Même ton nom, c’est moi qui te l’ai donné. Tu veux quoi, retourner vivre chez ta mère avec ta honte entre les jambes ?
Puis le silence.
Elle le regarda. Il était là, tremblant, rouge, presque ridicule. Plus homme. Plus mari. Juste un monstre qui se noie dans sa propre haine.
Cette fois, elle parla. Calme. Tranchante.
— T’as fini ?
T’as vidé ton venin ?
Il recula, un peu. Hésita. Comme s’il ne reconnaissait plus la femme devant lui.
Elle s’essuya la joue. Ramassa ses clés. Et murmura :
— Tu peux me traiter de tout ce que tu veux.
Mais t’as plus de pouvoir sur moi. Plus jamais.
Elle ouvrit la porte.
Il cria encore, des insultes, des menaces, des mots vides.
Mais elle ne se retourna pas.
Ce soir, c’était lui qui restait seul avec ses hurlements.
Elle était partie. La porte avait claqué. Le silence lui fit l’effet d’une bombe.
Il resta debout, au milieu du salon, le souffle court, les yeux vides. Les éclats de verre autour de lui brillaient comme des cicatrices qu’il ne sentait même plus.
Son visage tremblait. Pas de chagrin. De rage rentrée. D’humiliation pure.
Elle était partie.
Elle avait osé.
Et il n’avait rien pu faire.
Il se laissa tomber dans le fauteuil, les coudes sur les genoux, le regard planté dans le vide.
Il aurait pu pleurer. Mais les larmes, il les avait désapprises il y a longtemps.
Alors, il fit ce qu’il savait faire : reprendre le contrôle. Froidement.
Il attrapa son téléphone, les mains sales de colère.
Un numéro, sans nom. Juste un code.
Il appela.
— Allô ? dit une voix rauque à l’autre bout.
— C’est moi.
Un silence. Puis une tension qui s’installe.
— Ah. J’me disais bien que tu finirais par rappeler. Ça fait longtemps.
Il serra les dents.
— J’ai un problème. Personnel. Et politique. Je veux que ça reste discret, mais net.
— Tu veux qu’on la fasse flipper ? Qu’on l’efface ? Qu’on ruine sa vie ?
— Pas encore. Mais je veux que tu la suives. Que tu saches où elle dort, avec qui elle parle, ce qu’elle fout de ses journées.
Un ricanement gras lui répondit.
— Tu reprends les bonnes vieilles habitudes, hein ?
— Je ne perds jamais. Tu me connais. Et je ne laisse personne m’échapper sans en payer le prix.
Il raccrocha. Lentement.
Le masque était revenu sur son visage. L’homme public, impeccable, souriant, n’était qu’un vernis.
Derrière, il n’y avait plus que du marbre froid et du calcul.
Elle pensait être libre.
Mais il comptait bien lui faire comprendre qu’on ne quitte pas un homme comme lui.
Pas sans conséquences.
Elle ne pouvait pas aller loin. Elle le savait.
Même en claquant la porte, même en quittant cette prison dorée, elle avait senti le regard sur elle.
Un frisson. Pas de froid. D’instinct.
Les hommes de Boursicot n’étaient pas discrets. Ils n’en avaient pas besoin. Ils étaient là pour intimider, rappeler qu’elle appartenait encore au système, à lui.
Elle les avait vus. Un faux livreur. Une voiture stationnée trop longtemps au coin de la rue.
Elle savait comment ça marchait. Elle avait vécu trop longtemps dans l’ombre du pouvoir pour l’ignorer.
Mais ce qu’elle ignorait… c’était l’autre présence.
Quelque chose qui ne faisait pas de bruit. Pas de démonstration
Elle avait toujours fait semblant de ne rien comprendre.
Mais elle avait tout noté. Sur un carnet.
Mais l’homme à sa trousse… lui, savait qu'Il n’était pas là pour la surveiller.
Il était là pour la faire taire.

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